La lutte contre l’impunité ne sera possible qu’avec la coopération active des autorités libyennes
Monsieur le Président,
Au nom de la délégation française, permettez-moi de remercier le Procureur Karim Khan pour la présentation du 27ème rapport de son Bureau au Conseil de sécurité des Nations Unies, en application de la résolution 1970 (2011), ainsi que son plan d’action pour l’achèvement de l’enquête. activités du Bureau des Procureurs de la Cour Pénale Internationale en Libye.
Monsieur le Procureur,
Vous pouvez compter sur le soutien continu de la France au travail indépendant et impartial de la Cour pénale internationale, qui joue un rôle crucial dans la lutte contre l’impunité pour les crimes internationaux les plus graves.
C’est l’une des priorités de l’action diplomatique de la France et nous réaffirmons notre plein soutien à la Cour et à son personnel dans l’accomplissement de leurs mandats et activités. Le Parquet doit pouvoir exercer ses prérogatives sans aucune pression, entrave ou obstruction extérieure.
Monsieur le Président,
La France salue les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la stratégie du Parquet, tels que présentés dans son rapport 2022. La lutte contre l’impunité pour les crimes commis en Libye ne sera possible et efficace qu’avec une coopération active entre la Cour et les autorités nationales libyennes.
À cet égard, la France salue les efforts entrepris par le Bureau pour renforcer et améliorer la coopération avec les autorités libyennes, notamment la visite officielle du procureur adjoint Nazhat Shameem Khan à Tripoli le mois dernier. Nous notons l’engagement des autorités libyennes, qui ont délivré des visas à entrées multiples à certains représentants de la Cour. Le plein accès au territoire libyen est une condition essentielle à l’accomplissement du mandat conféré par ce Conseil à la Cour, conformément à la résolution 1970 (2011).
Les crimes les plus graves commis en Libye depuis 2011 doivent tous faire l’objet d’enquêtes et de poursuites, y compris les crimes commis par Daech, ainsi que les crimes contre les migrants et les réfugiés. Nous sommes préoccupés par les détentions arbitraires et les cas de conditions de détention inhumaines, notamment de migrants et de réfugiés. Les autorités en charge des centres de détention concernés doivent permettre un accès immédiat aux observateurs et enquêteurs internationaux. Les disparitions forcées et les violences sexuelles signalées par le Bureau sont inacceptables. Il ne fait aucun doute que quiconque incite ou commet de tels crimes aujourd’hui est passible de poursuites. La lutte contre la traite des êtres humains reste évidemment une priorité pour la France.
Monsieur le Président,
Nous saluons les progrès réalisés par le parquet au cours des six derniers mois dans ses enquêtes, notamment la conduite de plus de 18 missions et la collecte de plus de 800 éléments de preuve. Nous saluons l’utilisation d’innovations techniques, notamment le portail OTPLink accessible au public, qui a permis au Bureau de recevoir 28 communications liées à la situation en Libye au cours des six derniers mois.
La coopération entre les parquets et les États, ainsi qu’avec les organisations internationales et régionales, est précieuse : nous saluons à cet égard les relations de travail plus étroites avec la MANUL et la structuration de la coopération avec EUROPOL.
Enfin, nous appelons le Bureau du Procureur à poursuivre ses efforts de coopération avec les groupes de victimes et les organisations de la société civile présentes en Libye. La France encourage le Procureur à veiller à ce que les victimes soient consultées et associées à la mise en œuvre de la stratégie visant à conclure leurs enquêtes en Libye. Il est essentiel de continuer à garantir que ces victimes puissent être réhabilitées par la Cour pénale internationale lorsque ces faits seront reconnus comme constituant des crimes au sens du Statut de Rome.
Monsieur le Président,
La France a pris note de la décision du parquet de conclure ses enquêtes en Libye et d’assurer une transition réussie vers la phase judiciaire de ses activités d’ici fin 2025. La France salue le plan d’action du parquet, qui prévoit d’introduire de nouvelles demandes de délivrance de des mandats d’arrêt dans plusieurs des pistes d’enquête prioritaires définies dans la stratégie de situation, l’intensification des efforts en matière de stratégie d’arrestation, de traque des fugitifs et de préservation des preuves.
Toutefois, ma délégation souhaiterait avoir l’avis des procureurs sur leur appréciation du niveau de coopération des autorités libyennes, car nous avons regretté les difficultés rencontrées en novembre dernier, notamment la mise en œuvre du principe de complémentarité alors que la stabilité politique n’est pas effective en Libye. De même, il serait intéressant que le Bureau du Procureur détaille les différents changements intervenus dans la phase judiciaire, dont le succès dépend de l’arrestation des fugitifs. Ma délégation comprend qu’une fois la phase d’enquête achevée en 2025, le Bureau du Procureur n’a pas l’intention de demander à la Chambre préliminaire d’émettre de nouveaux mandats d’arrêt.
Monsieur le Président,
Permettez-moi de conclure en rappelant que la France attache une grande importance à la relance d’un processus politique en Libye respectueux des droits de l’homme et de l’État de droit. Nous sommes préoccupés par la répression accrue contre la société civile et les défenseurs des droits de l’homme, ainsi que par les pressions exercées sur les juges et les avocats, qui vont à l’encontre du respect de l’État de droit et nuisent à la consolidation d’un système démocratique en Libye.
La France réitère son soutien à l’action des Nations Unies, essentielle pour restaurer la stabilité et l’unité du pays. Nous encourageons tous les protagonistes libyens à engager un dialogue, sous les auspices des Nations Unies, pour parvenir à la formation d’un nouveau gouvernement unifié capable de conduire le pays vers des élections présidentielles et législatives libres, transparentes et inclusives dans tout le pays.
Enfin, l’action judiciaire de la Cour pénale internationale et ses résultats jouent un rôle fondamental pour atteindre ces objectifs et assurer le développement à long terme de cet État.
Merci.