La France est en feu

Je suis un adulte adulte, mais ma mère semble toujours nerveuse chaque fois que je quitte la maison, m’a dit Djigui, l’un des milliers de manifestants qui sont descendus dans la rue le 29 juin à Nanterre, une banlieue populaire de Paris. J’entends le craquement dans sa voix lorsqu’elle vérifie que j’ai bien ma carte d’identité ou qu’elle me dit simplement : Attention.

A Nanterre, mardi dernier, cette inquiétude s’est avérée être une question de vie ou de mort. Nahel M, un homme de 17 ans d’origine marocaine et algérienne, a été abattu par un policier lors d’un contrôle routier, déclenchant une révolte dans tout le pays contre la violence policière et le racisme. Au cours des dernières nuits, des manifestations ont éclaté de façon spectaculaire. De Toulouse et Lille à Marseille et Paris, des groupes de manifestants ont saccagé des postes de police et pillé ou vandalisé des dizaines d’entreprises, lançant des cocktails Molotov et déclenchant des barrages de feux d’artifice sur les bâtiments publics et la police anti-émeute. Près de 1 000 personnes ont été arrêtées.

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La colère ne montre aucun signe d’apaisement. Le meurtre de Nahel M, qui pour beaucoup ressemblait davantage à une exécution sommaire, a révélé la forme la plus extrême de la violence policière qui a longtemps visé les communautés de couleur en France. Il a également servi de catalyseur au mécontentement qui couvait dans tout le pays. Pour le président Emmanuel Macron, il
porte un nouveau coup à son autorité, puisqu’il est à nouveau contraint d’affronter une France en feu.

Pourtant, le meurtre de Nahel M aurait pu n’être qu’un fait divers secondaire. Les premiers comptes rendus de presse décrivaient les policiers comme agissant en état de légitime défense, tirant sur un conducteur erratique prêt à traverser des policiers pour échapper à la garde à vue. Cette version des événements aurait placé les officiers sous la protection d’une loi de 2017, adoptée par le prédécesseur de Macron, François Hollande, qui a assoupli les restrictions policières sur l’utilisation des armes à feu dans les cas où un conducteur refuse de s’arrêter sur ordre d’un officier. (Cette loi a été citée comme l’une des causes d’une augmentation des fusillades mortelles par la police ces dernières années, qui ont atteint un sommet de 52 décès en 2021 contre 27 en 2017.)

Mais des images de téléphone portable prises par un spectateur ont rapidement changé le récit. La vidéo, qui a fait surface peu après le meurtre, montre deux officiers debout à côté du véhicule, l’un pointant son pistolet vers la fenêtre du conducteur à bout portant. Bien que l’on ne sache pas qui les a prononcés, les mots Je vais te mettre une balle dans la tête peuvent être prononcés avant que la voiture ne commence à accélérer et que le coup fatal ne soit tiré. Nahel M est décédée une heure plus tard.

Le premier réflexe du gouvernement a été de faire preuve d’une sensibilité prudente, dans l’espoir d’éviter le type de flambées de rue que l’on appelle souvent une contagion des banlieues – les zones urbaines multiraciales économiquement déprimées qui subissent le poids de la police française. Rien ne justifie la mort d’un jeune, a déclaré Macron mercredi, qualifiant les agissements de la police d’inexcusables et d’inexplicables. Pour la Première ministre Elizabeth Borne, la conduite des officiers n’était manifestement pas conforme aux règles d’engagement.

C’est probablement aussi loin que le président ira. Après tout, le gouvernement saisit rarement les occasions de s’attaquer sérieusement au problème de la violence policière. Macron a eu tendance à attribuer les morts aux mains de la police aux erreurs regrettables de fonctionnaires individuels. En décembre 2020, lorsque Macron a fait la concession relativement brutale qu’une personne dont la couleur de peau n’est pas blanche est beaucoup plus susceptible d’être soumise à des fouilles, il a été réprimandé par les puissants syndicats de police français, dont les membres ont refusé d’effectuer des contrôles routiers et des contrôles d’identité. .

Une partie du problème est la relation de Macron avec la police. Depuis son arrivée au pouvoir en 2017, le président s’est appuyé sur les forces de police, consolidant leur rôle central dans la vie politique française. La vague de protestations rejetant les diverses réformes sociales de Macron, la plus récente du système de retraite, a été contrée par un recours massif à la police. Au pire de la pandémie, les policiers ont été les exécuteurs de première ligne des verrouillages et des couvre-feux stricts de Macron. Maintenant que les forces de police sont au centre d’une polémique nationale, il n’est pas surprenant que les mains de Macron soient liées.

Ensuite, il y a la pression politique de la droite. Trompant une présomption de légitime défense, de nombreuses personnalités de droite appellent le gouvernement à réprimer sans vergogne les manifestants. Le sondage du jour de jeudi sur le site du quotidien conservateur Le Figaro demandé, est-il temps de décréter l’état d’urgence ?

Derrière cette question se cache le souvenir de 2005, lorsque des semaines d’émeutes après la mort de deux jeunes hommes de couleur lors d’une poursuite policière ont conduit à l’utilisation de la loi française sur les pouvoirs d’urgence.

Ils pourraient bien réaliser leur souhait. Les efforts de Macron pour parvenir à un apaisement social étant clairement en ruine, les partisans de la ligne dure de sa coalition, tels que le ministre de l’Intérieur, Grad Darmanin, sont susceptibles d’être renforcés. Lors d’une réunion de crise du cabinet jeudi, Macron l’a suggéré lorsqu’il a fustigé les émeutiers pour leur violence injustifiable contre les institutions de la république.

Il a à moitié raison. Ces protestations sont contre les institutions de la république, et une en particulier. Pour de nombreux Français, en particulier les jeunes hommes de couleur marginalisés, le meurtre de Nahel Mme est la dernière manifestation de la violence intrinsèque de la police et au-delà, la preuve d’une société qui en veut peu et préférerait qu’ils disparaissent. Mais eux et leur colère ne vont nulle part. Nous étions épuisés et éreintés par des histoires comme celle-ci, m’a dit Djigui, le manifestant. Pendant des années, la France a été comme une cocotte-minute.

Cette semaine, ça a explosé.

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