La France impose l’état d’urgence et interdit TikTok en Nouvelle-Calédonie frappée par les émeutes

La France a déployé des troupes dans les ports et l’aéroport international de Nouvelle-Calédonie, a interdit TikTok et imposé l’état d’urgence jeudi après trois nuits d’affrontements qui ont fait quatre morts et des centaines de blessés.

Les mesures d’urgence donnent aux autorités davantage de pouvoirs pour faire face aux troubles qui sévissent en Nouvelle-Calédonie depuis lundi, lorsque les manifestations contre les changements de vote poussés par Paris sont devenues violentes.

Les pouvoirs supplémentaires prévus par l’état d’urgence incluent la possibilité de détention à domicile pour les personnes considérées comme une menace à l’ordre public et la possibilité de procéder à des perquisitions, de saisir des armes et de restreindre les mouvements, avec une peine de prison possible pour les contrevenants.

La dernière fois que la France a imposé de telles mesures à l’un de ses territoires d’outre-mer, c’était en 1985, également en Nouvelle-Calédonie, a indiqué le ministère de l’Intérieur.

« Aucune violence ne sera tolérée », a déclaré le Premier ministre Gabriel Attal, ajoutant que l’état d’urgence « permettra de déployer des moyens massifs pour rétablir l’ordre ».

Attal a déclaré lors d’une réunion ministérielle de crise que des troupes avaient été déployées pour sécuriser les ports et l’aéroport international et que le représentant du gouvernement en Nouvelle-Calédonie avait « interdit TikTok ».

L’aéroport est déjà fermé aux vols internationaux.

L’état d’urgence a été annoncé quelques heures après qu’un gendarme français grièvement blessé lors d’émeutes en Nouvelle-Calédonie soit décédé des suites de ses blessures, a indiqué le ministre de l’Intérieur Grald Darmanin, portant le bilan à quatre morts.

La mort du gendarme français fait suite à deux nuits d’émeutes alors que des manifestants manifestaient contre une réforme constitutionnelle débattue à l’Assemblée nationale à Paris et visant à élargir l’électorat aux élections provinciales du territoire.

Véhicules incendiés, magasins pillés

Les troubles ont éclaté après que les législateurs français ont approuvé un projet de loi étendant le droit de vote aux élections provinciales aux résidents arrivant de France métropolitaine, un changement qui, selon les critiques, pourrait marginaliser les peuples autochtones et profiter aux politiciens pro-France.

Après des débats longs et parfois tendus, l’Assemblée nationale à Paris a adopté la réforme peu après minuit, par 351 voix contre 153.

Macron a annulé mercredi matin une visite prévue en Normandie pour présider des discussions sur la sécurité nationale au niveau du cabinet sur la crise, a indiqué son bureau.

Les manifestations sont devenues violentes lundi soir, avec des coups de feu contre les forces de sécurité, des véhicules incendiés et des magasins pillés, ce qui constitue les pires troubles que l’outre-mer français ait connu depuis les années 1980.

En réponse, les autorités ont déployé un important contingent de sécurité, imposé un couvre-feu, interdit les rassemblements publics et fermé l’aéroport principal.

Les autorités françaises sur le territoire ont indiqué que plus de 130 personnes ont été arrêtées et plus de 300 blessées depuis lundi dans les violences.



France 24

« Plus de 130 arrestations ont été effectuées et plusieurs dizaines d’émeutiers ont été placés en garde à vue et seront traduits devant la justice », a indiqué le Haut-commissariat français de la République en Nouvelle-Calédonie dans un communiqué mercredi matin.

Qualifiant les « graves troubles publics » de persistants, le Haut-commissariat a dénoncé les pillages et les incendies généralisés d’entreprises et de biens publics, notamment d’écoles.

Il a ajouté que les cours resteraient supprimés jusqu’à nouvel ordre et que l’aéroport principal serait fermé aux vols commerciaux.

Différend sur le droit de vote

Macron cherche à réaffirmer l’importance de son pays dans la région du Pacifique, où la Chine et les États-Unis se disputent l’influence, mais où la France dispose d’une empreinte stratégique à travers ses territoires d’outre-mer, parmi lesquels la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.

Située entre l’Australie et les Fidji, la Nouvelle-Calédonie est l’un des nombreux territoires français s’étendant des Caraïbes et de l’océan Indien au Pacifique qui font toujours partie de la France à l’ère postcoloniale.

Dans l’Accord de Nouméa de 1998, la France s’est engagée à donner progressivement plus de pouvoir politique à ce territoire insulaire du Pacifique qui compte près de 300 000 habitants.

Aux termes de cet accord, la Nouvelle-Calédonie a organisé trois référendums sur ses liens avec la France, tous rejetant l’indépendance. Mais l’indépendance conserve des soutiens, notamment parmi le peuple autochtone Kanak.

L’accord de Nouméa a également pour conséquence que les listes électorales de Nouvelle-Calédonie n’ont pas été mises à jour depuis 1998, ce qui signifie que les habitants de l’île arrivés de France métropolitaine ou d’ailleurs au cours des 25 dernières années n’ont pas le droit de participer aux élections provinciales.

Le gouvernement français a qualifié d' »absurde » l’exclusion d’une personne sur cinq du droit de vote, tandis que les séparatistes craignent que l’élargissement des listes électorales ne profite aux politiciens pro-français et ne réduise le poids des Kanaks.

« Détermination de nos jeunes »

Les protestations latentes contre les changements prévus dans l’éligibilité des électeurs ont pris une tournure violente lundi soir, avec des groupes de jeunes manifestants masqués ou cagoulés occupant plusieurs ronds-points et affrontant la police, qui a répondu par des salves non meurtrières.

Un groupe d’entreprises a déclaré qu’une trentaine de magasins, usines et autres sites dans et autour de la capitale Nouméa avaient été incendiés, tandis qu’un journaliste de l’AFP a vu des voitures incendiées et des restes fumants de pneus et de palettes en bois jonchant les rues.

Les pompiers ont déclaré avoir reçu environ 1 500 appels dans la nuit et avoir répondu à 200 incendies.

Même après la mise en place du couvre-feu mardi, des actes de vandalisme ont eu lieu dans la nuit, le magasin d’une grande marque de sport ayant été saccagé.

Une rébellion carcérale impliquant une cinquantaine de détenus dans le centre de Camop-Est s’est calmée après que les forces de sécurité ont repris le contrôle, ont indiqué des responsables locaux.

Le chef du parti indépendantiste Daniel Goa a demandé aux jeunes de « rentrer chez eux » et a condamné les pillages.

Mais il ajoute : « Les troubles des dernières 24 heures révèlent la détermination de nos jeunes à ne plus se laisser prendre en main par la France ».

La principale figure du camp non indépendantiste, l’ancienne ministre Sonia Backes, a dénoncé ce qu’elle a qualifié de racisme anti-Blancs des manifestants qui ont incendié la maison de son père, un septuagénaire exfiltré par les forces de sécurité.

« S’il n’a pas été attaqué parce qu’il était mon père, il a au moins été attaqué parce qu’il était Blanc », a-t-elle déclaré sur BFMTV.

(FRANCE 24 avec AFP et Reuters)

www.actusduweb.com
Suivez Actusduweb sur Google News


Ce site utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que cela vous convient, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite