La visite de Macron au Sri Lanka est importante
L’histoire a été écrite le vendredi 28 juillet, c’était pour la première fois dans l’histoire du Sri Lanka qu’un président français visitait la nation insulaire. Emmanuel Macron était à Colombo pour une discussion soudaine de 55 minutes avec son homologue sri-lankais, Ranil Wickremesinghe.
Mais la courte durée de la visite n’enlève rien à son importance géopolitique. Cela a marqué un changement de paradigme dans les relations de la France avec le Sri Lanka. Et le contexte pour cela est le scénario géopolitique émergent dans la région Indo-Pacifique.
Avec la visite de Macron, la France rompra avec un désintérêt historique pour le Sri Lanka. Contrairement à sa politique sur l’Inde, la France de l’époque coloniale n’avait aucun intérêt à Ceylan, comme on appelait alors le Sri Lanka. A la fin du 18ème. Siècle, lorsque Napoléon était à l’apogée de sa puissance en Europe, les Britanniques en Inde craignaient que la France ne lorgne sur le port de Trincomalee. Napoléon avait dit : Celui qui contrôle Trincomalee contrôle l’océan Indien.
Les Français avaient en fait capturé Trincomalee après une bataille navale sauvage en septembre 1782. Mais ils se retirèrent finalement, pour ne plus jamais tenter leur chance à Ceylan.
Les liens de la France avec le Sri Lanka indépendant étaient faibles jusqu’en 2009. Mais depuis 2009, la France s’intéresse de près à la question des crimes de guerre. Pendant la guerre, la France avait ouvert ses portes à des milliers de réfugiés tamouls du Sri Lanka.
Mais ses liens commerciaux avec le Sri Lanka ont été faibles. La France ne vend que 133,9 millions de dollars de marchandises au Sri Lanka et n’achète que 272,3 millions de dollars à la nation insulaire.
Cependant, la France a maintenant réalisé que le Sri Lanka a une énorme importance géopolitique dans le contexte de la menace croissante de la Chine contre l’architecture de sécurité établie dominée par les États-Unis dans les océans Indien et Pacifique. Les mouvements agressifs de la Chine en Asie de l’Est et les incursions de sa marine dans l’océan Indien ont provoqué un malaise en Inde, aux États-Unis et au Japon.
Et la France ne pouvait pas l’ignorer. La France a un intérêt important dans l’Indo-Pacifique puisque 93% de sa zone économique exclusive se trouve dans l’océan Pacifique en raison de sa souveraineté sur la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Futuna dans le Pacifique et sur la Réunion dans l’océan Indien.
Avant de venir au Sri Lanka, Macron aurait visité la Nouvelle-Calédonie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Cette visite est également qualifiée d’historique car aucun autre président français ne leur avait rendu visite auparavant.
Dans la compétition géopolitique avec la Chine, New Delhi et Washington s’emploient à tirer le Sri Lanka de leur côté. Le Japon aussi est dans la mêlée.
Alors que l’Inde voit le succès dans ses efforts pour transformer ses relations avec le Sri Lanka, les États-Unis ont intensifié leur diplomatie dans l’île, montrant un intérêt accru pour la promotion des droits de l’homme et de la démocratie. On dit qu’il essaie d’amener le Sri Lanka à signer un accord sur le statut des forces (SOFA) avec le ministère de la Défense pour contrer la Chine dans la région.
Pour ne pas être en reste, la Chine a envoyé Yuan Jiajun, membre du Bureau politique des Comités centraux du Parti communiste, rencontrer le président Wickremesinghe le 22 juillet, bien qu’il ne soit pas clair si Pékin assouplirait sa position sur la restructuration de la dette et se couperait les cheveux comme les autres prêteurs. .
De manière significative, le ministre japonais des Affaires étrangères Hayashi Yoshima sera à Colombo les 28 et 29 juillet à la tête d’une délégation de 21 membres comprenant le coordinateur principal de la politique étrangère Murakami Manabu ; le directeur général des Affaires du Sud-Est et du Sud-Ouest, Arima Yutaka ; et le directeur général de la coopération internationale, Endo Kazuya, entre autres.
La poussée du Japon est économique bien qu’elle ait aussi un fort intérêt géopolitique compte tenu de sa forte contradiction avec la Chine. Le Japon tient à reprendre son rôle traditionnel de partenaire de développement de premier plan et à empêcher le Sri Lanka de tomber dans l’appât des offres de prêt de Pékin.
La France veut aussi étendre son emprise sur le Sri Lanka. Cela fait partie des efforts de Macron pour donner un rôle indépendant à la France dans la région Indo-Pacifique. Macron tient à ce que la France ne soit pas seulement un partisan du camp des puissances anglo-saxonnes dirigées par les États-Unis.
Bien qu’en accord avec l’alliance dirigée par les États-Unis dans la lutte de cette dernière contre l’agression russe en Ukraine et la flexion musculaire de la Chine en Asie de l’Est et dans l’Indo-Pacifique, Macron souhaite que la France et l’Europe aient une politique indépendante qui serait à la fois équilibrante et médiatrice plutôt que confrontationniste.
Il s’est rendu à Pékin de sa propre initiative et s’est prononcé contre toute action aventureuse occidentale sur Taiwan.
Partisan d’un ordre multipolaire stable, Macron a déclaré à Sydney en mai 2018 que l’objectif de la France était d’agir en tant que puissance de médiation inclusive et stabilisatrice. En d’autres termes, la France sera impliquée dans le règlement des différends.
Macron s’était brouillé avec les États-Unis et le Royaume-Uni, après que ces deux derniers aient formé l’AUKUS et conclu un accord avec l’Australie sur des sous-marins sabotant un accord sous-marin franco-australien existant.
Le leader français insistant n’est pas découragé par les barbes des pays anglo-saxons qui le considèrent comme un diviseur.
Dans le cadre de ce plan, Macron envisage un rôle pour les organisations régionales car il privilégie une approche multilatérale, contrairement au modèle de domination promu par les États-Unis et la Chine.
De manière significative, l’approche de Macron est motivée par la géo-économie plutôt que par la géopolitique. Il s’engage à promouvoir les biens communs (changement climatique, environnement et biodiversité, santé, éducation, numérique, infrastructures de qualité), dans une région en pleine transition démographique, sociale et urbaine.
En cela, il recherche la coopération de l’Union européenne, qui est orientée dans le même sens.
L’un de ses objectifs est de réduire la dépendance de l’Europe vis-à-vis des États-Unis afin qu’elle ne soit pas entraînée dans une confrontation entre la Chine et les États-Unis à propos de Taiwan.
La Chine a approuvé avec enthousiasme le concept d’autonomie stratégique de Macron. On dit que les officiels chinois s’y réfèrent constamment dans leurs relations avec les officiels européens.
Macron a également fait valoir que l’Europe devrait réduire sa dépendance vis-à-vis des États-Unis pour les armes et l’énergie et se concentrer sur le renforcement des industries de défense européennes. Il a également suggéré que l’Europe devrait réduire sa dépendance vis-à-vis de l’extraterritorialité du dollar américain, un objectif à la fois de la Chine et de la Russie.
En ce qui concerne le Sri Lanka, il accueillerait favorablement la politique étrangère indépendante de la France, car cela pourrait enlever une partie de l’aiguillon de la position anglo-américaine dure sur les droits de l’homme, les crimes de guerre présumés et les liens avec la Chine.
Le Sri Lanka a besoin des ressources financières de la Chine pour son programme de relèvement et son aide à l’UNHRC. Et la France pourrait ne pas être opposée à ce que le Sri Lanka demande l’aide de la Chine en matière économique, car Macron est également favorable à la coopération économique avec la Chine.