La France a un État interventionniste mais il intervient pour servir le capital
Anne-Laure Delatte
J’ai voulu m’intéresser à ce qu’on appelle les aides publiques aux entreprises, notamment, mais aussi aux ménages. Pour ce faire, il faut regarder la pointe de l’iceberg, ce qu’on appelle les subventions, ce qui est facile. Mais il faut aussi regarder la partie inférieure de l’iceberg, avec des données qui n’avaient pas encore été collectées. C’est ce que nous appelons des allègements fiscaux et des crédits d’impôt.
Pourquoi cela n’a-t-il pas été quantifié auparavant ? Ces informations peuvent être trouvées dans les rapports budgétaires parlementaires annuels qui expliquent ce qu’il faut faire avec l’argent public, mais elles n’apparaissent pas dans les registres de comptabilité nationale. En effet, par définition, les allègements fiscaux font référence aux revenus qui sont pas En arrivant, ce ne sont pas des dépenses difficiles. Contrairement aux crédits d’impôt, qui sont considérés comme des dépenses (en termes comptables). Nous avons effectué nos recherches sous cette définition plus large des dépenses de l’État.
À cet égard, nous avons collecté une quantité immense de données que personne n’avait fait depuis 1979. Et ce que nous avons constaté, c’est que l’aide publique aux ménages est restée stable tout au long de cette période, représentant environ 5 pour cent du PIB (produit intérieur brut). Une grande partie de cette somme profite aux plus aisés. Par exemple, l’une des dépenses les plus importantes est le crédit d’impôt pour le travail domestique qui peut s’appliquer aux (ménages qui emploient) des nounous ou des femmes de ménage. En d’autres termes, ce ne sont pas les pauvres qui en profitent.
Quand il s’agit d’entreprises, c’est assez impressionnant. On constate une augmentation de l’aide publique aux entreprises de 3 à 8 % du PIB en l’espace de quarante ans. Ici, nous avons pris en compte toutes les différentes exonérations fiscales et sociales, car la France est bien le champion de l’exonération (des salariés) de cotisations sociales. Pour faire simple, nous finançons nos protections sociales par des cotisations obligatoires c’est le contrat social français. Nous cotisons aux fonds qui financent les protections sociales. Le problème est que cela tend à augmenter le coût de la main d’œuvre. Ainsi, depuis 1995, nous accordons des exonérations afin de réduire les cotisations. Nous avons tenté de réduire le coût du travail pour le rendre plus compétitif, mais en même temps, cela nous a laissé moins de ressources pour financer nos protections sociales.
Je pense que l’histoire du livre est que l’État s’est transformé pour se mettre au service du marché. Historiquement, l’État français a été interventionniste, a adopté la planification et a mis en place d’importantes protections sociales. Nous avons désormais complètement adopté le modèle néolibéral à travers l’Union européenne, en grande partie, et nous nous sommes dit : si nous aidons les entreprises, les entreprises nous aideront. Cela a réduit les ressources entrant dans les caisses de l’État.