La France accorde une reconnaissance tardive aux héros étrangers de la Résistance de la Seconde Guerre mondiale
Les descendants d’étrangers morts en combattant l’occupation nazie de la France se sont félicités de ce qu’ils considèrent comme une reconnaissance attendue depuis longtemps de leur rôle pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les restes du poète et combattant arménien apatride Missak Manouchian et de son épouse Mélinee ont été transférés au Panthéon, mausolée des héros nationaux, lors d’une cérémonie d’État mercredi.
C’est la première fois qu’un communiste étranger membre de la Résistance française est ainsi honoré, alors qu’un grand nombre d’entre eux ont participé à la bataille clandestine contre les Allemands.
Une plaque qui sera dévoilée à l’intérieur de la crypte rendra hommage à 23 autres membres communistes étrangers de la Résistance – dont des combattants polonais, hongrois, italiens, espagnols et roumains – qui ont été arrêtés et condamnés à mort.
« L’erreur a été corrigée et désormais toute la Résistance est pleinement représentée au Panthéon », a déclaré Georges Duffau-Epstein, 82 ans, dont le père juif immigré Joseph Epstein sera honoré d’une mention.
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« C’est une telle joie. C’est comme si la dépouille de mon père était transportée au Panthéon. »
De nombreux étrangers ont joué un rôle clé dans la Résistance pendant la guerre de 1939-1945.
Il s’agissait pour la plupart « d’Allemands et d’Autrichiens anti-nazis, de républicains espagnols ayant fui le franquisme, d’Italiens antifascistes, de Polonais ayant fui l’antisémitisme, d’Arméniens et de juifs d’Europe de l’Est et d’Allemagne », selon le ministère français de la Défense.
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Quelque 2,2 millions d’étrangers vivaient alors en France, précise-t-on.
Beaucoup étaient venus travailler après la Première Guerre mondiale, puis fuyaient les persécutions anticommunistes ou antisémites dans le reste de l’Europe, a expliqué à l’AFP l’historien Denis Peschanski.
On ne sait pas exactement combien ont rejoint la Résistance, a-t-il déclaré.
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Mais sur les 1 000 résistants exécutés par les nazis au fort du Mont-Valérien, près de Paris, pendant l’occupation, 185 étaient étrangers, a-t-il précisé.
Il s’agit d’une proportion beaucoup plus élevée que celle des étrangers parmi la population d’avant-guerre du pays, qui comptait environ 40 millions d’habitants.
La résistance étrangère a pris plusieurs formes, a expliqué Peschanski.
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Des milliers d’Espagnols se sont organisés indépendamment dans le sud-ouest du pays, tandis que les Italiens se sont regroupés dans le sud-est.
D’autres, dans les zones urbaines, comme Manouchian, ont rejoint la branche étrangère de la Résistance armée communiste, appelée Irréguliers et Partisans – Travailleurs Immigrés (FTP-MOI), a-t-il déclaré.
Le FTP-MOI comprenait deux types de membres, selon l’historien.
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Il y avait des « enfants » âgés de 17 à 22 ans qui avaient été élevés dans des familles d’immigrés politisés, et des membres d’une génération un peu plus âgée, âgés de 32 à 35 ans, qui avaient connu la répression en Europe de l’Est, en Italie ou en Allemagne, ou qui avaient combattu du côté républicain pendant la Seconde Guerre mondiale. 1936-39 Guerre civile espagnole.
Manouchian est arrivé en France alors qu’il était jeune homme au milieu des années 1920, après avoir fui les massacres d’Arméniens de la Première Guerre mondiale dans l’Empire ottoman alors qu’il était enfant pour rejoindre le Liban sous mandat français.
Après l’occupation de Paris par les nazis en 1940, il distribue des tracts contre l’occupation allemande.
Il rejoint la résistance armée du Parti communiste français en 1943, dirigeant bientôt des dizaines de travailleurs immigrés combattant les occupants allemands en région parisienne.
D’autres Arméniens les rejoignirent également.
Sous sa direction, ils ont mené des actions de sabotage, des déraillements de trains, attaqué des soldats allemands et assassiné un colonel SS allemand.
Manouchian fut arrêté en novembre 1943 et torturé, avant d’être condamné à mort avec 22 de ses camarades combattants.
Il est fusillé à l’âge de 37 ans avec 21 autres personnes en février 1944 au Mont-Valérien. Une femme juive de Bessarabie, aujourd’hui Moldavie, appartenant au même groupe, appelée Golda Bancic, a été décapitée par guillotine en Allemagne.
En avril de la même année, Epstein fut également abattu.
Leurs 23 noms figureront sur la plaque à l’intérieur du Panthéon.
Parmi eux se trouve l’immigré espagnol Celestino Alfonso.
Il combat du côté républicain pendant la guerre civile espagnole, puis rejoint la Résistance française.
Sous Manouchian, il faisait partie d’une équipe de trois personnes chargées d’assassiner le colonel SS. Ils apprirent plus tard que le responsable nazi était responsable de l’enrôlement forcé des travailleurs français.
Sa petite-fille Juana Alfonso, 57 ans, s’est dite ravie qu’il soit « enfin reconnu ».
Mais « je suis triste que mon père n’ait jamais pu voir ça », a-t-elle déclaré.
Il ne s’était jamais remis de l’exécution de son père, a-t-elle expliqué, et était mort le cœur brisé à l’âge de 33 ans.
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