Les accords de gestion hôtelière offrent une flexibilité pour l’investissement hôtelier en France | Par Christophe Boinet et Anne Epinat
Sous l’influence des opérateurs internationaux, les modes de gestion hôtelière en France et en Europe ont évolué, les contrats de gestion étant de plus en plus privilégiés par rapport aux baux. Le profil des investisseurs hôteliers a également évolué, avec des fonds très professionnels capables d’adopter ce type de solution de gestion.
Pour mémoire, les hôtels en France fonctionnent de plusieurs manières différentes. Il s’agit notamment de BEFA1 ou des contrats de baux commerciaux avec une tendance prédominante aux loyers variables ; les baux civils avec leur polyvalence éprouvée ; des contrats de location-gérance multiformes et flexibles (qui transfèrent le risque d’exploitation au locataire-gérant) ; et enfin, les accords de gestion hôtelière, le ticket d’or.
Contrats de gestion hôtelière : une solution de gestion hôtelière unique en son genre
Les contrats de gestion hôtelière permettent aux propriétaires de bénéficier de la valeur de la propriété et de l’entreprise, faisant des contrats de gestion un outil idéal pour gérer le risque financier dans le secteur hôtelier.
En plus des contrats d’agence2 et baux de gestion, accords de gestion hôtelière (type de contrat le plus répandu sur le marché international) se sont progressivement généralisés en France, les propriétaires assumant le risque opérationnel, y compris celui relatif au personnel. Un contrat de gestion hôtelière est un contrat entre la société de gestion hôtelière (l’exploitant) et le propriétaire de l’hôtel, en vertu duquel l’exploitant assume la responsabilité de la gestion opérationnelle de l’hôtel. En contrepartie, l’opérateur reçoit généralement une rémunération comprise entre 11 % et 13 % du chiffre d’affaires, droits de marque et marketing compris, ainsi qu’une participation aux bénéfices liée à la performance opérationnelle de l’hôtel.
Les contrats de gestion hôtelière tels qu’ils sont pratiqués aujourd’hui en France ne sont régis par aucun texte juridique spécifique.
Les contrats de gestion hôtelière sont ainsi de son genre les contrats, régis par le droit et les usages ordinaires des contrats, dans lesquels les parties ont toute liberté de négocier et de rédiger le contrat conformément à l’article 1103 du Code civil3.
Existe-t-il pour autant un statut juridique propre à la France qu’il faudrait conserver ?
Le statut juridique est un indicateur essentiel pour savoir si les obligations des parties en vertu d’un contrat sont légales et contraignantes dans le pays concerné.
La jurisprudence en la matière est rare en France. Mais en 2012, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur le fameux litige opposant la SAS Hilton International France à la SAS Immobilire et Hôtelre du Parc Monceau (SIHPM). La Cour d’appel a statué que l’accord doit être considéré comme un contrat d’agence contrat de mandat régi par l’article 1984 du Code civil français, en vertu duquel le commettant (propriétaire) confère au mandataire (exploitant de l’hôtel) le pouvoir d’accomplir des actions en justice en son nom et pour son compte. Cet arrêt a été confirmé en 2014 par la Cour suprême française, la Cour de cassation, qui a ainsi confirmé le statut de contrat d’agence. Dans cette affaire, la Cour suprême a considéré le contrat de gestion hôtelière comme un contrat d’agence en vertu duquel le propriétaire avait désigné l’exploitant pour gérer l’hôtel en son nom et pour son compte.
Selon nous, au sens des articles 1984 et suite. du Code civil français, un contrat d’agence n’intègre pas pleinement la nature complexe d’un contrat de gestion hôtelière.
Ce dernier est généralement un partenariat comportant plusieurs niveaux d’engagements contractuels respectifs conclus sur le long terme entre les parties et commençant souvent par la fourniture d’une assistance technique pour la construction ou la rénovation d’un hôtel, suivie par l’exploitation de l’hôtel. En effet, le terme agence implique la représentation. Cependant, dans la plupart des cas, les contrats de gestion hôtelière n’impliquent pas la représentation du propriétaire par l’exploitant. La notion d’agence ne donne ainsi qu’une vision partielle de la réalité d’un contrat de gestion hôtelière.
Contrats de gestion, contrats commerciaux et contrats d’agence : une différence subtile
La différence entre ces trois approches de gestion peut paraître subtile mais elle peut se justifier par la manière dont les accords de gestion hôtelière s’adapter aux particularités du secteur, lui-même en constante évolution.
Le statut juridique du contrat commercial contrat dentreprisedéfini comme un contrat de travail et de matériaux, était rejeté par le juge. En effet, considérer le contrat de gestion comme un contrat commercial aurait signifié que l’exploitant de l’hôtel était propriétaire de l’entreprise, employait le personnel de l’hôtel et supportait les risques d’exploitation de l’hôtel. Or, ce n’était pas le cas puisque les employés de l’hôtel étaient embauchés par le propriétaire. De ce fait, les actes matériels sur lesquels l’exploitant pouvait s’appuyer pour invoquer un contrat commercial étaient en réalité réalisés par les salariés du propriétaire.
C’était principalement le cas des actions accomplies par le directeur général de l’hôtel, responsable de la gestion quotidienne de l’hôtel et employé du propriétaire, même s’il avait été recruté par l’exploitant dans le cadre du contrat de gestion hôtelière. L’arrêt instructif de la Cour d’appel de Paris du 9 novembre 2012 sur ce litige phare et crucial pour les parties impliquées a entériné les principes suivants : l’hôtelier ne supporte pas le risque opérationnel lié à l’exploitation d’un hôtel ; le contrat de gestion devra stipuler que l’exploitant agit au nom et pour le compte du propriétaire ; et enfin, l’exploitant ne sera pas considéré comme le propriétaire de l’entreprise, ni comme le En fait employeur du personnel.
Les contrats de gestion hôtelière sont progressivement devenus plus complexes, s’adaptant au profil des investisseurs institutionnels non spécialisés dans le secteur de l’hôtellerie de luxe. C’est là qu’interviennent les contrats de gestion inversée, puisqu’ils précisent que l’exploitant est le seul employeur du personnel de l’hôtel, y compris le Directeur Général. Cela décharge l’investisseur de toute responsabilité en matière de gestion des salariés. Toutefois, d’autres risques opérationnels restent assumés par le propriétaire.
Un contrat de gestion hôtelière ne doit pas être confondu avec un contrat d’agencesoit un modèle de fonctionnement fondé sur les règles d’agence et régi par les articles L 146-1 à 4 du Code de commerce5. Certains investisseurs institutionnels ont encore recours au régime de l’agence pour les hôtels haut de gamme : cela ne présente visiblement aucun intérêt particulier pour l’hôtel ni pour les parties prenantes.
En conclusion, l’arrêt de la Cour d’appel de Paris de 2012 confirme le statut juridique des contrats de gestion hôtelière et les obligations respectives des hôteliers et des exploitants d’hôtels. En effet, la plupart des contrats de gestion hôtelière sont régis par les règles d’agence énoncées à l’article 1984 du Code civil français, reprenant ainsi en pratique l’analyse de la Cour d’appel de Paris.
De plus, s’il y a Un avantage que peuvent revendiquer les contrats de gestion hôtelière en France, c’est leur flexibilité. Sous réserve du respect des principes contractuels de droit commun régissant les contrats de gestion hôtelière, les parties sont libres d’adapter leur relation contractuelle comme bon leur semble. Lorsqu’il s’agit de clauses complexes, l’équilibre des intérêts entre investisseurs et opérateurs devient délicat à maintenir face à l’imagination débordante de ceux qui rédigent les contrats de gestion hôtelière au sein des groupes hôteliers internationaux.
Cependant, en France, grâce à la créativité des juristes travaillant pour les grands opérateurs, la rédaction des contrats de gestion peut s’enrichir d’autres principes généraux du droit, inspirés notamment des baux de gérance.6 contrat de location-grance.
Reste à savoir si, en cas de litige suite à la rupture d’un de ces nouveaux contrats complexes de gestion hôtelière, par exemple, les tribunaux continueront à les examiner sous le régime de l’agence.
1. Bail en tat futur dachvement : Contrat de bail sur plan
2.Articles L.146-1 et suivants. du Code de Commerce
3.Voir l’article 1103 du Code Civil : Les contrats légalement formés ont force obligatoire de loi pour ceux qui les ont conclus.
4. Article 1710 du Code civil français
5.Voir nos articles sur les contrats d’agence hôtelière
6.Voir notre article sur LinkedIn – Contrats de gestion hôtelière vs baux de gestion hôtelière : similitudes et différences
Christophe Boinet
FR – IE Paris – Avocats
In Extenso Avocats