La France s’empresse de laisser la Nouvelle-Calédonie voter aux élections européennes après ses troubles meurtriers. Rares sont ceux qui veulent
Nice, France — Quelques jours après que la France a levé les mesures d’urgence en Nouvelle-Calédonie pour apaiser les pires troubles depuis des décennies sur son territoire du Pacifique, elle se dépêche de garantir que les habitants de l’archipel en difficulté puissent voter aux prochaines élections européennes.
Mais beaucoup, notamment parmi les autochtones Kanaks qui recherchent depuis longtemps l’indépendance, s’en moquent.
Les élections européennes connaissent traditionnellement une faible participation en Nouvelle-Calédonie, dont les voix pèsent peu face aux 48 millions d’électeurs de France métropolitaine et des autres territoires d’outre-mer. Les fonds européens arrivent rarement sur le territoire. Seuls 20 % des électeurs ont participé aux élections de 2019.
Aujourd’hui, alors que des barricades de véhicules calcinés demeurent dans la capitale de la Nouvelle-Calédonie, même après la visite du président français Emmanuel Macron pour tenter d’apaiser les tensions, le taux de participation aux élections devrait être encore plus faible.
Je ne sais même pas de quoi il s’agit, a déclaré à France Info une femme qui attend du pain. Je ne vais pas voter parce que je n’en suis pas d’humeur.
La plupart des 270 000 habitants de la Nouvelle-Calédonie sont éligibles pour participer aux élections européennes, le deuxième plus grand exercice démocratique après les récentes élections indiennes. À partir de samedi, près de 400 millions d’électeurs éliront 720 membres du Parlement européen, influençant tout, des politiques mondiales en matière de climat et de sécurité aux questions migratoires et aux relations avec des puissances comme la Chine et les États-Unis qui s’affirment dans le Pacifique Sud.
Mais pour beaucoup de Nouvelle-Calédonie, cela semble loin, car c’est depuis longtemps le théâtre de tensions entre ceux qui aspirent à l’indépendance et ceux qui sont fidèles à la France.
Les récents troubles meurtriers ont fait état de sept morts, de manifestations, d’affrontements, de pillages et d’incendies criminels. Cela a incité Macron à imposer l’état d’urgence le 15 mai et à dépêcher 3 500 soldats français.
Le Premier ministre français Gabriel Attal a déclaré que le gouvernement faisait tout le nécessaire pour que les élections aient lieu dans l’archipel du Pacifique. Bien que la violence ait diminué, les dirigeants indépendantistes ont appelé leurs partisans à maintenir la résistance contre la France.
Certaines parties de la capitale, Nouméa, restent des zones interdites, malgré l’annonce vendredi du ministère français de l’Intérieur selon laquelle les autorités en ont repris le contrôle total. Les services de bus n’ont pas repris, pas plus que les écoles. Un couvre-feu est toujours en vigueur et le principal aéroport international est fermé depuis trois semaines.
Attal a reconnu dans un entretien cette semaine à France Info que la Nouvelle-Calédonie est loin d’un retour à la normale. »
Alan Boufenche, directeur d’une initiative civique à Nouma, a déclaré que l’armée française avait livré lundi des urnes et du matériel de vote. Les troupes de la police et de l’armée escorteront les agents municipaux pour les répartir dans 57 bureaux de vote qui seront regroupés sur six sites dans la capitale au lieu des 37 habituels pour des raisons de sécurité.
S’adressant à France Info, Boufenche a déclaré que plusieurs bureaux municipaux ont été endommagés et que beaucoup de leurs véhicules ont été incendiés lors des violences. Nous nous débrouillons donc avec ce que nous avons.
Les violences ont éclaté en réponse aux tentatives du gouvernement Macron d’amender la Constitution française et de modifier les listes électorales en Nouvelle-Calédonie. Les opposants craignent que cette législation profite aux politiciens pro-français de Nouvelle-Calédonie et marginalise davantage les Kanaks qui militent depuis longtemps pour se libérer de la domination française dans un contexte de fortes disparités économiques et de décennies de discrimination.
Lors de sa visite, Macron a déclaré qu’il n’imposerait pas la réforme électorale contestée. Il a également ordonné la levée de l’état d’urgence pour faciliter le dialogue entre les acteurs locaux et les autorités françaises.
Les partis indépendantistes et les dirigeants kanak ont exhorté Macron à retirer le projet de réforme électorale si la France veut mettre fin à la crise.
La Nouvelle-Calédonie est devenue française en 1853 sous l’empereur Napoléon III, neveu et héritier de Napoléon. C’est devenu un territoire d’outre-mer – l’une des 13 entités françaises de ce type – après la Seconde Guerre mondiale, la citoyenneté française étant accordée à tous les Kanaks en 1957.
Le vaste archipel proche de l’Australie n’est pas membre de l’Union européenne, mais en tant que territoire légalement rattaché à la France, la Nouvelle-Calédonie, qui compte 270 000 habitants, est associée au bloc des 27 membres.
Les résidents ont un passeport français et le droit de voter aux élections présidentielles françaises. Un collège électoral de 578 élus calédoniens vote aux élections législatives françaises, dont pour les territoires deux sièges au Sénat français situés à 10 fuseaux horaires de Paris.
Lors des élections sénatoriales françaises de 2023, qui coïncidaient avec le 170e anniversaire de la revendication française de la Nouvelle-Calédonie, un dirigeant kanak indépendantiste, Robert Xowie, a été élu. Ce n’était que la deuxième fois qu’un leader indépendantiste était représenté au Parlement français.
Seuls deux Néo-Calédoniens ont siégé au Parlement européen. Tous deux appartenaient à la droite loyaliste.