Le nouveau cabinet révolutionnaire de Macron peut-il refaire la politique française ?

Nouvel atlantiste

13 janvier 2024

Le nouveau cabinet révolutionnaire de Macron peut-il refaire la politique française ?

Par
Lonie Allard and Marie Jourdain

Les révolutionnaires sont de retour en France. À la suite d’un remaniement gouvernemental la semaine dernière, le président français Emmanuel Macron a rencontré son nouveau cabinet vendredi et a déclaré aux ministres : « Je ne veux pas de managers. Je veux des révolutionnaires. Le remaniement est intervenu quelques semaines après les troubles politiques liés à l’adoption d’une nouvelle loi stricte sur l’immigration et deux ans après le deuxième mandat de Macron, mais le changement n’est pas simplement une réaction à la politique actuelle et passée. Cela révèle également l’héritage que Macron espère laisser à son parti et à la politique française.

Gabriel Attal, trente-quatre ans, est le premier Premier ministre ouvertement homosexuel en France et le plus jeune de la Ve République. Il est un symbole de ce qu’on appelle la génération Macron en France. Les fonctionnaires nouvellement nommés aux ministères de l’Intérieur, des Affaires étrangères, de la Défense, de l’Égalité des genres et de la lutte contre les discriminations, entre autres, sont de proches conseillers de Macron qui ont contribué à la construction de son parti Renaissance, anciennement connu sous le nom d’En Marche, tant en France qu’en France. au Parlement européen. Dans les dernières années de son mandat, Macron contribue à l’émergence de nouvelles personnalités politiques en France pour poursuivre sa vision d’une renaissance, qui se reflète dans le nouveau nom que son parti a adopté en 2022.

Macron a été une force dans la politique française, mais le macronisme, en tant que projet et pratique, a été mis à rude épreuve ces derniers temps. Les dernières élections législatives, en juin 2022, n’ont pas réussi à donner à son parti la majorité absolue. Alors que de nombreux ministres sortants restent en poste, comment le remaniement pourrait-il façonner le reste du mandat de Macron et le macronisme par la suite ? Il y a une expression française, La montagne a accouch d’une souris (La montagne a donné naissance à une souris), qui met en garde contre de grandes attentes qui produisent des résultats moins impressionnants.

Il s’agissait de l’Europe. C’est toujours le cas.

Les trois années restantes au pouvoir de Macron poursuivront probablement le programme qu’il a fixé en 2017, lorsqu’il a exposé ses priorités pour reconstruire l’Europe dans le désormais célèbre discours de la Sorbonne. Pour lui, les élections au Parlement européen qui auront lieu en juin 2024 visent à garantir à la fois la trajectoire future de l’Union européenne (UE) et celle du parti de Macron en tant que force politique établie dans la politique française. La nomination du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Stéphane Sjourn, député européen et leader du groupe Renew Europe, indique que la présidence et le gouvernement seront fortement impliqués dans les prochaines élections.

Les prochaines élections européennes sont essentielles pour donner aux institutions européennes les outils, la dynamique et la légitimité nécessaires pour relever les défis à venir. Parmi ces défis figurent les relations transatlantiques auxquelles pourrait être confronté un futur président américain ouvertement hostile à l’UE ; les questions de sécurité européenne et d’élargissement, y compris à l’Ukraine, qui a récemment obtenu le statut de candidat ; et l’avenir du Green Deal européen, le texte législatif le plus important au niveau européen de ces dernières années.

Un succès aux élections européennes est également important pour Macron dans son pays. En 2019, les élections en France ont amené le Rassemblement national d’extrême droite au Parlement européen. Ce serait un revers intérieur majeur pour Macron que de gouverner la France avec son parti mal représenté au Parlement.

Un appel à la jeunesse

La jeunesse française, contrairement à ses aînés, a voté davantage pour l’extrême gauche et l’extrême droite que pour Macron en 2022. La réforme des retraites du gouvernement français en 2023 s’est heurtée à l’opposition de la plupart des citoyens, à l’exception des plus de soixante-cinq ans. (Alors que 74 pour cent des Français de moins de trente-cinq ans s’y sont opposés, 50 pour cent des personnes de plus de soixante-cinq ans l’ont soutenu.) Le remaniement envoie un signal fort indiquant que Macron veut changer la perception de son parti parmi le jeune public français.

Sur le plan politique, en choisissant Gabriel Attal, la personnalité politique la plus populaire de France, Macron tente de contenir la montée des figures d’extrême droite populaires parmi les jeunes générations. L’éducation restera au cœur de l’agenda du gouvernement avec Macron, qui la considère comme un réserve du domaine (domaine exclusif) pour que son gouvernement définisse la politique, et avec Attal, qui fut brièvement ministre de l’éducation et qui déclara qu’il emmènerait la cause de l’école avec lui à Matignon, la résidence du premier ministre. Ces dernières années, Macron a introduit de vastes réformes des programmes d’enseignement secondaire. Ses politiques éducatives se sont concentrées sur le renforcement de l’engagement citoyen des jeunes et la mise en œuvre de politiques laïques (profane) au lendemain d’un attentat terroriste et des assassinats du professeur d’histoire Samuel Paty en 2020 et de l’enseignant du secondaire Dominique Bernard en 2023.

La fin de en mme temps méthode

La marque de fabrique de Macron, la en mme temps ou en même temps une méthode, a perturbé la politique intérieure française, traditionnellement divisée entre droite et gauche. Il a présenté sa politique comme étant ni de gauche ni de droite, mais une synthèse simultanée des deux. Dans la pratique, les gouvernements précédents de Macron comprenaient à la fois des personnalités politiques de droite et de gauche.

Le projet initial de loi sur l’immigration de décembre 2023 aurait illustré cette approche intermédiaire, mais a fini par diviser la majorité alors que le projet de loi évoluait vers un texte d’extrême droite beaucoup plus prononcé, conduisant à la démission d’un ministre. Le remaniement confirme un changement de tactique. L’ancien Premier ministre a dû contourner le Parlement vingt-trois fois pour adopter des projets de loi après que les législateurs n’ont pas réussi à parvenir à un consensus.

À cet égard, la plus grande nouveauté de ce remaniement est la nomination de Rachida Dati, figure influente de droite du parti Les Républicains, au poste de ministre de la Culture. Il s’agit d’un coup politique pour la droite française et d’une tactique de la part de Macron pour faire adopter plus efficacement des lois avec l’aile modérée des Républicains. En attendant, l’avenir des ministres de gauche (comme Clément Beaune, opposé à la loi sur l’immigration) reste incertain, tandis que le ministre de l’Intérieur Grard Darmanin, un homme politique de droite, demeure.

Le pouvoir de l’expérience politique

Lors de sa première accession à la présidence, Macron a défendu l’idée selon laquelle les connaissances et les compétences étaient plus importantes que l’expérience politique. Son nouveau gouvernement semble inverser cette formulation, en élevant plusieurs personnalités politiques bien connues, dont son Premier ministre. Il comprend également moins de membres du monde universitaire ou de la société civile par rapport à ses gouvernements précédents.

Le nouveau gouvernement, c’est aussi un changement en termes de représentation. Macron avait fait de l’égalité entre hommes et femmes la cause de son mandat, mais la prédominance des hommes désormais dans ce qui est considéré comme les portefeuilles les plus importants (intérieur, défense et économie) et le départ de Lisabeth Borne, seule femme Premier ministre depuis 1992, est significatif.

Enfin, la nomination de Rachida Dati, accusée de corruption et de trafic d’influence, rompt l’engagement pris par Macron en 2017 d’assurer la démission de tout ministre qui serait inculpé. Même si l’image d’un tel gouvernement peut avoir un coût, Macron semble faire le pari que la capacité à gouverner et à adopter des lois plus efficacement l’emporte sur les risques. Si un pilier du macronisme reste solide après tous ces changements de gouvernement, c’est bien le pragmatisme.


Lonie Allard est chercheuse invitée au Centre Europe des Conseils Atlantiques, actuellement en résidence auprès du ministère français des Armées.

Marie Jourdain est chercheuse senior non-résidente au Atlantic Councils Europe Center. Elle a auparavant travaillé à la Direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère de la Défense.

Lectures complémentaires

Image : le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, le président Emmanuel Macron, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités Catherine Vautrin, le ministre des Armées Sébastien Lecornu, assistant au début du premier conseil des ministres suite à la nomination d’un nouveau gouvernement la veille, le Le 12 janvier 2024 à l’Elysée à Paris, France. Photo par Eric Taschaen/Pool/ABACAPRESS.COM

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