La France poursuivie pour inaction face à la pollution aux nitrates, carburant pour les algues tueuses
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Un groupe breton de droits de l’eau poursuit l’État français pour ne pas avoir fait assez pour réduire la quantité de pollution par les nitrates dans la Manche, qui contribue à la croissance d’algues vertes toxiques et parfois mortelles.
Les algues vertes sur la côte bretonne sont un problème depuis les années 1970, car elles s’échouent sur le rivage et pourrissent, produisant du sulfure d’hydrogène, un gaz hautement toxique qui a rendu les gens et les animaux malades, et parfois morts.
Les « algues tueuses » se nourrissent de nitrates, qui se déversent dans la mer à cause de l’agriculture intensive de la région.
Plusieurs plans locaux et nationaux visant à réduire la quantité de nitrates utilisés et produits par les exploitations agricoles n’ont pas enrayé le problème.
Résultat, le groupe Eau et Rivières, ONG qui œuvre depuis les années 1960 à la protection des cours d’eau bretons, a déposé deux plaintes contre l’État français devant le tribunal administratif de Rennes, pour ne pas avoir agi contre la pollution aux nitrates.
Inspiré par le cas du changement climatique
Nous exigeons que toutes les mesures utiles soient prises et la réparation des dommages écologiques et moraux, indique l’organisation dans un communiqué.
Le groupe estime les dommages à 3,2 millions d’euros, en raison des fermetures de plages et des activités de nettoyage des algues.
Le directeur du groupe, Arnaud Clugery, a déclaré lors d’une conférence de presse qu’il espère que le montant touchera le portefeuille de l’Etat et l’obligera à prêter attention.
La stratégie de poursuivre l’État s’inspire de l’Affaire du siècle, dans laquelle quatre ONG ont poursuivi avec succès l’État français en 2021 pour ne pas avoir fait assez pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et contribuer au changement climatique.
L’Etat français condamné à plusieurs reprises
Depuis des décennies, des milliers de tonnes d’engrais azotés et des déchets d’élevages porcins intensifs polluent huit baies bretonnes, provoquant une prolifération rapide d’algues vertes et obligeant les villes à fermer régulièrement les plages.
Eau et Rivières s’implique depuis longtemps pour aider les autorités locales et étatiques à élaborer des plans de réduction de l’utilisation et du ruissellement des nitrates, mais elle a critiqué ce qu’elle considère comme une position trop indulgente des États envers le secteur agricole.
L’État a été condamné dans un rapport cinglant du Sénat en 2021 et un rapport du vérificateur du gouvernement (Cour des comptes), qui appelait à une évolution fondamentale de l’agro-industrie locale en Bretagne.
En juin 2021, le tribunal administratif de Rennes avait donné raison à Eau et Rivières, qui avait porté plainte contre le sixième plan régional contre les algues vertes.
Ces décisions amènent le groupe à penser que les planètes étaient alignées pour permettre un réel changement.
Mais il dit qu’il a été tenu à l’écart de la plupart des discussions récentes.
Sortir du processus
Alors que le conseil régional s’apprête à recevoir vendredi un troisième plan (PLAV 3) précisant la politique de l’État en matière de lutte contre les algues vertes, les directeurs d’Eau et Rivières ont annoncé qu’ils quittaient le comité de pilotage des plans.
Pour être cohérent avec son action en justice, Eau et Rivières annonce son refus de poursuivre sa participation, annonce le groupe.
Le nouveau plan fait suite au précédent qui n’a pas produit d’effets significatifs, a déclaré Estelle Le Guern, chargée de mission à Eau et Rivières, lors de la conférence de presse, ajoutant que les propositions du groupe avaient été écartées.
Au lieu d’essayer de contenir le ruissellement, comme l’État l’a fait jusqu’à présent, le groupe souhaite voir une refonte de l’agriculture dans la région, en utilisant les subventions de la politique agricole commune de l’Union européenne pour aider à s’éloigner de l’utilisation massive d’engrais azotés, vers une agriculture plus durable.
Le problème des nitrates dans l’eau, en Bretagne comme en France, ne peut être résolu sans une réelle évolution des modèles agricoles et agroalimentaires, précise le groupe. En Bretagne, il faut produire moins, mais mieux.