Le rédacteur en chef français suspendu pour un titre lié à Macron
Le directeur d’un quotidien régional français a été suspendu après un titre en Une critiquant le président Emmanuel Macron, a annoncé la direction vendredi 22 mars, provoquant l’indignation de la rédaction.
Macron a lancé mardi une vaste opération contre le trafic de drogue dans la ville portuaire méridionale de Marseille et ailleurs. Suite à la visite de Macron à Marseille, La Provence Le quotidien a publié jeudi une première page montrant deux personnes observant une patrouille de police. Le titre qui l’accompagnait disait : « Il est parti, mais nous sommes toujours là. »
Sur la base de la première page, La ProvenceLe rédacteur en chef du journal, Aurlien Viers, a été suspendu pour une semaine, pour non-respect de ses « valeurs et de sa ligne éditoriale », a déclaré le directeur général du journal, Gabriel d’Harcourt. La citation et l’image en première page « pourraient amener les gens à croire que nous acceptons de donner une voix aux trafiquants de drogue afin qu’ils puissent se moquer de l’autorité publique », a écrit d’Harcourt dans un article « À nos lecteurs » publié vendredi.
Dans un article paru jeudi La Provence, la citation en première page était en réalité attribuée à un habitant d’un quartier pauvre de Marseille, du seul nom de Brahim. Il a affirmé que la ville avait « trouvé les moyens nécessaires pour protéger le président lors de sa visite. Il est parti, mais nous sommes toujours là, dans le même enfer ».
« Ingérence éditoriale » : le syndicat
D’Harcourt a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) que la couverture de cette visite par son journal avait été « très bonne », à l’exception de la Une, « où on a l’impression que nous sommes les porte-parole des dealers ». La Une était « contraire à nos rôles et au rôle que nous voulons jouer à Marseille et dans sa région », a-t-il déclaré.
Le SNJ, principal syndicat de journalistes La Provence, a déclaré à l’AFP que les journalistes du journal étaient « scandalisés » par la suspension de Viers et a qualifié de « surréaliste » la justification de la suspension par d’Harcourt. L’assemblée générale de l’état-major a voté vendredi en faveur d’une grève de protestation. « Il s’agit d’un acte d’ingérence éditoriale inadmissible », a déclaré à l’AFP Audrey Letellier, représentante du SNJ.
La Provence, publié à Marseille, a un tirage quotidien d’environ 62 000 exemplaires. Il appartient à CMA CGM Medias, qui appartient à l’homme d’affaires milliardaire franco-libanais Rodolphe Saad. Saad, qui a d’autres intérêts médiatiques de premier plan, a annoncé ce mois-ci qu’il rachèterait également Altice Media, propriétaire des chaînes de télévision BFMTV et RMC.
Interrogé lors d’une réunion du personnel d’Altice s’il chercherait à censurer les informations défavorables concernant ses intérêts médiatiques, Saadé a répondu : « Je n’aimerais pas cela, et je le ferais savoir. » Mais, a ajouté le magnat des médias, « je n’interviendrais pas ».