#image_title

La philosophe Camille Froidevaux-Metterie : « Le corps féminin est historiquement le lieu ultime de la domination masculine »

Lors d'une manifestation féministe à Paris à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination des violences à l'égard des femmes, le 25 novembre 2023.

La réappropriation par les femmes de leur corps, tant dans leurs aspects sexuels que maternels, est au cœur du mouvement féministe. En 2024, ce combat est toujours d’actualité, d’autant que l’inscription dans la Constitution française de la liberté d’avorter fait l’objet d’une âpre bataille parlementaire depuis 18 mois ; tandis qu’en parallèle, le président Emmanuel Macron a appelé au grand dam des militantes féministes à un « réarmement démographique » du pays.

Les femmes ont-elles enfin récupéré les corps dont elles ont été dépossédées par les mécanismes de domination patriarcale ?

Camille Froidevaux-Metterie est philosophe, spécialisée dans la pensée féministe. Elle est notamment l’auteur des essais Un corps Soi (« Un corps à soi », Seuil, 2021) et Un si Gros Ventre. Expriences Vcues du Corps Enceinte (« Un si gros ventre : expériences du corps enceinte », Stock, 2023). Elle explique comment ces deux actualités illustrent le lien étroit qui persiste entre le contrôle du ventre maternel et la logique sexiste d’objectivation du corps des femmes.

Historiquement, quelle place le corps féminin, et plus particulièrement le corps maternel, a-t-il occupé dans les luttes féministes ?

C’est parce que les femmes ont été définies uniquement en fonction de leur corps, tant dans leurs fonctions sexuelles que maternelles, qu’elles ont été reléguées dans la sphère domestique et considérées comme des êtres inférieurs, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Le corps féminin est donc au cœur du féminisme ; c’est le lieu ultime de la domination masculine. Simone de Beauvoir Le Deuxime Sexe (Le deuxième sexe), publié en 1949, le démontre clairement. Mais ce n’est que dans les années 1970 que cet objectif est devenu un objectif : il s’agissait de libérer les femmes d’une existence considérée comme un « destin ».

La lutte pour les droits reproductifs a été l’outil de cette libération, mais elle a été menée au nom de deux conceptions antagonistes de la maternité. Pour les féministes matérialistes (d’inspiration marxiste), les femmes sont une ressource commune à la société et à chaque homme en particulier. Cette critique radicale de l’hétérosexualité en tant qu’institution conduit à la proposition d’un lesbiennesisme politique par lequel les femmes échappent aux relations de pouvoir patriarcales.

Les féministes différentialistes, quant à elles, défendent la cause des femmes, valorisant l’accouchement comme une production féminine spécifique et affirmant le « pouvoir » de la capacité procréatrice des femmes. Mais au-delà de ces différentes approches, il n’en reste pas moins que la conquête du droit à la contraception et à l’avortement marque un tournant anthropologique : en prenant le contrôle de leur « nature » procréatrice, les femmes peuvent enfin s’inscrire dans le monde social et devenir des individus ayant des droits dans leur propre droit.

Il vous reste 65,3% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.

www.actusduweb.com
Suivez Actusduweb sur Google News


Ce site utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que cela vous convient, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite