La France suit-elle le rythme de la course à l’électrification européenne ?

29 novembre 2022

Jos Pontes, directeur des données chez EV-volumes.com, examine l’un des marchés des véhicules électriques (VE) les plus importants d’Europe, la France.

La Norvège est de loin le pays le plus électrifié d’Europe, bien que l’Allemagne soit le plus grand marché de véhicules électriques du continent. Mais étant donné qu’elle a autrefois ouvert la voie, comment la France se comporte-t-elle ?

Une histoire électrique

Au début du XXe siècle, près d’un tiers du parc automobile français était électrique. Des fabricants tels que Jeantaud et Milde ont fourni l’essentiel des ventes de véhicules électriques.

Mais la technologie des moteurs à combustion interne (ICE) a rapidement commencé à dépasser les véhicules électriques contemporains. L’essence est également devenue plus largement disponible et les routes plus denses ont permis des déplacements plus sûrs sur de longues distances. Les véhicules électriques coûteux à autonomie limitée sont rapidement devenus moins compétitifs que les nouveaux modèles ICE, le Ford Model T étant un catalyseur majeur de ce changement.

La France a redécouvert les véhicules électriques dans les années 1990, avec le soutien de constructeurs locaux, tels que Peugeot (106 Electrique), Citroën (AX, Saxo et Berlingo Electrique) et Renault (Clio et Kangoo EV). Alors que les constructeurs automobiles proposaient des versions électriques de modèles populaires, des autonomies limitées (environ 100 km) et des prix presque trois fois plus élevés que leurs homologues ICE, ont entravé tout succès commercial. Peugeot n’a fabriqué que 6 400 modèles 106 électriques, bien loin des 100 000 unités attendues. La plupart ont été vendus à l’administration française locale ou à des entreprises comme La Poste.

Pourtant, cela a suffi pour faire de la France le plus grand marché européen des véhicules électriques à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Des milliers de véhicules électriques ont été mis en circulation avant 2010, agissant comme un tremplin important vers l’essor des véhicules électriques dans le pays.

Seulement 180 voitures particulières électriques ont été vendues en 2010, ce qui ne représente que 0,01 % du marché total. De 2011 à 2013, cependant, la France était à nouveau le plus grand marché de véhicules électriques en Europe. Avance rapide jusqu’à la fin de 2019 et les véhicules électriques ont capturé 1,9 % du marché français avec 42 763 unités. Depuis lors, le leadership de la France s’est estompé alors que d’autres marchés automobiles se sont électrifiés plus rapidement.

Évolution du marché

Au cours de la dernière décennie, le marché français des véhicules électriques a connu trois étapes différentes. Au départ, il y a eu une croissance régulière, bien que non perturbatrice, jusqu’en 2019. Elle a été suivie d’une croissance sans précédent en 2020 et 2021, tandis que la part des hybrides rechargeables (PHEV) a diminué cette année.

Source : EV-volumes.com

Cette baisse peut être liée à des changements dans les incitations pour les véhicules électriques. En mai 2020, à la suite des mesures d’allègement du COVID-19, le gouvernement français a temporairement augmenté le soutien financier aux achats de véhicules électriques. Cela a poussé les incitations à un maximum de 12 000 pour un véhicule électrique à batterie (BEV) qui coûte moins de 45 000. Il comprenait une incitation de 7 000 plus 5 000 avec la mise au rebut d’un ancien véhicule ICE.

Ces stimuli généreux, les plus importants d’Europe, ont permis au marché des véhicules électriques de s’envoler. Mais à mesure que les mesures d’allégement temporaires du COVID-19 diminuaient, le marché des PHEV a souffert, passant d’une part de 9 % en 2021 à 8 % jusqu’à présent cette année.

Source : EV-volumes.com

En regardant les taux de croissance des deux groupes motopropulseurs, les PHEV sont clairement plus sensibles aux changements d’incitation que les BEV. Les véhicules tout électriques suivent une tendance de croissance relativement simple, gagnant environ 33 % en moyenne d’une année sur l’autre. L’exception ici est 2020, en raison des augmentations des subventions liées au COVID-19 et de la nouvelle norme européenne de 95 g/km de CO2 règle de flotte pour les fabricants.

D’autre part, les PHEV ont des pics et des creux beaucoup plus élevés, présentant une plus grande vulnérabilité aux changements d’incitation. Cette tendance s’explique par le fait que les achats privés, qui représentent 60 % des ventes de BEV, sont moins influencés par les changements incitatifs. Pendant ce temps, les entreprises, qui représentent 70% du total des ventes de PHEV, sont beaucoup plus susceptibles de réagir aux changements d’incitation.

Effets sur le parc de voitures particulières

Source : EV-volumes.com

En ce qui concerne le nombre de flottes, les tendances suivent globalement le graphique des parts de marché. L’aiguille n’a commencé à bouger de manière significative qu’en 2015, suivie d’une croissance lente mais régulière au cours des quatre années suivantes. En 2020 et 2021, le taux de remplacement des véhicules a considérablement augmenté, la part des véhicules électriques ayant bondi de 1,6 % en seulement deux ans.

Pourtant, les véhicules électriques en France représentent actuellement moins de 2,5 % du nombre total de flottes. De plus, avec le mandat 100% zéro émission de l’UE qui ne devrait être appliqué que d’ici 2035, une élimination complète des modèles ICE ne peut être attendue que d’ici 2050 au plus tôt.

Quelle est la taille des incitations ?

Il existe actuellement une incitation à l’achat allant jusqu’à 6 000 pour les BEV coûtant moins de 45 000 (4 000 pour les entreprises). Pendant ce temps, au-dessus de ce seuil et jusqu’à 60 000, la subvention se situe à 2 000. Ces offres resteront sur la table jusqu’à fin 2022.

Pour les PHEV ayant au moins 50 km d’autonomie électrique et coûtant moins de 50 000, la subvention est de 1 000. Les BEV et les PHEV sont exonérés de la taxe locale (Carte grise). Les véhicules utilitaires légers électriques (VUL) ont une incitation à l’achat plus élevée, avec 7 000 pour les particuliers et 5 000 pour les entreprises. Voitures à faibles émissions (moins de 20gCO2/km) bénéficient d’une réduction de 50 % sur les impôts sur les avantages en nature (BiK) pour les voitures de société, dans la limite de 1 800 d’économies annuelles.

Les BEV d’occasion peuvent recevoir une subvention de 1 000 s’ils respectent certaines exigences. Cela inclut le fait d’avoir été immatriculé dans le pays au cours des deux dernières années, ainsi que d’appartenir au même propriétaire au cours de la même période. Il existe également une subvention à la casse de 2 500, pour les anciens véhicules ICE.

Enfin, bien qu’elle n’ait pas de mandat national zéro émission, la France devra se conformer au mandat zéro émission de l’UE, qui doit commencer en 2035, lorsque tous les nouveaux véhicules immatriculés devront avoir zéro émission. Les incitations françaises pour les véhicules électriques dépendent fortement des subventions à l’achat, tandis que d’autres outils d’adoption des véhicules électriques ne sont généralement pas appliqués.

Catégorisation de chaque incitation :

  1. Exonération de taxe à l’achat, incitation à l’achat, exonération de TVA, exonération de taxe à l’importation, etc.
  2. Exonération de la taxe foncière, utilisation des voies de bus, exonération des péages, stationnement gratuit, ferries gratuits, etc.
  3. Exonération de TVA, exonération fiscale BiK, etc.
  4. Déductibilité des frais de recharge, plaques d’immatriculation spéciales, subventions aux chargeurs de VE, etc.

Rapport charge-anxiété

Les VE ne signifient pas grand-chose sans une infrastructure de recharge (CI), car pour le succès du BEV, trois variables doivent être remplies :

  1. Les prix devraient être proches des modèles de moteur à combustion interne
  2. La gamme doit répondre aux besoins du public acheteur, en évitant l’anxiété liée à la gamme
  3. Il devrait y avoir suffisamment de CI pour que les conducteurs puissent recharger sur la route, évitant ainsi l’anxiété de recharge, ce qui peut être aussi dommageable pour l’adoption des véhicules électriques que les préoccupations concernant l’autonomie.

La maintenance des CI est un autre sujet de préoccupation. Les chiffres officiels supposent que toutes les bornes de recharge sont opérationnelles, ce qui n’est pas réaliste, de sorte que la fréquence des temps d’arrêt doit également être prise en compte. La même logique s’applique au pilote EV. Lors de la préparation d’un road trip, les conducteurs doivent avoir des plans d’urgence, au cas où les bornes de recharge seraient hors ligne.

Source : EV-volumes.com

En raison d’une concentration précoce sur le développement de CI et le déploiement stable de véhicules tout électriques, le rapport entre les VEB et les points de recharge est resté stable pendant la majeure partie du processus d’électrification. Ce nombre n’a évolué que de cinq en 2014 à six en 2019.

La récente augmentation des immatriculations de BEV, sans augmentation correspondante de l’infrastructure, a entraîné un déséquilibre du ratio CI. Alors que 13 BEV par point de recharge en France est toujours inférieur à 17 en Norvège, il est supérieur à 10 en Allemagne et à des mondes à part des deux BEV par point de recharge aux Pays-Bas.

Expérimenter les incitations

L’électrification de la France démontre comment les incitations fiscales peuvent être un facteur important dans l’adoption des VE, en particulier en ce qui concerne les PHEV.

Malgré un bon départ, qui a placé la France en tête dans la course européenne aux véhicules électriques entre 2011 et 2013, son rôle de leader a été perdu au profit de pays comme l’Allemagne et le Royaume-Uni. Cela était peut-être dû à un recours excessif aux incitations à l’achat par rapport à d’autres types de subventions, à savoir celles affectant les voitures de société ou les infrastructures de recharge.

À l’avenir, en plus de limiter les subventions à l’achat aux BEV moins chers, le pays pourrait essayer de remplacer les subventions à l’achat des PHEV par une augmentation des économies de BiK sur les voitures de société BEV, stimulant ainsi les gestionnaires de flotte pour une électrification plus poussée.

Les incitations pour les véhicules électriques d’occasion sont également essentielles au succès à long terme. Sinon, les véhicules neufs auront plus de mal à trouver un acheteur de voitures d’occasion, ce qui nuira aux valeurs de location et de revente et retardera la transformation totale du marché.

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