Le militant égyptien Ahmed Douma libéré après la grâce présidentielle

Douma, aujourd’hui âgée de 37 ans, était l’une des principales militantes du soulèvement de 2011 qui a renversé le président de longue date Hosni Moubarak. Il a été arrêté lors de la vaste répression qui a suivi l’éviction par l’armée en 2013 de Mohamed Morsi, le président islamiste élu après le soulèvement.

« Après 10 ans de prison, j’aimerais pouvoir dire que je suis heureux après avoir été libéré, mais je reporte toute célébration jusqu’à ce que tous obtiennent la liberté », a déclaré Douma après avoir quitté la prison de Badr à la périphérie du Caire – un établissement qui a été critiqué à plusieurs reprises pour ses mauvaises conditions.

« Je souhaite que nous puissions célébrer bientôt. »

Douma a été initialement condamné à 25 ans de prison en 2015 pour affrontement avec les forces de sécurité, mais cette peine a été ramenée à 15 ans en 2019.

Plus tard cette année-là, la plus haute cour d’appel égyptienne a confirmé la réduction de peine, ainsi qu’une amende de six millions de livres égyptiennes (372 000 dollars à l’époque).

En 2021, Douma a publié un recueil de poèmes intitulé « Curly », écrit alors qu’il était détenu à l’isolement.

La collection a été exposée au Salon international du livre du Caire cette année-là avant d’être rapidement retirée pour des « raisons de sécurité ».

Dans l’un de ses poèmes de prison, Douma écrit : « Il n’y a pas de temps pour la dépression, pas d’opportunité pour la tristesse, le déluge fait rage. »

« Frustration croissante »

Des militants clés de la révolution restent derrière les barreaux, dont le blogueur anglo-égyptien pro-démocratie Alaa Abdel Fattah, qui a passé la majeure partie de la dernière décennie en prison.

Après le renversement de Morsi, les autorités ont arrêté des milliers de militants pro-démocratie ainsi que des islamistes lors d’arrestations massives qui ont suscité une condamnation internationale.

Le militant des droits Hossam Bahgat a salué la grâce accordée à Douma, mais a déclaré que la décision avait été prise « sans aucune transparence ni compréhension des raisons pour lesquelles certaines personnes ont été sélectionnées et d’autres ignorées ».

L’activiste Ziad el-Elaimi, qui a été libéré avant l’organisation par l’Égypte du sommet sur le climat COP-27 l’année dernière, a salué la nouvelle selon laquelle Douma était enfin libre après s’être fait voler « neuf ans et demi de sa vie ».

« Le problème demeure cependant. Quelqu’un utilise des hommes libres comme otages… Les gens ont peur d’exprimer librement leurs opinions », a-t-il déclaré.

Le président a gracié de nombreuses personnalités au cours de l’année écoulée, mais les critiques ont noté que davantage de personnes avaient été arrêtées entre-temps.

« Le président Abdel Fattah al-Sissi (…) a usé de ses pouvoirs constitutionnels » pour gracier plusieurs prisonniers dont Douma, a déclaré l’avocat Tarek Elawady, membre de la commission présidentielle des grâces.

Depuis avril de l’année dernière, les autorités ont libéré 1 000 prisonniers politiques, mais en ont détenu près de 3 000 autres, selon des observateurs égyptiens des droits de l’homme.

En juillet, Sisi a gracié le chercheur Patrick Zaki un jour après avoir été condamné à trois ans de prison, ainsi que l’avocat des droits de l’homme Mohamed al-Baqer, qui a été arrêté en 2019 alors qu’il assistait à un interrogatoire d’Abdel Fattah, son client à l’époque.

Selon Bahgat, fondateur de l’Initiative égyptienne pour les droits de la personne, les autorités ont « bien pris conscience de la frustration croissante tant au niveau national qu’international ».

Mais « le régime ne montre aucun signe d’évolution vers la fin de la crise des prisonniers politiques en Egypte », a déclaré Bahgat à l’AFP.

Les grâces interviennent alors que l’Égypte mène un soi-disant « dialogue national » destiné à rassembler une opposition qui a été décimée au cours de la décennie de répression depuis l’arrivée au pouvoir de Sissi.

Le président a annoncé mercredi avoir reçu les premières recommandations de ce « dialogue », affirmant les avoir « transmises aux autorités compétentes pour qu’elles soient appliquées dans le cadre accordé par les dispositions légales et constitutionnelles ».

L’année prochaine, l’Égypte se rend aux urnes pour une élection présidentielle au cours de laquelle Sissi devrait largement briguer un nouveau mandat.

(AFP)

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