La France va réduire ses dépenses car elle anticipe une économie plus faible à venir
La France entre dans une ère de resserrement de la ceinture, alors que les guerres en Ukraine et à Gaza, les ralentissements économiques en Allemagne et en Chine et les taux d’intérêt record pèsent plus que prévu sur la croissance.
Les Français se retrouveront confrontés à des réductions de 10 milliards d’euros (10,8 milliards de dollars) dans les dépenses publiques, notamment en matière de subventions environnementales et d’éducation, a annoncé jeudi le gouvernement, en plus des 16 milliards de réductions annoncées il y a quelques mois. Le ministre des Finances, Bruno Le Maire, a révisé lundi la prévision de croissance économique cette année à 1 pour cent, contre 1,4 pour cent à la fin de l’année dernière.
Une croissance plus faible signifie une baisse des recettes fiscales, le gouvernement doit donc dépenser moins, a déclaré M. Le Maire lors d’un point de presse.
Après avoir dépensé sans compter pendant la pandémie pour soutenir l’économie et protéger les consommateurs des prix élevés de l’énergie, la France risque désormais d’enfreindre les règles budgétaires de l’Union européenne qui restreignent les emprunts publics. Pour éviter cela, le gouvernement doit réduire les coûts pour ramener le déficit à 4,4 pour cent du produit intérieur brut cette année, contre 4,8 pour cent auparavant.
Paris s’inquiète de plus en plus de la dégradation des dettes françaises par les agences de notation internationales, une décision qui augmenterait les coûts d’emprunt.
Le ralentissement français reflète la timide reprise de l’Europe, qui n’a pas réussi à rebondir aussi rapidement qu’aux États-Unis, où l’économie, bien que ralentissant après une croissance vertigineuse, continue d’être alimentée par les dépenses de consommation.
La croissance économique a stagné dans les 20 pays qui utilisent l’euro : aucune croissance sur les trois derniers mois de 2023 par rapport au trimestre précédent, évitant de peu une récession après une contraction au troisième trimestre. Sur l’année, la croissance de la zone euro n’a été que de 0,1 pour cent.
Le véritable problème est l’écart de croissance entre l’Europe et le continent américain, a déclaré M. Le Maire. C’est l’éléphant dans la pièce.
Les coupes budgétaires constituent un nouveau défi pour le président Emmanuel Macron. Aujourd’hui au milieu de son deuxième mandat, il a attiré ces dernières années des centaines de milliards d’investissements de la part de sociétés multinationales. Il s’agit notamment de la création de quatre usines massives de batteries pour voitures électriques dans le nord de la France et d’une industrie pharmaceutique renforcée avec de nouveaux investissements de Pfizer ainsi que de Novo Nordisk, qui augmenteront la production en France de ses populaires médicaments amaigrissants Ozempic et Wegovy.
Mais ailleurs, un ralentissement est palpable. Le chômage, qui est tombé l’année dernière à 7 pour cent, son plus bas niveau en 15 ans, a recommencé à augmenter alors que les fabricants freinent leur production et que les exportations ralentissent. Les consommateurs, méfiants face à une inflation élevée, ont également réduit leurs dépenses, un moteur clé de la croissance.
Dans le même temps, M. Macron tente de contrer la montée du Rassemblement national d’extrême droite de Marine Le Pen, qui a profité du ralentissement économique, des questions d’immigration et des exigences réglementaires imposées par l’Union européenne pour attirer des électeurs désenchantés.
Le mois dernier, M. Macron a relancé son gouvernement en nommant un nouveau Premier ministre, son protégé de 34 ans, Gabriel Attal, qui a appelé à un réarmement civique et économique de la France. M. Macron a également promis davantage de mesures favorables aux entreprises et s’est engagé à réduire la dette française.
M. Le Maire a déclaré que la production anémique de l’Europe était particulièrement inquiétante parce que les problèmes structurels, notamment les normes environnementales, de travail et autres normes réglementaires, rendaient plus difficile la réduction de l’écart concurrentiel avec les États-Unis.
Le rebond de l’Europe a également été freiné par une longue crise énergétique qui a porté un coup dur à l’Allemagne, dépendante de son industrie, la plus grande économie d’Europe et le plus grand partenaire commercial européen de la France.
Et les gouvernements européens sont frustrés par la loi du président Biden sur la réduction de l’inflation, que certains considèrent comme une politique industrielle protectionniste qui menace leurs économies. L’Union européenne a mis en place ses propres subventions aux énergies propres en réponse aux incitations américaines.
Les taux d’intérêt les plus élevés de l’histoire des banques centrales européennes n’ont pas aidé. L’inflation a commencé à ralentir, mais les coûts d’emprunt élevés continuent de freiner l’activité des entreprises et de freiner le marché immobilier dans certaines régions d’Europe, notamment en France, où les prix de l’immobilier ont chuté l’année dernière alors que le recul des prêts bancaires a ralenti l’achat de logements.
Les ventes de maisons existantes en France ont chuté de 20 pour cent au cours des 12 mois précédant octobre, par rapport à un an plus tôt, tandis que les ventes de maisons neuves ont plongé de près de 40 pour cent, selon les données du gouvernement.
Le ralentissement économique est le prix que nous devons payer pour notre victoire sur l’inflation, a déclaré M. Le Maire.
Les coupes budgétaires en France, adoptées par décret gouvernemental jeudi, réduiront les dépenses des principales agences gouvernementales, notamment l’éducation, la justice et la défense. Une part importante, environ 2 milliards, proviendra d’un programme visant à aider les ménages et les entreprises à respecter les normes environnementales strictes de l’UE.
Ces coupes ont été jugées nécessaires après que le gouvernement ait engagé cette année une série de dépenses inattendues pour faire face à plusieurs crises, dont 400 millions pour aider les agriculteurs en colère qui avaient menacé de bloquer Paris à cause de la hausse des coûts, des importations bon marché et des formalités administratives de l’UE, ainsi que pour payer plus d’argent aux policiers avant les Jeux Olympiques de cet été dans la capitale française. Le gouvernement a également promis une aide supplémentaire de 3 milliards à l’Ukraine.