L’avortement est-il constitutif de la nation ? La France devient le premier pays à inscrire le droit à l’avortement dans sa constitution – AlbertMohler.com
En France, l’avortement est désormais un droit constitutionnel. Lundi, la France est devenue le premier pays à inscrire le droit à l’avortement dans sa constitution. Les deux chambres du Parlement français ont adopté la mesure à une écrasante majorité et ont été soutenues par le président français Emmanuel Macron et le nouveau Premier ministre du pays, Gabriel Attal. Cette évolution est en grande partie un coup publicitaire de la part des dirigeants élus du pays, mais nous devons également reconnaître que cette décision représente une victoire majeure pour la culture de mort.
Soyons clairs. L’avortement est légal en France depuis 1975, lorsque le Parlement national a approuvé une loi légalisant l’avortement jusqu’à 14 semaines de grossesse. Aujourd’hui, aucun parti majeur dans la politique française ne s’oppose au droit à l’avortement. Aucune initiative pro-vie majeure ne se profilait à l’horizon. Marine Le Pen, députée à l’Assemblée nationale française et chef du parti conservateur le plus important du pays, a qualifié l’amendement constitutionnel de coup publicitaire entrepris par Macron et ses alliés. Cela ne sert à rien, car aucun mouvement politique ne remet en question l’avortement, a-t-elle déclaré, ajoutant que Macron avait réclamé cet amendement pour sa propre gloire. Malheureusement, elle a clairement fait comprendre son point de vue en votant pour cette mesure.
Encore une fois : il n’y a aucune menace pour le droit à l’avortement en France. Il n’existe aucun mouvement politique organisé et puissant pour restreindre ou éliminer l’avortement dans le pays. Aucun tribunal n’a menacé de limiter l’avortement. Néanmoins, la décision française est moralement significative. En inscrivant le droit à l’avortement dans la constitution nationale, les Français ont déclaré que le droit à l’avortement était constitutif de la nation française. Pensez-y.
La France est en effet devenue la première nation à inscrire le droit à l’avortement dans sa constitution. Cela signifie que la France a déclaré que le droit à l’avortement est désormais fondamental dans la constitution du pays. C’est exactement ce que veulent faire les forces pro-avortement aux États-Unis. Ils souhaitent voir la Constitution américaine amendée pour inclure une garantie explicite du droit à l’avortement pour les femmes. Bien entendu, étant donné le programme des progressistes de gauche désormais aux commandes du Parti démocrate, il n’y aura probablement aucune référence légale aux femmes dans un tel amendement proposé, mais uniquement des références aux personnes enceintes. Les Français sont peut-être libéraux, mais ils sont plus lucides sur les questions de genre que la gauche américaine.
Le langage même adopté dans la révision française fait référence à l’avortement comme une liberté garantie. Franchement, c’est un terme un peu ambigu dans le système français. Il y a eu un débat sur la question de savoir si l’avortement devait être protégé en tant que droit ou en tant que liberté. Le texte sur la liberté garantie était un compromis, mais le point était clairement indiqué.
Les historiens seront peut-être moins impressionnés par cette action. La Constitution française actuelle n’est en vigueur que depuis 1958. Depuis lors, elle a été amendée 24 fois. La Constitution française peut être amendée par une majorité qualifiée du gouvernement central du pays, agissant seul. Il n’en va pas de même pour la Constitution américaine, qui n’a été amendée que 27 fois depuis les années 1780. Aux États-Unis, le Congrès et le président ne peuvent à eux seuls amender la Constitution, et les États doivent être impliqués et doivent l’approuver à une écrasante majorité. Ainsi, les perspectives d’amendement de la Constitution américaine afin de consacrer le droit à l’avortement sont extrêmement faibles, ce qui exaspère les dirigeants pro-avortement et les rendra désormais encore plus envieux de la France laïcisée, libéralisée et inventrice de droits.
Sauf pour une chose. Il y a énormément de fumée et de miroirs dans la couverture médiatique américaine et dans les démagogies politiques de gauche. Le droit à l’avortement en France prend fin à la 14ème semaine de grossesse. Le nouvel amendement constitutionnel n’y change rien. En vérité, de nombreux États bleus aux États-Unis ont désormais des lois ou des politiques en matière d’avortement bien plus libérales que la France. Les militants pro-avortement dans des États comme l’Illinois, la Californie et New York applaudissent l’action constitutionnelle française et flattent les politiciens français, mais les lois de leurs propres États sont considérablement plus libérales que la loi en France.
Les chrétiens doivent comprendre que la décision prise en France ne peut s’expliquer que par la sécularisation radicale du pays et par l’éclipse de la vision biblique du monde. Nous devons également reconnaître que ce dernier développement souligne la nature radicale de la Révolution française par rapport à la Révolution américaine. Le projet français repose sur l’affirmation selon laquelle la société accorde des droits. Le projet américain est très différent, reconnaissant (au moins historiquement) que le gouvernement respecte les droits qui appartiennent aux citoyens parce que ces droits leur sont accordés par leur Créateur.
Après l’action du gouvernement français, entreprise à Versailles, Macron a déclaré que vendredi serait l’occasion d’une cérémonie de scellement. De telles cérémonies sont rares et ne sont réservées qu’à des législations particulièrement importantes. Cela souligne le fait que l’amendement constitutionnel français était effectivement un coup publicitaire. Mais les coups publicitaires en disent long sur une nation. Le Washington Post a rapporté que, pour célébrer l’action à Versailles, une femme aux seins nus a dansé à travers la foule avec les mots « Bénédictions, l’avortement est enfin dans la constitution », peints sur son torse nu.
La révolution en France continue.
Cet article a été initialement publié dans WORLD Opinions le 6 mars 2024.