Jean Luc Mlenchon et la France Insoumise

Environ 5000 personnes ont assisté à l’école d’été de la gauche radicale de la France Insoumise (FI), qui s’est tenue fin août à Valence dans le sud de la France. Trois jours de discussion et d’éducation se sont terminés par un appel enthousiaste à une action immédiate contre le président Emmanuel Macron et à des impôts bien plus élevés sur les profits excessifs.

Au programme de l’école d’été, des débats et des conférences sur toutes les grandes questions politiques d’aujourd’hui : l’urbanisme vert, le sexisme en politique, la Palestine, comment défendre nos hôpitaux, le racisme, les grèves, la santé publique, l’Ukraine, le marxisme, la laïcité, le féminisme, l’homophobie, la révolution française, le néofascisme, le logement, le bien-être animal, la révolte des gilets jaunes, la politique de l’éducation, les violences policières, la France en Afrique et la gauche sud-américaine pour ne citer qu’environ la moitié des sujets abordés.

Il y a eu 110 réunions en tout. Des films sur la résistance ouvrière et sur la guerre d’Algérie et quelques concerts complètent l’événement. Intellectuels, syndicalistes et militants ont été invités à prendre la parole, et il y a même eu trois débats (très houleux) avec des ministres du gouvernement Macron.

Quatre cent cinquante militants de moins de 25 ans avaient participé à un camp de jeunes de trois jours juste avant, et la jeune génération de militants était très visible à l’école d’été. De nombreuses réunions ont été enregistrées et sont disponibles [in French] sur la chaîne YouTube de FI.

C’est toujours plus agréable d’assister à une école d’été d’un mouvement en plein essor ! Depuis l’an dernier, la FI est passée de 17 députés à 75, a obtenu 7,7 millions de voix à la présidentielle et construit une alliance électorale sur un programme radical qui représente désormais la seule opposition de gauche visible à Macron.

La montée de la FI en tant que force de masse de gauche confiante et radicale a été rendue possible par 20 ans de lutte de masse au cours desquels des millions de travailleurs conscients de la classe dans les rues se sont opposés à la réduction des retraites, à la déchirure des lois sur la protection du travail et aux coupes dans les services publics. Cette combativité avait besoin d’une représentation politique, et l’équipe autour de Jean-Luc Mlenchon, réalisant que même l’aile gauche du Parti socialiste ne romprait jamais complètement avec le néolibéralisme, a construit la FI pour combler ce besoin. Ils réclament désormais une révolution citoyenne, une nouvelle constitution (la sixième république) et un changement spectaculaire.

Utile

Quelle est l’efficacité de cette nouvelle force et quel avenir lui réserve-t-elle ? Il est certainement utile d’avoir quelques dizaines de députés de gauche radicale prêts à se battre. Les députés FI ont été les seuls, avec quelques communistes, à voter contre la récente extension de l’OTAN à la Suède et à la Finlande et à souligner que l’OTAN ne défend pas la liberté. Les députés FI ont condamné l’apartheid israélien cet été (et ont été rapidement accusés d’antisémitisme par un ministre du gouvernement). Une lutte parlementaire pour imposer des gels de prix sur les aliments de base est en cours, et un projet de loi visant à rendre tous les repas scolaires gratuits est en vue. En effet, l’utilité des députés FI pour la classe ouvrière a été récemment mise en évidence par une série de campagnes de diffamation prévisibles contre trois de ses dirigeants les plus connus.

Un énorme combat à l’extérieur du parlement est sur les cartes. Macron, réélu cette année, est déterminé à semer la misère et la douleur. Son plan visant à faire prendre sa retraite plus tard et avec moins d’argent a été défait il y a deux ans par des grèves de masse et des millions de personnes dans les rues. Ce plan est de retour sur la table. De nouvelles mesures de réduction des allocations de chômage entreront en vigueur cet automne.

L’islamophobie gouvernementale est de plus en plus vicieuse. Le mois dernier, des tentatives ont été faites pour expulser des imams musulmans du pays sans procès, sous le vague prétexte qu’ils n’adhèrent pas aux valeurs françaises. Ceci malgré le fait que les imams ont vécu en France toute leur vie.

Bien que le grand meeting du week-end ait été intitulé Pour une révolution citoyenne !, et s’il est courant d’entendre ici des orateurs parler de révolution populaire comme celle de 1789, de rupture avec le capitalisme et de lutte des classes, la FI doit être considérée comme une force réformiste de gauche . Ce n’est pas une insulte, cela indique simplement que la stratégie centrale est de conquérir le pouvoir gouvernemental par des élections et d’utiliser l’État pour servir les intérêts du peuple. Si l’on y regarde bien, il est clair que cela signifie aussi utiliser différemment la police française et l’armée française à l’intérieur et à l’extérieur, pour défendre les intérêts de la France d’une manière nouvelle. Il n’est pas déraisonnable d’être sceptique quant à de telles possibilités.

Structure

Une série de discussions clés sont en cours sur la façon de gagner. L’un est sur la question de la structuration du mouvement. Le FI n’est pas un parti politique. Il n’y a pas de cartes de membre, pas de sous-marins (les partisans font des dons), pas de conférence traditionnelle avec des motions, des factions et des élections à la direction. L’idée était de permettre aux gens différents niveaux d’implication, d’inclure des centaines de membres d’autres partis, et d’éviter les lourdes traditions de lutte des factions de la gauche radicale en France. On pensait également que les réunions, les comités et les structures traditionnels des partis étaient moins importants à l’ère numérique où l’information peut être diffusée, et même des votes tenus, par d’autres moyens.

Cette méthode d’organisation lâche présente des avantages pour les révolutionnaires à l’intérieur de la FI. Vous pouvez vendre votre propre journal et tenir des réunions marxistes sans que cela devienne un problème de discipline de parti. Quelques centaines de marxistes le font, mais la plupart des groupements marxistes sont restés en dehors de la FI, ont présenté des candidats contre elle et ont souvent suivi une ligne sectaire de professeur rouge, donnant simplement les notes FI sur dix à la fin de chaque mandat.

Cette structure lâche va-t-elle changer maintenant que l’IF est plus forte et a une présence permanente ? Certains dirigeants le souhaiteraient. Manuel Bompard a insisté sur le fait qu’il faut une force politique organisée qui puisse mener la bataille des idées, qui puisse soutenir les différentes luttes en cours dans la société, qui puisse faire avancer l’auto-organisation des peuples et former les militants de demain.

Certains militants poussent pour plus de démocratie dans le mouvement : comités élus et conférences de délégués dans un moule de parti plus traditionnel. Parmi ceux-ci, nombreux sont ceux qui pensent que cela garantirait une direction plus sensible aux opinions de la base et permettrait davantage de discussions sur les tactiques et la communication entre les différents groupes locaux. Cela permettrait aussi, insiste la députée Clémentine Autain, de former plusieurs centaines de leaders locaux et de réduire la domination des députés dans les processus décisionnels. Ces voix en faveur d’un changement structurel dans l’organisation sont rejointes par certains qui sont simplement nostalgiques des combats de faction de leur jeunesse en voie de disparition rapide. Certains changements sont probables, mais la question la plus importante est la démocratie pour faire quoi ?

Luttes

Les militants de la FI veulent que Macron sorte bientôt. Pour cela, la question des liens avec la lutte extra-parlementaire est cruciale. Le soutien vocal de la FI aux Gilets jaunes et à la lutte pour la défense des retraites, ainsi que son rôle clé dans les mobilisations de masse ponctuelles contre le racisme et l’extrême droite ont été très utiles. Aurélie Trouv, ancienne présidente d’Attac et nouvellement élue députée FI, a déclaré qu’il faut l’union par le bas avec tous ceux qui résistent, dans quelque domaine que ce soit : dans les syndicats, dans la culture ou la science, ou dans les campagnes diverses. Il fallait rassembler les gens, et pas seulement les militants du parti.

Néanmoins, la priorité générale de la FI est de gagner les élections, et l’idée principale d’une grande partie de l’université d’été était : Quelles nouvelles lois sont nécessaires ? et Quel genre de nouvelle constitution est nécessaire en France? La direction de FI insiste sur le fait que le soutien aux grèves et aux luttes est important, mais le travail pratique de soutien aux luttes est généralement laissé aux groupes locaux de FI, et beaucoup d’entre eux font peu dans ce domaine.

Il n’y a plus d’élections depuis un certain temps, et Macron veut aller vite. Dans son dernier discours, il a insisté avec arrogance sur le fait que le temps de l’abondance est révolu. Pendant ce temps, le recours aux banques alimentaires a augmenté de 12 % en un an, et les plus riches ont vu leur fortune monter en flèche.

Un certain nombre de grèves dans les transports locaux et le ramassage des ordures se sont produites cet été. Les attaques de Macron et les effets de l’inflation sur les budgets familiaux signifient qu’une résistance de masse pourrait facilement éclater cet automne. Une journée d’action syndicale est prévue le 29 septembre. Entre-temps, Jean-Luc Mlenchon a annoncé lors de l’université d’été que la principale campagne d’automne portera sur la revendication de taxer les profits excessifs des grandes entreprises. Cela impliquera des pétitions massives, des assemblées populaires dans chaque ville et une manifestation monstre à la mi-octobre, en coopération avec les principaux syndicats.

La combativité est décidément à la mode en FI. Il est important de noter au passage les formidables avancées de FI sur une question clé et historique de faiblesse de la gauche française celle de l’islamophobie. Il y a quatre ans, l’université d’été de la FI a invité le célèbre islamophobe de gauche Henri Pea Ruiz, qui a déclaré que j’avais le droit d’être islamophobe. Aujourd’hui, après plusieurs années au cours desquelles Mlenchon a défendu à plusieurs reprises et à haute voix les musulmans contre les préjugés, l’atmosphère est différente : un certain nombre d’orateurs invités et de députés FI ont évoqué l’importance de lutter contre l’islamophobie. Davantage de progrès sont certainement nécessaires : la plupart des députés FI, comme le reste de la gauche, ont peu parlé des récentes expulsions islamophobes.

En conclusion, la FI est de loin l’endroit le plus excitant de la gauche française. Elle est toujours en hausse, et la vague de luttes qui émerge sera pour elle l’occasion de montrer sa valeur. Les militants marxistes devraient travailler au sein de ce mouvement pour un changement spectaculaire, en construisant l’organisation et en même temps en diffusant les compréhensions marxistes sur la façon d’aller de l’avant.

[This article first appeared at The Left Berlin. John Mullen is a Marxist activist in the Paris region and a supporter of the France Insoumise.]

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