Les politiciens centristes français retrouvent leur liberté face à Macron
L’ancien Premier ministre français Edouard Philippe a sillonné la région du nord-est de l’Alsace pour soutenir les députés de son parti qui font face dimanche à de rudes batailles de réélection contre des opposants d’extrême droite.
Horizons est l’aile libérale conservatrice de l’alliance centriste à trois d’Emmanuel Macron. Mais le parti fait campagne sous sa propre bannière et ses tracts ne font aucune mention du président.
Philippe avance sur une ligne ténue entre la loyauté envers Macron et tracer sa propre voie menant à l’élection présidentielle, prévue en 2027, lorsque le deuxième et dernier mandat de Macron prendra fin.
Cet exercice d’équilibre était beaucoup plus simple maintenant que le président avait convoqué des élections anticipées et mis fin au gouvernement, a déclaré Philippe au Financial Times lors d’un arrêt de campagne à Wissembourg, une jolie ville aux maisons à colombages située à la frontière avec l’Allemagne.
Par définition, j’ai retrouvé ma liberté totale, dit-il. Son ambition est de construire une majorité plus large allant du centre gauche au centre droit pour remplacer l’administration centriste sortante.
Philippe, qui a été Premier ministre de Macron au cours des trois premières années de sa présidence, reste l’un des hommes politiques les plus populaires de France. Un sondage du week-end dernier l’a classé comme le candidat préféré du peuple à la présidence, devant Marine Le Pen, leader du Rassemblement national d’extrême droite.
Il était probable que Philippe et d’autres candidats à la présidence, comme le Premier ministre Gabriel Attal et le ministre des Finances Bruno Le Maire, se distancient d’Emmanuel Macron à l’approche de 2027. Les élections anticipées ont accéléré le processus.
C’est un signe des tensions déclenchées au sein de la coalition gouvernementale par la dissolution choc du Parlement par Macron et de sa marque politique ternie.
De nombreux alliés du président estiment que c’était une erreur colossale de convoquer des élections anticipées alors que Le Pens RN était sur une lancée après avoir remporté le vote du Parlement européen et avec trois semaines pour attaquer sa crédibilité. Macron a déclaré que c’était le moment de sortir les Français de leur fièvre politique.
Philippe, aujourd’hui maire du Havre, ville portuaire de Normandie, ne cache pas sa désapprobation de cette décision, affirmant qu’elle a provoqué la surprise, l’étonnement, parfois la colère. La semaine dernière, il a déclaré à la télévision TF1 que le président avait tué la majorité gouvernementale.
Il a décidé tout seul de se dissoudre, a déclaré Philippe au FT. Bien. Dans ce cas, nous devons construire quelque chose de différent.
Ses partisans voient Macron comme un handicap électoral. Si vous dites que voter pour l’un des candidats d’Édouard Philippe, c’est voter pour Emmanuel Macron, il y a un rejet immédiat. Immédiat !, a déclaré un allié.
La France entrait probablement dans une nouvelle configuration politique dans laquelle le président ne contrôlait plus le gouvernement et assumait un rôle institutionnel différent, a déclaré l’ancien Premier ministre. Macron n’était ni un parlementaire ni un chef de parti, donc la nouvelle majorité et le nouveau gouvernement qui émergera après les élections ne viendront pas de lui.

Philippe n’est pas le seul à observer que le pouvoir politique s’éloigne déjà du président, même si les centristes défient les attentes des sondages d’un effacement et parviennent d’une manière ou d’une autre à rassembler une majorité de députés modérés.
Attal, qui mène la campagne électorale pour l’alliance Macrons Ensemble, a déclaré que la France deviendrait un système plus parlementaire.
Il a déclaré la semaine dernière à BFM TV que, pour la première fois depuis deux décennies, le Premier ministre bénéficierait d’un mandat du peuple, contrairement aux temps normaux où les élections législatives suivent immédiatement le scrutin présidentiel, faisant du président un cadeau.
Philippe a confirmé au FT qu’il avait demandé à Macron de rester en dehors de la campagne électorale.
À une époque de turbulences politiques, il était impératif pour le président, en tant que garant des institutions, de rester au-dessus de la mêlée. S’il devenait acteur de la campagne, une éventuelle défaite pèserait sur la présidence de la République, et pas seulement sur l’homme, un risque que je considère dangereux.
Tout le monde dans le camp de Macron ne partage pas ses vues. François Patriat, sénateur de longue date et soutien de Macron depuis la première heure, a déclaré : « Si demain nous devons construire une coalition, il faut qu’il soit fort pour la diriger et il doit la diriger. Personne d’autre, et certainement pas Edouard Philippe. »
L’ancien Premier ministre est accusé d’avoir été inflexible lors des manifestations des Gilets jaunes de 2018, un mouvement populaire contre la baisse du niveau de vie qui a marqué les premières années de la présidence de Macron.
Macron doit tous ses ennuis à Philippe, a ajouté Patriat.
Mais la réputation de compétence discrète de l’ancien Premier ministre semble toujours tenir auprès des électeurs alsaciens.
J’ai toujours eu confiance en lui, dans ce qu’il dit et dans la manière dont il a dirigé le pays, a déclaré un passant à Wissembourg. Isabelle, commerçante du marché, a décrit Philippe comme un très bon Premier ministre pour lequel elle avait beaucoup de respect, même si récemment elle avait voté pour l’extrême droite.
L’appel persistant de Philippe ne suffira peut-être pas à sauver Stéphanie Kochert, députée locale de son parti Horizons, qui fait face à une course serrée contre l’extrême droite. Les électeurs ont le sentiment qu’ils ont essayé tout le reste et qu’ils sont prêts à leur donner une chance (au RN), a-t-elle déclaré. Les gens sont vraiment en colère et en ont marre.
Philippe ne se présente pas lui-même aux élections législatives, signe peut-être qu’il craint une déroute électorale. Les électeurs français voulaient du changement, pas un signal d’alarme de la part du président, a-t-il déclaré.
Je ne pense pas que nous puissions gagner… en disant : Eh bien, faites exactement la même chose avant, vous ne nous avez pas bien compris.
Reportage complémentaire de Leila Abboud à Paris