Les fouilles de Bellegarde montrent l’évolution de l’approche de l’archéologie de France
En mars de cette année, des artefacts significatifs datant du début de la période magdalénienne (environ 20 000 ans avant JC) ont été confirmés sur un site de Bellegarde (Gard) dans le sud-est de la France.
L’ancienneté des pièces en fait l’une des plus anciennes œuvres d’art connues de cette période, aux côtés des célèbres peintures de la grotte de Lascaux.
Le butin comprenait des dalles de calcaire gravées. L’un d’eux comportait un seul cheval, y compris ses narines, sa bouche, sa crinière, ses oreilles et plus encore. Un autre montrait trois chevaux avec des yeux, des mâchoires et des joues.

Photo : dalles de calcaire gravées datant de 20 000 av. J.-C. représentant des profils de chevaux trouvés à la fouille de Bellegarde ; Crédit : Denis Gliksman
Bien qu’assez passionnantes en elles-mêmes, les fouilles mettent également en lumière les efforts soutenus de France pour mieux reconnaître et protéger l’archéologie culturellement et historiquement importante, qui n’ont commencé à progresser qu’au cours des 60 dernières années. Avant cela, il est peu probable que ces types de découvertes aient été préservés ou étudiés.
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La protection des découvertes archéologiques a un passé mouvementé
La découverte en 1685 à Houlbec-Cocherel, en Normandie, d’un polisseur de grès, de meubles, de haches, d’outils en silex et de 20 squelettes de la période néolithique est considérée comme la première opération archéologique en France.
Depuis lors, il y a eu des milliers de découvertes, mais mettre en évidence leur importance et assurer leur avenir n’a pas toujours été facile.
Au début, il était motivé par la détermination d’une poignée d’individus.
Jacques Boucher de Crvecur (1788-1868), par exemple, est salué comme l’un des fondateurs de la science préhistorique et a enrichi les théories de l’évolution humaine. Pourtant, son œuvre a souvent été rejetée par ses pairs.
Même Charles Darwin serait resté sceptique jusqu’à ce que des membres de la Commission de la Société géologique de Londres visitent et valident son travail, lui apportant une plus grande reconnaissance.
La démolition de la Bastille déclenche une nouvelle réflexion
L’idée d’un monument historique remonte à la démolition de la Bastille.
Aubin Louis Millin (1759-1818), bibliothécaire et érudit spécialisé en archéologie, utilise le terme dans un rapport à l’Assemblée constituante en 1790.
La même année, la Commission des monuments a été chargée d’étudier le sort des monuments, des arts et des sciences, et peu de temps après, en 1804, l’Académie celtique a été fondée, avec un accent sur la recherche d’un éventail de sujets jusqu’au 16e siècle inclus. siècle.
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Catastrophe juridique en 1913
Une loi sur monuments historiques votée en décembre 1913 omettait la protection des vestiges préhistoriques et historiques non monumentaux.
En conséquence, divers sites archéologiques étaient ouverts au public si le propriétaire foncier et l’excavateur étaient d’accord.
Pendant de nombreuses années, la grotte de Lascaux, découverte en 1940 en Dordogne, a accueilli jusqu’à 1 500 visiteurs par jour pour voir ses anciennes peintures murales.
Il a été fermé en 1963, après que le dioxyde de carbone, la chaleur, l’humidité et d’autres contaminants produits par les visiteurs aient visiblement endommagé les peintures.
La loi Carcopino fut la première sur les fouilles archéologiques. Institué par le régime de Vichy en 1941, il exigeait que les fouilles soient supervisées par l’État et que toute découverte de valeur soit déclarée.
Excavation pivot en 1964
Autre avancée, la fouille de Pincevent (Seine-et-Marne) en 1964 par une équipe dirigée par le paléontologue et anthropologue André Leroi-Gourhan.
Avec André Malraux, premier ministre français de la culture, il le transforma en une école de fouilles, où pouvaient se former les étudiants en préhistoire de l’Université de Paris 1.
Malraux était une pièce cruciale du puzzle et, au cours des années 1960, deux autres événements ont suscité de nouveaux progrès.
À Marseille, les projets de rénovation des terrains situés derrière le Palais de la Bourse étaient déjà en cours lorsque les vestiges d’une nécropole, des bassins romains, des installations portuaires et des navires ont été découverts.
Le maire de l’époque, Gaston Defferre, voulait poursuivre les travaux en enlevant potentiellement les artefacts et en les plaçant ailleurs, mais Malraux est intervenu avec un décret pour s’assurer que la construction était arrêtée et que les fouilles pouvaient commencer.
Au total, 10 000 m de vestiges ont été préservés.
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Le parking Notre-Dame déterre des objets gallo-romains
La deuxième victoire des archéologues est intervenue lors de l’aménagement d’un parking souterrain attenant à la cathédrale Notre-Dame, qui a mis au jour des objets datant de l’époque gallo-romaine.
Des fouilles officielles ont été sécurisées entre 1965 et 1972 et le site a finalement été transformé en crypte archéologique de Notre-Dame.
Ces deux événements ont inspiré à Malraux la création, en 1973, de l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (Afan), qui faisait partie du ministère de la Culture et était chargée de mener des travaux d’archéologie de sauvetage.
Réforme après que le promoteur a détruit le site de l’Aveyron
Jusque dans les années 1970, les fouilles de sauvetage étaient rares, explique Dominique Garcia, président de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).
Ce n’est que récemment que l’archéologie préventive (ou de sauvetage) s’est imposée.
En 1997, l’affaire dite de Rodez, dans laquelle un aménageur détruit une grande partie d’un site gallo-romain en Aveyron, révèle les limites de la législation et du système de financement de l’archéologie préventive.
Une réforme est devenue nécessaire et une nouvelle loi a été mise en œuvre en 2001 pour résoudre les problèmes du passé.
Elle voit la création d’une taxe pour financer les expertises préventives et les fouilles, et crée l’Inrap, établissement public de l’administration, en 2002.
L’Inrap est aujourd’hui la plus grande structure de recherche archéologique d’Europe avec 2 300 salariés et un budget de 175 millions.
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L’Inrap a piloté des travaux sur 50 000 sites archéologiques
L’Inrap joue un rôle déterminant. C’est l’acteur majeur de l’exploration, de la fouille, de l’étude et de la mise en valeur de notre patrimoine national, de la préhistoire à l’époque moderne, précise M. Garcia.
Elle s’occupe d’archéologie préventive, c’est-à-dire que nous fouillons et étudions des sites qui pourraient être détruits par l’aménagement du territoire.
Le principal défi réside dans le fait que nous devons adapter notre savoir-faire aux nouvelles formes de développement, sur terre ou sous la mer, en France ou outre-mer.
Depuis sa création, quelque 50 000 sites ont été explorés ou fouillés et, selon M. Garcia, l’avenir s’annonce radieux.
L’expérience que nous avons acquise au cours des 20 dernières années est vraiment unique, dit-il.
J’espère que nous pourrons partager notre expertise avec d’autres pays et, en France, continuer à sauver des sites qui pourraient être endommagés, non seulement par l’aménagement du territoire mais aussi par le changement climatique sur le littoral, dans les zones d’altitude et dans les lieux à forte risque d’inondation.
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Événements archéologiques près de chez vous
Du 16 au 18 juin, le public peut participer à l’initiative annuelle des Journées européennes de l’archéologie, coordonnée par l’Inrap.
Il permet de rencontrer des archéologues, d’accéder à des sites de fouilles et des laboratoires et, pour les plus jeunes, de participer à des ateliers créatifs.
Visitez le site Web pour plus d’informations.
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