Les migrants sur la côte française de la Manche ne sont pas découragés par les derniers décès

« Traverser la Manche, c’est jouer avec nos vies », reconnaît Hajji Mahmud.

Mais malgré les dangers, le migrant afghan est resté déterminé à tenter la traversée, même après la mort d’au moins six de ses compatriotes samedi matin lorsque leur navire a coulé.

Dans le camp de fortune de Loon-Plage sur la côte nord de la France, une quinzaine de tentes étaient éparpillées derrière un talus près d’un tas d’ordures en feu.

Mahmud y vit avec un groupe d’autres Afghans, certains très jeunes, et espérant une vie meilleure en Grande-Bretagne.

« Si nous avions une bonne vie en Afghanistan, un bon gouvernement, un bon système d’éducation… », a-t-il déclaré.

Il est entré dans l’Union européenne par la Croatie. Ce qu’il aimerait, dit-il, c’est que la police française et anglaise l’aide à traverser la Manche sans avoir à risquer sa vie.

Mais il sait qu’il n’obtiendra pas cela.

« Nous souffrirons jusqu’à ce que nous parvenions à traverser », a-t-il déclaré.

Les garde-côtes français et anglais ont indiqué que deux personnes étaient toujours portées disparues samedi soir après cette dernière catastrophe, lorsque le bateau transportant plus de 60 personnes a chaviré.

Beaucoup de personnes à bord – la plupart des quelque 60 personnes secourues – étaient des Afghans, comme lui, plus quelques Soudanais avec eux. Quelques-unes des personnes à bord étaient des mineurs.

– ‘On va réessayer’ –

Pour le secrétaire d’État français à la Mer, Hervé Berville, ce fut « une terrible tragédie humaine », s’ajoutant à un bilan déjà sinistre.

Cinq migrants sont morts en mer et quatre ont disparu alors qu’ils tentaient de traverser la Grande-Bretagne depuis la France l’année dernière.

En novembre 2021, 27 migrants sont morts lorsqu’un bateau a chaviré dans la Manche.

Mais de nombreux migrants sont toujours prêts à risquer la traversée. Selon les autorités de la côte nord de la France, il y a actuellement environ un millier de personnes qui attendent de tenter leur chance.

Bilal et Basir sont deux d’entre eux, campés sur un vieux canapé installé sous une bâche.

Si leurs familles étaient au courant du dernier naufrage, elles ne les laisseraient jamais tenter la traversée, ont-ils déclaré.

Ils avaient en fait voulu essayer de traverser la nuit précédente mais ils avaient raté le coche, ont-ils dit. Néanmoins, ils ont insisté pour qu’ils essaient à nouveau.

« Ma soeur, mon oncle, sont en Angleterre », raconte Basir, 22 ans.

« Mon rêve est d’apprendre parce que nous connaissons l’anglais et nous (voudrions) apprendre dans leurs universités ou collèges », a déclaré Bilal, 20 ans.

Mais Abu Mohamed, un exilé kurde irakien de 36 ans, a admis qu’il avait des doutes sur le fait de risquer le voyage.

« Si je vois que c’est très risqué, je vais essayer de rester en France », a-t-il déclaré à l’AFP.

– « Il y aura d’autres drames » –

A une trentaine de kilomètres de là, dans le port français de Calais, deux Soudanais de 16 ans figuraient parmi les survivants.

« En France, c’est compliqué pour nous », confie l’un d’eux.

« Il y a du racisme, personne ne veut de nous, nous dormons dans la rue et personne ne s’en soucie, nous ne pouvons pas travailler. »

Ils continueront d’essayer de faire la traversée vers l’Angleterre, ont-ils déclaré à l’AFP, espérant y parvenir en toute sécurité et étudier l’informatique.

Les décès de samedi étaient « un drame prévisible et évitable », explique Pierre Roques, qui travaille à L’Auberge des Migrants (« Migrants Inn ») – une alliance d’associations offrant un soutien aux migrants.

« Le Royaume-Uni s’oriente vers des solutions complètement extrêmes pour arrêter la traversée, qui n’auront aucun effet à part mettre de plus en plus en danger les personnes », a-t-il ajouté.

Il a cité les plans controversés de la Grande-Bretagne visant à interdire les demandes d’asile de toutes les arrivées via la Manche – les transférant à la place vers des pays tiers, comme le Rwanda – ou le projet de loger certains migrants sur des barges au large des côtes, également farouchement par des groupes de défense des droits.

Pour les personnes avec lesquelles il travaillait, ces politiques ajoutent à leurs inquiétudes, mais ne les empêcheront pas de risquer la traversée.

« Il y aura d’autres drames », a déclaré Régis Holy, capitaine d’un canot de sauvetage qui a ramené cinq des survivants à Calais.

Les migrants qui avaient tout donné pour arriver jusque-là, continueraient à tout risquer pour faire la traversée.

« Ça ne s’arrêtera jamais », a-t-il prévenu.

Les groupes travaillant avec les migrants ont dénoncé à plusieurs reprises la politique des autorités locales consistant à forcer régulièrement les migrants à quitter leurs camps de fortune, pour les maintenir en mouvement.

Jean-Claude Lenoir, qui dirige l’un de ces groupes, Salam, a déclaré que 12 fourgons de la police anti-émeute avaient démantelé au moins quatre camps autour de Calais samedi.

Compte tenu de ce qui s’était passé, a-t-il soutenu, ils auraient pu leur épargner cela – d’autant plus que, selon lui, ces opérations étaient inutiles.

« Les migrants retournent chez eux dès que la police est partie », a-t-il noté.

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