Le député de gauche François Ruffin : « Les zigzags de Macron sur l’Ukraine font perdre les Français et nos alliés »
François Ruffin, député de la gauche radicale La France Insoumise (LFI) qui prépare l’élection présidentielle de 2027, esquisse un délicat pas de deux avec les positions de Jean-Luc Mlenchon, leader du groupe LFI à l’Assemblée nationale. Il plaide pour le réarmement de l’Europe et de l’Ukraine, mais n’exclut pas de négocier avec Vladimir Poutine.
Emmanuel Macron estime que voter non à l’accord bilatéral de sécurité avec l’Ukraine, comme vous l’avez fait mardi 12 mars à l’Assemblée nationale, c’est « choisir la défaite » face à la Russie. Comment réagissez-vous à cela ?
Nous n’avons aucune leçon à recevoir de celui qui a accueilli Vladimir Poutine à Versailles et au fort de Brganon (lieu de retraite officiel du président) alors que la Crimée était déjà envahie et qu’Anna Politkovskaïa et d’autres opposants étaient assassinés. Les zigzags de Macron allant de « ne pas humilier la Russie » à l’affirmation selon laquelle le soutien de la France à l’Ukraine « n’a pas de limites », ses revirements font perdre non seulement les Français, mais aussi nos alliés.
D’un autre côté, il y a notre cohérence. Depuis deux ans, toute la gauche a voté oui au Parlement européen et à l’Assemblée nationale sur tous les textes sanctionnant la Russie et sur toutes les aides militaires et civiles à l’Ukraine. Mais dans l’accord bilatéral, l’OTAN est mentionnée 11 fois et la perspective d’une adhésion de l’Ukraine à l’Alliance est fortement soutenue. Cependant, dans son discours à l’Assemblée mardi, le Premier ministre Gabriel Attal et Macron ont omis de le mentionner. C’est un mensonge par omission. Non, au cours des deux dernières décennies, du Kosovo à la Libye, l’OTAN n’a pas été « un facteur de stabilité » dans le monde.
Pensez-vous qu’il faut sortir de l’Otan, comme le préconise LFI ? Ou garder l’Ukraine à l’écart ?
On ne remet pas en question les accords de sécurité militaire en plein conflit. Quel est le vrai problème ? Je suis frappé par le contraste entre la situation sur la ligne de front, que tous les diplomates qualifient d’« enlisée » ou de « gelée », et l’embrasement du discours. Les gens sont de plus en plus inquiets. Mais pourquoi? Parce que Donald Trump pourrait bien revenir à la Maison Blanche. Car, de toute façon, les États-Unis se tournent de plus en plus vers le Pacifique.
De ce fait, son retrait, voire son abandon, a été annoncé. Ne nous laissons pas emporter par des fantasmes : les chars russes ne viennent pas à Kiev, et nous ne les verrons pas à Strasbourg ou à Paris. En revanche, en Pologne et en Lettonie, ces « terres de sang » si souvent envahies par leur immense voisin, on comprend qu’il y ait davantage d’inquiétude. Jusqu’à présent, ces pays atlantistes d’Europe de l’Est se sont réfugiés sous l’égide de l’OTAN. Aujourd’hui, le doute s’installe et l’idée émerge que « construire notre propre parapluie ne serait pas une mauvaise idée ».
Il vous reste 64,7% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.