Laurent Cantet, dont les films exploraient les dessous de Frances, est décédé à 63 ans
Laurent Cantet, éminent réalisateur qui a réalisé des films pénétrants sur les dessous épineux de la vie et de la société française, est décédé le 25 avril à Paris. Il avait 63 ans.
Son scénariste et monteur, Robin Campillo, a déclaré qu’il était décédé d’un cancer à l’hôpital.
Le film le plus connu de M. Cantet est Entre les murs, qui a remporté la Palme d’Or, le premier prix du Festival de Cannes, en 2008 et a été nominé pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. La Classe était quelque chose de nouveau dans le cinéma français : un instantané étendu de l’intérieur d’une salle de classe dans un quartier populaire de Paris, utilisant un ancien professeur et des écoliers réels et franchissant une ligne provocatrice entre documentaire et fiction.
Cette ambiguïté insuffle au film une tension rare, alors qu’un malheureux professeur de langues se bat avec ses élèves en grande partie immigrés, essayant (avec difficulté) de faire accepter les règles strictes de la langue française et de l’identité française. Dans cette chronique franche de la vie de classe, les étudiants, pour beaucoup venus d’Afrique, des Caraïbes et d’Asie, brillants, parfois provocateurs, ont le dessus.
Chemin faisant, M. Cantet expose de manière chirurgicale les lignes de fracture des tentatives hésitantes d’intégration de la France, montrant exactement là où le modèle rigide du pays est souvent imperméable à l’expérience de ses citoyens non autochtones. Dans son article sur The Class dans le New York Times, Manohla Dargis l’a qualifié d’astucieux, d’intelligent et d’urgent nécessaire.
Le film a touché une corde sensible en France, vendant plus d’un million d’entrées. Des intellectuels de droite comme Alain Finkielkraut l’ont dénoncé pour dévaloriser la culture française classique, soulignant involontairement le point de vue de M. Cantet.
M. Cantet a été invité au palais de l’Élysée pour discuter du film avec le président Nicolas Sarkozy. Il a décliné l’invitation. Je ne vais pas parler de diversité avec quelqu’un qui a inventé le ministère de l’Identité nationale, avait alors déclaré M. Cantet, faisant référence à l’une des initiatives les plus malheureuses de M. Sarkozy.
Ce film, ainsi qu’une poignée d’autres dans la carrière raccourcie de M. Cantet, Ressources Humaines, L’Emploi du Temps, Vers le Sud, s’intéressaient à l’aliénation de ceux qui étaient pris dans les pièges inéluctables de la vie moderne. sous un capitalisme avancé.
Le film tendu et inquiet Ressources Humaines, sorti en 1999, place un diplômé d’une école de commerce en stage en ressources humaines dans l’usine où son père ouvrier doit être licencié. Deux ans plus tard, Time Out mettait en scène un employé au chômage qui dissimulait son chômage honteux avec des résultats désastreux.
Dans l’inquiétant Cap vers le sud, basé sur un roman de l’auteur haïtiano-canadien Dany Lafrière et sorti en 2005, Charlotte Rampling a donné une performance de bravoure en tant que protagoniste parmi un groupe de touristes sexuels vieillissants en Haïti. En l’examinant dans le Times, Stephen Holden l’a qualifié de dévastateur.
Le film de M. Cantet est trop sophistiqué pour diaboliser ces femmes, dont les relations avec leurs jeunes amants sont plus tendres et nourrissantes que ouvertement grossières, a écrit M. Holden.
Dans un message électronique, Mme Rampling a écrit : Tous les lieux étaient à l’extérieur et la météo était si imprévisible que nous ne savions jamais du jour au lendemain si nous pouvions tourner ni comment nous procéderions. Nous n’avons cessé de nous arrêter et de repartir, provoquant une grande tension et une grande anxiété chez Laurent tout au long du tournage. Le film, a-t-elle ajouté, est imparfait, mais il reste une belle œuvre réalisée par un homme honorable et bon.
Dans ces films, comme dans La Classe, M. Cantet remet en question les arrangements fondamentaux qui constituent la texture de la vie moderne. Ce qui l’intéresse dans La Classe, confie-t-il au journal Libration en 2008, ce sont les moments où la classe se transforme en école de la démocratie, et parfois en école de l’école elle-même. Que faisons-nous ici? Pourquoi sommes-nous ici ?
Cinéaste à la voix douce, qui restait en retrait et écoutait et qui ne s’intéressait pas au faste du cinéma, M. Cantet était hanté par les deux dernières questions, dans une tradition française classique qui remonte à Camus et Montaigne.
M. Campillo, qui a travaillé comme scénariste et monteur sur tous les films majeurs de M. Cantet, a déclaré que sa prédilection pour les acteurs non professionnels n’était pas seulement une question de naturalisme. Il s’agissait de travailler avec des gens qui, grâce au cinéma, découvrent quelque chose sur eux-mêmes. M. Cantet, a ajouté M. Campillo, était très modeste. Il se mettait au même niveau que son équipage.
Dans un entretien avec le critique de cinéma français Michel Ciment après l’obtention de la Palme d’Or, M. Cantet a décrit la méthode quasi-improvisée qu’il a développée pour La Classe, dans laquelle le professeur, personnage central du film, était incarné par l’auteur du roman. sur lequel le film est basé.
J’ai rédigé un minimum de dialogue, pour indiquer l’énergie dont nous avions besoin, l’attitude de chacun, a-t-il déclaré. Au début de chaque scène, je leur ai donné des repères pour qu’ils aient quelque chose de prévu avec lequel travailler, puis nous avons commencé à travailler avec quelque chose de beaucoup plus construit. Mme Dargis a rapporté que le tournage a duré une année scolaire complète.
Ce que nous avons essayé de faire, c’est de construire le film selon ce paradoxe : est-ce un documentaire ? Est-ce une fiction ? M. Cantet l’a dit à M. Ciment.
Parmi les films réalisés par M. Cantet après The Class figuraient Foxfire : Confessions of a Girl Gang (2013), une histoire de révolte proto-féministe basée sur un roman de Joyce Carol Oates ; LAtelier (The Workshop) (2017), à propos d’un atelier d’écriture dans le sud de la France, dans lequel il traitait à nouveau des fractures sociales françaises ; et Arthur Rambo (2021), sur l’autodestruction d’un jeune homme prometteur issu des banlieues immigrées.
Laurent Cantet est né le 11 avril 1961 dans la petite ville de Melle, dans l’ouest de la France, et a grandi à Niort, une autre ville de cette région. Il fait remonter son amour du cinéma aux projections mensuelles organisées par son père, Jean, à l’école où lui et sa mère, Madeleine (Ciach) Cantet, enseignaient toutes deux. Il est diplômé de l’Institut des Hautes Etudes Cinmatographiques de Paris en 1986, et avant de réaliser ses propres films, il a travaillé comme assistant sur le documentaire de Marcel Ophuls de 1994 sur les correspondants de guerre, Les Troubles que nous avons vus.
L’une des citations préférées de M. Cantet, a déclaré sa productrice Caroline Benjo dans un hommage qui lui a été rendu sur la radio France Culture, était celle du réalisateur Jean Renoir : Tout le monde a plus ou moins raison.
M. Cantet laisse dans le deuil son épouse, Isabelle (Coursin) Cantet; sa fille, Marie Cantet ; son fils, Flix ; son père; et son frère Philippe.
Ses films étaient ce que les Français appellent socialement engagés, sans être didactiques ni idéologiques. Ses remarques sur The Class pourraient également s’appliquer à ses autres films.
Je ne prétends pas à une exactitude documentaire, a-t-il déclaré à M. Ciment. La situation que nous montrons est très complexe et pleine de contradictions. Il n’y a pas de bons et de méchants.