Les gauchistes français remportent la majorité des sièges aux élections, selon les sondages. L’absence de majorité menace la révolte
PARIS — La coalition de gauche, formée de manière inattendue à l’approche des élections législatives anticipées en France, a remporté le plus grand nombre de sièges au Parlement, selon les projections des sondages publiées dimanche. Ces projections surprenantes placent l’alliance centriste du président Emmanuel Macron en deuxième position et l’extrême droite en troisième position.
L’absence de majorité pour une alliance unique menace de plonger la France dans la tourmente politique et économique. Les résultats définitifs ne sont pas attendus avant dimanche soir ou lundi matin pour ces élections anticipées très volatiles, convoquées il y a seulement quatre semaines, un pari énorme pour Macron.
Cette stratégie ne semble pas avoir porté ses fruits pour le président, très impopulaire, dont l’alliance a perdu le contrôle du Parlement, selon les projections. Le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen a quant à lui considérablement augmenté le nombre de ses sièges, mais reste loin des attentes.
Le chef de file de l’extrême gauche Jean-Luc Mlenchon a exhorté Macron à inviter la coalition de gauche du Nouveau Front populaire à former un gouvernement, compte tenu des projections qui la placent en tête. L’alliance, a-t-il déclaré, est prête à gouverner.
Sur la place Stalingrad, à Paris, les partisans de la gauche ont applaudi et acclamé les images projetées sur un écran géant montrant l’alliance. Des cris de joie ont également retenti place de la République, dans l’est de Paris, avec des gens qui ont spontanément embrassé des inconnus et des applaudissements ininterrompus pendant plusieurs minutes après la projection.
Si les chiffres officiels confirment ces projections, elles susciteront une grande incertitude pour un pilier de l’Union européenne et sa deuxième économie, sans qu’on sache clairement qui pourrait s’associer à Macron comme Premier ministre pour gouverner la France. Il est confronté à la perspective de diriger le pays aux côtés d’un Premier ministre opposé à la plupart de ses politiques intérieures. Les résultats auront une influence sur la guerre en Ukraine, la diplomatie mondiale et la stabilité économique de l’Europe.
Le bureau de Macron a déclaré que le président attendrait que la nouvelle Assemblée nationale s’organise avant de prendre une décision.
Les projections des sondages sont basées sur le décompte réel des votes dans certaines circonscriptions.
Dans un discours sombre après le vote, Jordan Bardella, président du Rassemblement national, a dénoncé les manœuvres politiques qui ont conduit le parti à être loin de répondre aux attentes et a accusé Macron d’avoir poussé la France dans l’incertitude et l’instabilité.
Un nombre sans précédent de candidats qualifiés pour le second tour se sont retirés pour permettre à un adversaire d’affronter le candidat du Rassemblement national, augmentant ainsi les chances de le vaincre.
Ce soir, en prenant délibérément la responsabilité de paralyser nos institutions, Emmanuel Macron… prive par conséquent les Français de toute réponse à leurs problèmes quotidiens pour de nombreux mois encore, a déclaré M. Bardella.
Un parlement sans majorité absolue, sans aucun bloc capable d’obtenir les 289 sièges nécessaires à la majorité absolue à l’Assemblée nationale, la plus puissante des deux chambres législatives françaises, serait un territoire inconnu pour la France moderne.
Contrairement à d’autres pays d’Europe, plus habitués aux gouvernements de coalition, la France n’a pas pour tradition de voir des législateurs de camps politiques rivaux se réunir pour former une majorité fonctionnelle.
Le saut de la France dans l’inconnu politique ne pouvait guère tomber à un pire moment : avec les Jeux olympiques de Paris qui s’ouvrent dans moins de trois semaines, le pays sera aux prises avec une instabilité intérieure alors que les yeux du monde seront tournés vers lui.
Macron a stupéfié la France, et de nombreux membres de son propre gouvernement, en dissolvant le Parlement après la montée en puissance de l’extrême droite dans les urnes des Français aux élections européennes.
Macron a fait valoir que renvoyer les électeurs aux urnes permettrait à la France d’obtenir des éclaircissements. Le président pariait sur le fait que le sort de la France étant entre leurs mains, les électeurs pourraient se détourner de l’extrême droite et de l’extrême gauche pour revenir vers les partis traditionnels plus proches du centre – où Macron a trouvé une grande partie du soutien qui lui a valu la présidence en 2017 et à nouveau en 2022. Cela, espérait-il, renforcerait sa présidence pour les trois années qui lui restent à exercer son mandat.
Mais plutôt que de se rallier à lui, des millions d’électeurs, tant à gauche qu’à droite d’un paysage politique français de plus en plus polarisé, ont saisi sa décision surprise comme une opportunité d’exprimer leur colère.
Déjà lors du premier tour de scrutin du week-end dernier, les électeurs ont massivement voté pour les candidats du Rassemblement national d’extrême droite, dans des proportions encore plus importantes que lors des élections au Parlement européen. La coalition des partis de gauche est arrivée en deuxième position et son alliance centriste en troisième position.
La forte polarisation de la politique française, en particulier dans cette campagne électorale torride et rapide, ne manquera pas de compliquer tout effort de construction d’une coalition. Le racisme et l’antisémitisme ont entaché la campagne électorale, ainsi que les campagnes de désinformation russes, et plus de 50 candidats ont déclaré avoir été agressés physiquement, ce qui est très inhabituel en France. Le gouvernement a déclaré avoir déployé 30 000 policiers pour le second tour de l’élection de dimanche, ce qui indique à la fois les enjeux élevés et les craintes qu’une victoire de l’extrême droite, ou même l’absence de victoire claire d’un bloc, puisse déclencher des manifestations.
Toute majorité bricolée risque d’être fragile, vulnérable aux votes de défiance qui pourraient la faire tomber.
Une instabilité prolongée pourrait accroître les suggestions de ses adversaires selon lesquelles Macron devrait abréger son deuxième et dernier mandat. La Constitution française l’empêche de dissoudre à nouveau le Parlement dans les 12 prochains mois, ce qui pourrait permettre à la France de clarifier davantage la situation.
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Les journalistes d’Associated Press Barbara Surk à Nice, en France, et Helena Alves et Alex Turnbull à Paris ont contribué à ce rapport.
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