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La France rappelle le célèbre prêtre 70 ans après son appel radiophonique urgent à l’aide pour les sans-abri

Par Caroline de Sury
PARIS (OSV News) Le 1er février 1954, un prêtre catholique a été choqué d’apprendre qu’une femme était morte de froid dans les rues de Paris avec un avis d’expulsion à la main.

Soixante-dix ans plus tard, on se souvient de lui pour son appel sincère qui a ému le pays et a changé pour toujours la façon dont l’Église aidait les sans-abri.

Né Henri Grous en 1912, il a toujours voulu devenir prêtre et a été ordonné franciscain capucin en 1938. Mais lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté, il a rejoint la Résistance française, aidant les Juifs à échapper aux horreurs de l’occupation nazie en Europe. C’est probablement à ce moment-là qu’il a gagné son nouveau nom : Abb Pierre.

Il fonde son ministère Emaus en faveur des pauvres et des sans-abri en 1949, mais c’est l’hiver 1954 qui fait connaître son nom à tous les citoyens français.

Au lendemain de la guerre, la France est confrontée à une immense crise du logement et en 1954, l’hiver est particulièrement froid. Cette année-là, le 1er février, l’abbé Pierre apprend avec choc le décès d’une femme âgée dans une rue de Paris, retrouvée en haillons dans la nuit avec l’avis d’expulsion à la main.

Un mois plus tôt, le frère avait été témoin de la mort d’un bébé dans des circonstances similaires. L’abbé Pierre s’est précipité dans les locaux de la radio luxembourgeoise à Paris et a obtenu quelques minutes d’antenne.

Chacun de nous peut venir en aide aux sans-abri, a-t-il insisté. D’ici ce soir, et demain au plus tard, nous avons besoin de : 5 000 couvertures, 300 grandes tentes américaines, 200 poêles catalytiques, a-t-il précisé, faisant référence aux tentes utilisées par les soldats américains pendant la Seconde Guerre mondiale. Déposez-les vite à l’Hôtel Rochester, 92, rue de la Botie. Grâce à vous, aucun adulte, aucun enfant ne s’allongera ce soir sur le bitume ou les quais de Paris.

Le frère a immédiatement mis en place deux centres d’urgence, mais ils ont immédiatement débordé, a-t-il dit, ajoutant que chaque nuit, il y a plus de 2.000 personnes dans le besoin, blotties sous le gel, sans toit, sans pain, dont plus d’une presque nue. Face à tant d’horreur, les villes d’urgence ne sont même plus assez urgentes !

Ce soir même, dans chaque ville de France, dans chaque quartier de Paris, a-t-il poursuivi, des pancartes doivent être accrochées sous une lumière la nuit, à la porte des lieux où il y a des couvertures, de la paille, de la soupe, et où sous ce titre fraternel centre d’aide, nous lisons ces mots simples : Toi qui souffres, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprends espoir, ici on t’aime.

La réponse à l’appel de l’abbé Pierre fut immense et immédiate : des tonnes de vêtements et de couvertures furent données en quelques heures. Dans les semaines et mois suivants, l’élan généré par son appel a permis de récolter 500 millions de francs, soit environ 86 millions de dollars aujourd’hui. Il comprenait un chèque de 2 millions de francs offert par Charlie Chaplin en octobre 1954.

Je ne vous les donne pas, aurait-il dit à l’abbé Pierre. Je les rends. Ils appartiennent au vagabond que j’étais et que j’incarnais, disait-il en faisant référence à ses premiers rôles au cinéma muet de vagabond à moustache et chapeau rond.

Mgr Pascal Delannoy, président du Conseil de solidarité de la conférence des évêques de France, a publié le 1er février une déclaration sur l’engagement de l’abbé Pierre.

La pauvreté n’est pas une fatalité, elle peut être combattue, a-t-il déclaré en faisant référence aux œuvres du célèbre prêtre décédé en 2007. Mgr Delannoy dirige le diocèse de Saint-Denis, au nord de Paris, où sévit la pauvreté, liée notamment à l’arrivée d’immigrés en situation précaire.

Avec l’argent qu’il récolte, l’abbé Pierre construit des logements d’urgence et fonde une nouvelle association Emmaüs, œuvrant dans le domaine de l’hébergement des nécessiteux. En 1956, ses travaux conduisent à l’adoption d’une loi interdisant l’expulsion des locataires pendant l’hiver. Il est toujours en vigueur aujourd’hui.

Le seul but de cet appel était de solliciter la générosité de chacun afin que personne ne meure de froid faute d’abri, a déclaré Mgr Delannoy dans son communiqué. Mais cela a fait bien plus, a souligné l’évêque. En mettant les plus pauvres parmi les pauvres au cœur des préoccupations de tous, elle a provoqué ce que la presse de l’époque relayait sous le titre de l’insurrection de la bienveillance.

Mgr Delannoy a souligné qu’aujourd’hui, 15% de la population française vit sous le seuil de pauvreté, soit environ 10 millions de personnes. Le 1er février, la Fondation Abb Pierre a publié un rapport 2024 sur les difficultés de logement en France. Le document affirme que 4 millions de personnes souffrent aujourd’hui d’un logement inadéquat, ce qu’il qualifie de bombe sociale.

L’évêque de Saint-Denis a qualifié d’alarmante la situation de tant de familles monoparentales, mais a également souligné que de nombreux Français s’engagent chaque jour au service des plus pauvres parmi les pauvres.

Aujourd’hui, puissions-nous entendre à nouveau les paroles de l’abbé Pierre et répondre à son appel, a conclu Mgr Delannoy. Face à leurs frères mourant de misère, une seule opinion devrait exister entre les hommes : la volonté de rendre impossible que cela continue.

Caroline de Sury écrit pour OSV News depuis Paris.

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