Les pharmaciens français se mettent en grève pour leurs rémunérations, menace des géants de la grande distribution

À 69 ans, Hélène Roy va bientôt ranger sa blouse blanche pour profiter d’une retraite bien méritée. Mais avant de quitter enfin le comptoir de sa « modeste » pharmacie de Dijon, la pharmacienne entend mener un dernier combat aux côtés de ses confrères, pour défendre un métier « au service des patients » qu’elle chérit et estime aujourd’hui menacé.
« Nous avons une image de gens riches. La réalité est beaucoup plus mitigée. Oui, il y a des pharmaciens qui gagnent très bien leur vie, mais ils ne sont pas aussi nombreux qu’on l’imagine », a-t-elle déploré. Elle a cité les nombreux messages qu’elle a reçus de collègues « en difficulté » après avoir publié un article d’opinion dans Le Monde (en français) le 15 avril, dans lequel elle s’alarme des difficultés économiques croissantes des pharmacies françaises. Ce jeudi, elle fermera boutique pour la journée pour défiler avec ses collaborateurs dans les rues de Dijon. Près de 40 cortèges, dont un à Paris, sont prévus à travers la France pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur le mal-être du secteur pharmaceutique.
À trois cents kilomètres de là, Michal Cohen, 32 ans, baissera également les volets de sa pharmacie parisienne. Le jeune propriétaire n’a pas hésité à répondre à l’appel à la grève lancé par les syndicats de la profession. Il a posté une vidéo sur TikTok détaillant les raisons de cette mobilisation nationale et elle a rencontré un grand écho, près de 2 000 réactions en quelques heures seulement. « De plus en plus de pharmacies sont en difficulté. Les pharmaciens ont des emprunts sur le dos, des loyers à payer, du personnel à payer. Mais les marges et la trésorerie diminuent, et l’inflation pèse sur nos coûts », a-t-il déclaré.
Augmenter le budget alloué
La protestation s’annonce significative. Selon les estimations de la Fédération française des syndicats pharmaceutiques (FSPF) et de l’Union des associations de pharmaciens (USPO), les deux principaux syndicats représentatifs de la filière, près de 90 % des 20 000 pharmacies que compte l’Hexagone fermeront leurs portes jeudi. Dans certaines villes, comme Nice et Avignon, toutes les pharmacies envisagent de se mettre en grève. La profession n’est pas habituée à de telles protestations. « La dernière manifestation de cette ampleur remonte à 2014. C’est une bonne indication du niveau de colère et d’angoisse des pharmaciens », a déclaré Hervé Jouves, patron d’Hygie31, qui regroupe sous sa bannière 1.200 pharmacies en France, et également vice-président. de Federgy, principal syndicat des groupes et chaînes de pharmacies.
Au cœur du conflit se trouvent les négociations avec l’Assurance-Maladie, l’assurance maladie publique française. Lancées en décembre, ces négociations visent à fixer les conditions dans lesquelles les pharmacies fonctionneront et seront rémunérées au cours des prochaines années. Les pharmaciens ambitionnent de porter le budget alloué à leur activité à 7,8 milliards d’ici 2025 en augmentant leurs honoraires. Cela représenterait 1 milliard de plus qu’en 2019.
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