Les députés français disent non à l’anglais aux JO de Paris
Après avoir longtemps lutté contre l’utilisation rampante de l’anglais dans la publicité, la musique et le cinéma, les députés français ont déclaré un nouveau combat : garder leurs Jeux olympiques cette année exempts d’anglicismes.
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Dans une résolution adoptée jeudi, la chambre basse du Parlement a exhorté les organisateurs des Jeux de Paris 2024, ainsi que les athlètes, entraîneurs et journalistes à utiliser le français autant que possible.
Annie Genevard, la marraine conservatrice de la résolution, a exprimé son inquiétude auprès de ses collègues députés en affirmant que « les Jeux Olympiques reflètent la perte d’influence de notre langue ».
Elle a rappelé le slogan très critiqué utilisé pour la candidature initiale de Paris aux Jeux « Made for Sharing », ainsi que d’autres campagnes récentes soutenues par le gouvernement pour promouvoir le pays, telles que « Choose France » ou « Made in France ».
Même l’équipe de France de rugby avait inscrit « Coupe du Monde de Rugby » sur ses maillots lors de la compétition en France l’année dernière au lieu de « La Coupe du Monde de rugby ».
« Tous ces exemples démontrent que le combat pour la langue française… n’est jamais terminé, même dans les sphères les plus officielles », a ajouté Genevard.
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La progression de l’anglais dans le monde a longtemps exaspéré les gouvernements français qui cherchaient à protéger la pureté de leur langue chez eux tout en promouvant son usage à l’étranger.
Le pays possède une institution, l’Académie française, qui produit depuis trois siècles des dictionnaires sanctionnés par l’État qui documentent et approuvent de nouveaux termes ou expressions, souvent des traductions de mots anglais couramment utilisés.
« Espérons que la planche à roulettes remplace le skateboard et le rouleau du cap point break (terme du surf), mais j’ai des doutes », ajoute Genevard.
Ligne de langue
Les législateurs français ont adopté il y a 30 ans une loi historique destinée à protéger les Français : la loi Toubon de 1994, qui rendait la langue obligatoire pour la publicité, l’étiquetage des produits et les annonces publiques.
Il stipulait également que les stations de radio devaient diffuser au moins 40 pour cent de chansons de langue française.

Mais l’influence culturelle de l’anglais, renforcée ces derniers temps par les plateformes de streaming américaines comme Netflix, fait que le français est constamment infiltré par de nouveaux termes, y compris dans le domaine sportif.
« Il ne faut pas ignorer le fait que de nombreux événements sportifs mondiaux diffusés dans le monde ont choisi d’utiliser l’anglais pour leur communication, dans leurs titres, slogans et publicités », a déclaré la ministre de la Culture Rachida Dati au Parlement.
La résolution de jeudi, soutenue par les centristes et la droite au pouvoir mais contrée par la gauche, n’était pas contraignante, a-t-elle souligné.
Les instructions destinées aux visiteurs étrangers pendant les Jeux olympiques du 26 juillet au 11 août et les Jeux paralympiques du 28 août au 8 septembre seront fournies en anglais ainsi que dans d’autres langues, a-t-elle ajouté.
Les Jeux de Paris ont déjà été mêlés à une querelle sur la langue après des rumeurs selon lesquelles la star franco-malienne du R&B Aya Nakamura devait chanter lors de la cérémonie d’ouverture le 26 juillet.
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La méga-star, artiste française la plus écoutée au monde, mélange le français, l’arabe et les mots des dialectes ouest-africains dans ses chansons comme « Djadja ».
Elle a été accusée de « vulgarité » et de dénaturation de la langue française par la leader d’extrême droite Marine Le Pen dans une série d’attaques très personnelles dénoncées comme racistes par Dati à l’époque.
« La France n’est pas et ne sera jamais ‘Djadja' », a déclaré jeudi le député d’extrême droite Julien Odoul.
Domination historique
La domination de l’anglais aux Jeux olympiques est particulièrement exaspérante du point de vue français, étant donné que les Jeux modernes ont été inventés par un aristocrate français, Pierre de Coubertin, à la fin du XIXe siècle.
Le français était la lingua franca des premières éditions et reste l’une des langues officielles des successeurs de de Coubertin au Comité international olympique, dirigé par l’ancien escrimeur allemand Thomas Bach.
Le français de Bach est passable, mais il préfère s’adresser aux journalistes étrangers en anglais.
La résolution des députés français pourrait également trouver un écho au siège du comité d’organisation de Paris 2024, où de nombreux responsables, dont le directeur général Tony Estanguet, parsèment régulièrement leur français d’anglicismes.
Il a dénoncé les critiques « le JO-bashing » des Jeux olympiques et utilise parfois les « challenges » anglais plutôt que les « defis » français.
Lorsque la directrice de la communication du comité a proposé « un QnA » aux journalistes lors d’une récente conférence de presse, elle a été réprimandée par un journaliste français indigné.
« Nous avons un terme français pour cela : questions-réponses », a-t-il déclaré.
(AFP)
