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Le Conseil supérieur rejette une grande partie de la loi française stricte sur l’immigration

Le Conseil constitutionnel français a annulé jeudi une grande partie d’une nouvelle loi stricte sur l’immigration, rendant une décision largement attendue selon laquelle de nombreuses dispositions ajoutées par le gouvernement du président Emmanuel Macron sous la pression de la droite étaient illégales.

Mais les experts juridiques ont déclaré que la décision, qui reposait largement sur des arguments procéduraux, ne contribuerait pas à calmer les débats qui font rage en France sur l’immigration.

Le conseil, composé de neuf membres, qui examine la législation pour s’assurer qu’elle est conforme à la Constitution, a déclaré dans un communiqué qu’il avait partiellement ou totalement invalidé plus d’un tiers des 86 articles de la loi adoptée en décembre. Parmi elles figuraient des restrictions à l’accès des étrangers aux subventions gouvernementales et des limitations à la réunification des familles de migrants.

La refonte des règles françaises en matière d’immigration était l’une des priorités du deuxième mandat de M. Macron et, dans des circonstances ordinaires, la décision du conseil pourrait être considérée comme une réprimande cinglante. Le dirigeant français a qualifié la nouvelle loi de bouclier pour faire face à la pression des migrants entrant illégalement dans le pays.

Mais en raison de la manière dont la loi a été votée et de la nature des mesures rejetées, cet arrêt pourrait paradoxalement apporter un certain soulagement à M. Macron. Grald Darmanin, ministre de l’Intérieur de M. Macron, a salué la décision du conseil, affirmant qu’elle laissait intact le cœur de la loi.

Nous avons tous les moyens pour être très forts en matière d’intégration et très durs contre les criminels étrangers, a déclaré M. Darmanin à la télévision TF1.

Bon nombre des mesures annulées par le conseil n’ont été incluses dans la loi qu’après que le gouvernement soit parvenu à un compromis avec le principal parti d’opposition de droite en France, les Républicains. Cet accord était nécessaire pour que le projet de loi soit adopté par la chambre basse du Parlement, où le parti de M. Macron et ses alliés centristes ne détiennent pas la majorité absolue.

Le compromis a valu à M. Macron une victoire législative mais a introduit de nombreuses mesures dures qui ne faisaient pas partie des plans initiaux de son gouvernement, comme retarder de plusieurs mois, voire de plusieurs années, l’accès des étrangers non européens aux aides au logement ou aux allocations familiales. Il a également attiré le soutien indésirable du parti d’extrême droite du Rassemblement national et a provoqué des fissures dans l’alliance gouvernementale de M. Macron, certains de ses propres législateurs votant contre le projet de loi.

Le gouvernement s’est retrouvé dans la position délicate de reconnaître qu’il n’était pas d’accord avec certaines mesures, comme une règle obligeant les étudiants étrangers originaires de pays hors de l’Union européenne à payer de nouveaux frais de dépôt ou, pire encore, que certaines parties d’une loi qu’il avait défendue pourraient violer la Constitution.

Le Conseil constitutionnel a annulé la plupart des mesures pour des raisons de procédure, arguant qu’il s’agissait d’accessoires législatifs ajoutés à tort au projet de loi du gouvernement. Il n’en a rejeté qu’une poignée, comme la création de quotas d’immigration annuels fixés par le Parlement en fonction de leurs mérites.

En adoptant cette approche, ont déclaré les experts juridiques, le Conseil n’a pas créé de précédent juridique fort et n’a pas précisé si des mesures anti-immigration strictes privilégiées à droite et à l’extrême droite étaient compatibles avec l’État de droit français.

On reste un peu sur sa faim, estime Anne-Charlne Bezzina, professeure agrégée de droit public à l’université de Rouen.

Cette décision pourrait alimenter davantage les débats sur l’immigration, a-t-elle déclaré, en particulier les revendications de longue date du droit de modifier la Constitution française.

Marine Le Pen, la leader française d’extrême droite, a déclaré dans un communiqué après le jugement que seule une refonte de la Constitution permettra de répondre aux défis migratoires qui frappent si durement notre pays.

D’autres ont salué la décision.

Pour nous, c’est un soulagement, a déclaré Cyrielle Chatelain, l’une des principales députées du parti Vert, aux journalistes à la chambre basse du Parlement. Cette décision, a-t-elle déclaré, empêchera des dizaines de milliers d’étrangers qui vivent et travaillent légalement en France de perdre soudainement leurs subventions.

Les opposants de gauche de M. Macron avaient accusé son gouvernement d’imposer des mesures dont ils savaient qu’elles ne seraient pas acceptées par le Conseil constitutionnel, dans le seul but de marquer des points politiques. Même Laurent Fabius, le président du conseil, avait exprimé sa frustration, affirmant ce mois-ci que l’institution n’était pas une chambre de recours pour les choix opérés par le Parlement.

Contrairement à la Cour suprême des États-Unis, le Conseil constitutionnel ne se situe pas au sommet du système judiciaire français et aucun de ses membres n’est juge. Il s’agit plutôt d’un mélange d’experts juridiques, d’anciens hommes politiques et de hauts fonctionnaires.

Dans toute la France, des milliers de personnes ont défilé la semaine dernière pour protester contre la nouvelle loi, et d’autres manifestations ont eu lieu jeudi. Les associations de défense des droits de l’homme, les partis de gauche et les syndicats ont qualifié cette décision de victoire et ont demandé au gouvernement d’abroger complètement la loi, ce qui est une issue improbable puisque M. Macron devrait maintenant la promulguer officiellement.

Le gouvernement de M. Macron avait initialement présenté son projet de loi sur l’immigration comme une carotte et un bâton qui rationaliserait la lenteur des procédures d’asile et faciliterait l’expulsion des migrants qui se trouvent illégalement en France ou qui commettent des délits, tout en facilitant également l’intégration. La loi, par exemple, crée des permis de séjour temporaires pour les travailleurs étrangers dans les domaines connaissant une pénurie de main-d’œuvre.

Mais le compromis avec les Républicains de droite a rongé l’essentiel de la carotte et rendu le bâton beaucoup plus gros, incluant même des extraits de nombreuses positions de longue date d’extrême droite sur l’immigration.

Il s’agissait notamment de durcir les règles de regroupement familial pour les immigrés et d’obliger les enfants nés d’étrangers en France à demander la citoyenneté à l’âge adulte, plutôt que de la voir accordée automatiquement.

Beaucoup de ces mesures ont été annulées par le conseil, ramenant la loi à peu près à ce que le gouvernement avait initialement prévu.

Samy Benzina, professeur de droit public à l’université de Poitiers, a déclaré que le conseil avait fait le choix stratégique de statuer essentiellement sur des bases procédurales pour sortir d’une situation politique délicate.

Cela lui évite de devoir se prononcer sur le fond du droit, ce qui est toujours délicat, a-t-il estimé. Ce n’est pas une décision qui restera dans l’histoire parce qu’elle défend les droits de l’homme.

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