La France doit réhabiliter sa politique africaine

Un nombre croissant de pays africains rompent leurs liens de sécurité de longue date avec la France, déçus par le traitement par Paris de questions importantes pour le continent.

Sommet Afrique-France 2021
Les relations franco-africaines se sont progressivement détériorées, les capitales africaines se méfiant de plus en plus de Paris. Lors du sommet Afrique-France de 2021, au lieu de convoquer les chefs d’État, le président français Emmanuel Macron a rencontré des étudiants et des entrepreneurs.

En un mot

  • L’influence de la France en Afrique s’estompe
  • Paris a commis des erreurs diplomatiques cruciales
  • Une nouvelle politique africaine profiterait aux deux parties

En 2022, l’Afrique a tourné le dos à la France. Les pays africains ont rompu leurs liens de longue date avec Paris, se tournant plutôt vers le Commonwealth dirigé par les Britanniques. Les populations locales ont organisé des manifestations exigeant le départ des troupes françaises et réclamant à la place des commandos russes Wagner.

Parallèlement, d’autres puissances mondiales tentent d’accroître leur influence sur le continent africain. La Turquie se mobilise pour réaliser des travaux d’infrastructures à des prix très compétitifs. Des entreprises turques ont construit le nouvel aéroport de Dakar. La Chine investit dans la plupart des pays africains via des institutions financières créées à cet effet, notamment l’Exim Bank et la China Development Bank. Le Brésil, l’Inde et le Pakistan tentent également de développer des liens économiques plus étroits avec les pays africains.

Erreurs cruciales

La France a perdu les relations privilégiées qu’elle avait il y a 30 ans. C’est le résultat du mouvement et de la libéralisation des échanges, mais aussi le résultat de maladresses et d’erreurs graves de la part des autorités françaises par exemple, le discours désastreux de l’ex-président Nicolas Sarkozy en 2007 dans lequel il déclarait que l’Africain n’était pas complètement entré dans l’histoire. .

Plus récemment, le président Emmanuel Macron en a été réduit à discuter de l’avenir de l’Afrique avec des associations et des étudiants à Montpellier au lieu de le faire avec des chefs d’État africains. Pendant longtemps, les sommets Afrique-France ont été la plate-forme traditionnelle où tous les présidents d’Afrique francophone rencontraient le président français, où les relations se nouaient entre les participants, où les questions brûlantes pouvaient être discutées et des solutions trouvées. Finies ces rencontres privilégiées.

Même les pays où la France est encore considérée comme un allié commencent à avoir des doutes.

Une grave erreur a été commise lors du printemps arabe de 2011 avec l’intervention en Libye, organisée par l’ancien président Sarkozy contre l’avis des dirigeants africains, qui a conduit au renversement et à la mort du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Le bouleversement a provoqué une anarchie totale en Libye. Des soldats touareg armés qui avaient été mobilisés par Kadhafi sont retournés dans la région du Sahel et ont rejoint des mouvements djihadistes ou rebelles.

C’était aussi une erreur d’avoir permis à une ancienne ministre des affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwabo, d’être nommée secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Le Rwanda a renoncé au français comme première langue, a rejoint le Commonwealth et mène une campagne de propagande acharnée contre l’armée française depuis plus de 20 ans.

Faits et chiffres

Anciennes colonies françaises d’Afrique par date d’indépendance

Malheureusement, cette succession d’erreurs a peu à peu créé un climat de méfiance voire de violentes ruptures entre la France et les pays africains francophones. La République centrafricaine (RCA) et le Mali ont demandé le départ de l’ambassadeur de France et des troupes françaises qui avaient été appelées à l’aide et qui se sont battues et sont mortes pour contenir la menace jihadiste. Bangui et Bamako se tournent vers la Russie, accueillant les commandos Wagner sur leur territoire. Ils assurent désormais la sécurité des autorités gouvernementales, de certaines localités ou provinces et se rémunèrent par l’exploitation de mines, notamment d’or au Mali et de diamants et d’uranium en RCA.

Des enjeux élevés

Même les pays où la France est encore considérée comme un allié commencent à avoir des doutes. Le Togo et le Gabon ont rejoint le Commonwealth en juillet dernier. Le Niger et le Tchad paient au prix fort l’implosion de la Libye. Les milices libyennes et les gangs armés affluent sur leur territoire et déstabilisent la politique locale.

Pire, il y a quelques années, des alliés comme le Royaume-Uni et les États-Unis sont intervenus dans la francophonie, souvent après concertation avec Paris. Depuis la guerre au Rwanda et les violents troubles du Kivu, riche province de la République démocratique du Congo (RDC), le fossé s’est creusé entre la France et les pays anglo-saxons. Washington et Londres laissent encore entendre que la France était complice du monstrueux génocide au Rwanda.

Aujourd’hui, des voix s’élèvent en France pour tenter de faire la lumière sur cette région du monde où se livre une guerre pour l’exploitation de matières premières cruciales, comme le coltan et le cobalt. Des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants, y sont trafiqués en toute impunité et au plus grand profit des sociétés financières et minières anglo-américaines, canadiennes et sud-africaines.

Il est urgent que la France redéfinisse sa politique africaine.

Les enjeux économiques sont élevés ; ces métaux sont nécessaires pour produire des semi-conducteurs, des téléphones portables et des réseaux de communication ainsi que des systèmes militaires et des missiles. La question est si vitale que les États-Unis, longtemps liés aux gouvernements rwandais et ougandais, s’y sont directement impliqués au point de conclure, lors de la première guerre du Kivu, les accords secrets de Lemera avec les rebelles congolais. Celle-ci, révélée par la suite par le président Laurent Kabila lui-même, a facilité la création d’une société américano-rwandaise destinée à réglementer, voire contrôler, le commerce des métaux rares.

Une approche différente

Il est urgent que la France redéfinisse sa politique africaine. L’amitié et les liens que Paris a tissés au fil du temps avec l’Afrique, avec ses leaders politiques, économiques et d’opinion, justifient de tout mettre en œuvre pour construire de nouvelles coopérations dans tous les secteurs : culture et éducation ; santé et produits pharmaceutiques; énergie et exploitation minière; agriculture et industrie alimentaire; transports et infrastructures.

Cette nouvelle politique ne doit pas se laisser guider et étouffer par l’approche technocratique bruxelloise. La France doit réinvestir dans l’OIF et l’aider à coordonner toutes les interventions culturelles et éducatives dans le monde francophone. Cela nécessite une approche politique après avoir déterminé les objectifs à poursuivre : universités, éducation, politique du livre, soutien au cinéma, réseaux sociaux. En aucun cas l’OIF ne doit être réduite à un organe bureaucratique ou pire, à un cheval de Troie. Les gouvernements devraient s’engager à traiter les questions relatives à l’OIF au niveau ministériel. Et le conseil des organisations devrait être composé de présidents ou de chefs de gouvernement au lieu d’administrateurs uniquement.

La France doit avoir le courage d’aborder la question de l’immigration avec tous les pays francophones d’Afrique. Elle doit avoir des relations privilégiées avec ces pays qui se traduiront par une politique des visas accueillant des migrants d’Afrique à des fins spécifiques comme la formation et l’emploi.

La politique de la France en Afrique doit redevenir ancrée dans le rayonnement culturel, la loyauté et avant tout l’histoire commune.

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