La France fait un pas de plus vers l’indemnisation des victimes des anciennes lois anti-homosexuelles
Les militants LGBTQ+ français ont salué la décision de l’Assemblée nationale d’approuver un projet de loi indemnisant les personnes reconnues coupables du « délit d’homosexualité » entre 1942 et 1982. Jusqu’à 400 victimes pourraient prétendre à des réparations en vertu du projet de loi, qui doit maintenant être examiné par le Sénat.
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Le Sénat français avait déjà accepté de reconnaître le préjudice infligé aux personnes reconnues coupables d’homosexualité alors qu’il s’agissait d’un crime – mais il a jusqu’à présent résisté à l’idée de réparations.
Le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a présenté ses excuses au nom de l’État lors de la session parlementaire de la semaine dernière, lorsque le projet de loi a été approuvé par la chambre basse.
« Désolé. Désolé pour le peuple, les homosexuels de France, qui ont subi pendant 40 ans cette répression totalement injuste », a-t-il déclaré.
Michel Chomarat, 75 ans, condamné en vertu de l’ancienne législation, s’est dit « très ému » par cette nouvelle.
En 1977, Chomarat faisait partie d’un groupe d’hommes arrêtés lors d’une descente de police dans un bar gay à Paris appelé « Le Manhattan ».
« Je me bats depuis près de 50 ans parce que je n’ai jamais accepté d’être arrêté et condamné », a-t-il déclaré à l’AFP.
Décriminalisation
Bien que la France ait été le premier pays au monde à décriminaliser l’homosexualité en 1791 pendant la Révolution française, la politique de discrimination a été réintroduite sous le régime de Vichy, allié aux nazis.
Sous couvert de protéger la jeunesse, le gouvernement de Vichy a introduit en 1942 une distinction entre l’âge de consentement pour les relations hétérosexuelles et homosexuelles.
Cet âge a été fixé à 13 ans pour les couples hétérosexuels (mais porté à 15 ans quelques années plus tard), tandis qu’il a été fixé à 21 ans pour les homosexuels.
Les couples de même sexe risquaient la prison jusqu’en 1982, avec des condamnations notamment pour indécence morale et conduite d’un mineur à la débauche.
Terrence Katchadourian, de l’ONG Stop Homophobie, a déclaré que le vote unanime de mercredi au Parlement était une « belle surprise ».
« Le fait que la France demande pardon (…) envoie un beau message au monde entier », a-t-il déclaré.
Signal fort
Joël Deumier, également de SOS Homophobie, a estimé que si l’Assemblée nationale avait envoyé un « signal extrêmement fort », il ne pouvait y avoir de reconnaissance sans réparations.
On estime qu’entre 1942 et 1982, quelque 50 000 personnes ont été condamnées pour délits homosexuels.
Parmi eux, 10 000 ont été visés en vertu de l’article 331 du Code pénal. Il s’agissait presque exclusivement d’hommes issus de la classe ouvrière. Un tiers d’entre eux étaient mariés, veufs ou divorcés, tandis qu’un quart avaient des enfants.
Quatre-vingt-treize pour cent des condamnations étaient passibles d’une peine de prison.
Selon les recherches des sociologues Régis Schlagdenhauffen et Jrmie Gauthier, 50 000 autres personnes ont été condamnées en vertu d’une loi distincte sur l’indécence publique qui a été incorporée dans le Code pénal en 1960.
Des vies bouleversées
Beaucoup de ceux dont la vie a été bouleversée par les condamnations sont désormais morts ou très âgés, ce qui signifie que peu d’entre eux sont susceptibles de demander réparation.
Mais pour Schlagdenhauffen, l’heure est à la reconnaissance juridique en France.
« Les pays voisins comme les Pays-Bas et l’Allemagne, ainsi que les pays d’outre-Atlantique, suivent ce type de voie depuis longtemps », a-t-il déclaré.
Le député socialiste Hervé Saulignac estime que 200 à 400 personnes pourraient prétendre à une compensation financière.
Mais Dupond-Moretti a déclaré qu’il serait probablement difficile pour beaucoup de prouver qu’ils ont été emprisonnés ou contraints de payer des amendes.
(avec AFP)