La France et l’Allemagne enfreignent les règles de l’UE en matière de conservation des données
Mardi, la Cour européenne de justice (CJE) a rendu des arrêts qui limitent la conservation aveugle des données en France et en Allemagne.
L’affaire française implique deux suspects, VD et SR, accusés de délit d’initié, de corruption et de blanchiment d’argent, qui ont contesté la base légale invoquée par l’Autorité des marchés financiers pour obtenir des données personnelles à partir d’appels téléphoniques qui avaient été stockées pendant un an au cas où les informations pourraient être utiles aux enquêteurs criminels.
La CJUE, basée à Luxembourg, a conclu [PDF] que la directive européenne sur les abus de marché et le règlement sur les abus de marché ne peuvent ignorer la directive européenne sur la vie privée et les communications électroniques.
Ces règles, a déclaré la CJCE, « n’autorisent pas la conservation générale et indiscriminée par les opérateurs fournissant des services de communications électroniques des données de trafic pendant un an à compter de la date à laquelle elles ont été enregistrées aux fins de lutter contre les délits d’abus de marché, y compris les délits d’initiés ».
Par ailleurs, les entreprises de télécommunications allemandes SpaceNet et Telekom Deutschland ont contesté l’obligation légale allemande selon laquelle les entreprises conservent les données de trafic et de localisation pour toutes les communications des clients.
La CJCE a déterminé [PDF] que le droit de l’UE interdit la législation nationale qui exige la conservation aveugle des données de trafic et de localisation des télécommunications pour lutter contre la criminalité et protéger la sécurité publique.
« Le droit de l’UE s’oppose à une législation nationale qui prévoit, à titre préventif, aux fins de la lutte contre la criminalité grave et de la prévention des menaces graves pour la sécurité publique, la conservation générale et indiscriminée des données de trafic et de localisation. »
L’exigence de la loi allemande selon laquelle les entreprises de télécommunications conservent les données de trafic pendant 10 semaines et les données de localisation pendant quatre semaines pourrait permettre « de tirer des conclusions très précises concernant la vie privée des personnes dont les données sont conservées », explique la décision.
L’arrêt de la CJCE stipule que la conservation obligatoire des données pour la défense de la sécurité nationale est autorisée lorsqu’il existe « une menace grave pour la sécurité nationale dont il est démontré qu’elle est réelle et présente ou prévisible ». Tout accommodement de ce type, selon le tribunal, doit être soumis à un contrôle judiciaire et doit être d’une durée limitée liée à une menace spécifique.
Le ministre allemand de la Justice, Marco Buschmann, a exprimé son soutien à la décision de la CJE par Twitterl’appelant « une bonne journée pour les droits civiques ».
Matthias Pfau, co-fondateur du service de messagerie axé sur la confidentialité Tutanota, a également applaudi la décision de la CJCE concernant l’exigence allemande de conservation des données.
« Les gouvernements allemands ont déjà tenté de faire passer des lois sur la conservation des données à deux reprises », a déclaré Pfau dans un article de blog. « Chaque fois, la loi a été combattue avec succès devant les tribunaux et déclarée inconstitutionnelle. Dans une démocratie libre, la conservation des données ne peut jamais être une méthode proportionnée pour poursuivre les criminels car elle met toute la population sous suspicion générale. »
Pfau soutient que si les citoyens respectueux des lois ont tendance à être indifférents à la conservation des données parce qu’ils pensent qu’ils n’ont rien à cacher, un tel sentiment ignore la possibilité que des régimes oppressifs arrivent au pouvoir et utilisent des magasins de données pour cibler des ennemis politiques.
Mettre tout le monde sous surveillance générale et violer leur droit fondamental à la vie privée, soutient-il, n’est tout simplement pas proportionnel à la nécessité de lutter contre la criminalité. Et cela, note-t-il, est la position prise par la CJUE.