Le point de vue du Guardian sur les dangers en ligne : Internet a besoin d’être modernisé | Éditorial
Fou quiconque nourrit des doutes sur l’ampleur du défi à relever pour tenter de rendre Internet plus sûr, surtout pour les enfants, un nouveau programme Channel 4 Dispatches sur le métaverse est susceptible de les dissiper. La présentatrice, Yinka Bokinni, se présente comme une passionnée de technologie avant d’enfiler un casque Oculus et de se diriger vers le réseau de mondes virtuels 3D que Metas Mark Zuckerberg décrit comme la prochaine frontière d’Internet. Ce qu’elle y trouve la laisse visiblement secouée. Le harcèlement sexuel, les menaces de viol et les épithètes racistes sont omniprésents, et l’enfance offre peu de protection (l’un des avatars qu’elle adopte a 13 ans). Même la pédophilie est librement admise.
De retour dans le monde réel, le projet de loi sur la sécurité en ligne du gouvernement britannique est sur le point de devenir une loi. Il a eu sa deuxième lecture à la Chambre des communes ce mois-ci et bénéficie d’un large soutien, bien que les travaillistes essaient probablement de modifier les dispositions accordant au secrétaire d’État des pouvoirs qui devraient rester avec le régulateur, Ofcom. Pendant ce temps à Bruxelles, un accord rapprochant la promulgation d’une loi sur les services numériques a été conclu ce week-end. Il interdira certains types de publicité ciblée, ouvrira la voie à des amendes pouvant atteindre 6 % du chiffre d’affaires mondial et facturera aux entreprises des frais pour payer la conformité.
L’Europe montre la voie en matière de réglementation de l’internet, en développant des normes et en faisant des demandes aux entreprises qui pourraient, en fin de compte, être adoptées et adaptées ailleurs. Déjà, les législateurs californiens ont introduit des mesures basées sur le code de conception adapté à l’âge du Royaume-Uni, une tentative de moderniser les plates-formes avec les fonctionnalités de protection qui auraient dû être là en premier lieu. Dans un discours prononcé la semaine dernière, Barack Obama a mis en garde contre la menace croissante que la désinformation en ligne fait peser sur la démocratie et a appelé à plus de responsabilité.
Mais l’émergence du concept de métaverse, dans lequel Meta (anciennement Facebook) a investi 10 milliards de dollars l’année dernière, et les scènes horrifiantes des jeux d’espace virtuel mises en évidence par Dispatches, soulèvent une perspective inquiétante. C’est que pendant que les décideurs politiques s’efforcent de contrôler le chaos sur les plateformes existantes, les milliardaires qui contrôlent les médias numériques font déjà un bond en avant, tout en ignorant, selon leur habitude bien ancrée, les nouveaux dangers que les nouveaux modes de création d’argent en ligne ne manqueront pas de créer. Metas Quest a été l’application la plus téléchargée le jour de Noël en 2021, avec 8 millions de casques Oculus vendus à ce jour.
Les décideurs politiques et les militants méritent d’être félicités. Déjà, l’examen du projet de loi britannique a conduit à des changements, notamment l’introduction attendue depuis longtemps de la vérification obligatoire de l’âge pour les sites pornographiques et la promesse de protections plus claires pour la presse. Mais il n’y a pas de place pour la complaisance. Les groupes de femmes estiment que les mesures visant à lutter contre les abus sexuels en ligne sont insuffisantes, malgré la création d’une nouvelle infraction de cyberflashing. Et il y a des inquiétudes quant à la façon dont le projet de loi définira le discours légal mais préjudiciable, dont les principales plates-formes seront nécessaires pour protéger les adultes. Mumsnet craint que les discussions des utilisateurs sur des sujets tels que les troubles de l’alimentation n’enfreignent les règles visant à bloquer les contenus préjudiciables.
Les députés de tous les partis devraient s’engager sur ces questions et encourager un débat plus large. L’approche réglementaire laxiste initiale des médias sociaux était une erreur. Les hypothèses de bon comportement par défaut des utilisateurs se sont révélées extrêmement trop optimistes. Les entreprises n’auraient jamais dû être autorisées à lancer des produits destinés aux enfants sans prouver au préalable qu’ils étaient sûrs. Si les ministres vont rejeter la proposition du NSPCC de sanctions pénales pour les patrons d’entreprises technologiques qui permettent que des crimes graves contre des enfants soient commis sur leurs plateformes, ils doivent expliquer pourquoi. Comme le souligne l’organisme de bienfaisance, le secteur des services financiers en a.
Le pouvoir, la richesse et l’influence du secteur technologique sont immenses. Mais les gouvernements ne sont pas des faibles. La sécurité en ligne ne doit plus jamais être une réflexion après coup.