Homme multiculturel: sur la Grande-Bretagne contre la France

Pour leur évaluation, mes étudiants doivent rédiger un essai de 2 500 mots comparant et contrastant les écoles de psychogéographie britannique et française, c’est-à-dire les écrivains et les penseurs dont le travail illustre le mieux les différentes façons dont ces deux nations ont de considérer (ou non) le énigme complexe de la psyché et du lieu vécu collectivement. Ainsi, parlaient les romantiques anglais Wordsworth, Coleridge, de Quincey et consorts contre les flneurs français : Balzac, Baudelaire, Aragon et consorts. Et il faut aussi considérer, je leur dis, les différences sous-jacentes de géographie humaine et physique : la Grande-Bretagne s’industrialise et donc s’urbanise nettement plus tôt, d’où la nostalgie environnementale des écritures romantiques du début des années 1800, à l’encontre du coup de foudre métropolitain vécu par les dandys. du Second empire.

Quoi qu’il en soit, janvier face à Janus est toujours un bon moment pour comparer et contraster : finissez avec l’ancienne année avec la nouvelle ; mais le paradoxe qui unit désormais la Grande-Bretagne et la France est que ce sont les sénescents qui vont, encore une fois, dominer le
renaissant : le gouvernement de Rishi Sunak se maintiendra ou tombera sur la base de la façon dont il gère la crise de la protection sociale, tout comme le destin d’Emmanuel Macron repose sur sa réforme du système de retraite français qu’il a adoptée et qui a beaucoup tardé.


Pourtant, il est difficile d’imaginer les Britanniques avant ou après la retraite, agissant de la même manière que les Français le feront presque certainement le second Macron essaiera de tirer le tapis épais de la sécurité sociale sous leurs pieds. Je prévois quelques manifestants au visage maussade avec des pancartes manuscrites debout sur la place du Parlement, contre l’habituelle épaisse couverture de gaz lacrymogène et de fumée émanant de la place de la République alors que les émeutiers font du mano-a-mano avec la police anti-émeute. Londres considère que son réseau d’égouts est le summum de l’illumination victorienne tandis que pour Victor Hugo en Les Misérables: L’égout est la conscience de la ville Toutes les impuretés de la civilisation, une fois hors d’usage, tombent dans cette fosse de vérité, où s’achève l’immense glissement social

Vous pourriez être pardonné, que ce soit à Londres ou à Paris, d’avoir éludé toute l’affaire, d’essayer d’ignorer l’état lamentable de votre poche et d’aller vous promener à la place. Pourtant, même dans les banlieues, l’envie de comparer comme s’il y en avait
dialectique à extraire de la simple différence demeure. Les deux villes ont leurs hauteurs septentrionales; Londres, l’escarpement qui court entre Hampstead et Highgate, Paris celui qui relie les Buttes-Chaumont et Belleville. Londres a la lande sylvestre, une étendue de rus intacte au cœur de l’urb, où une deuxième génération de romantiques Keats lui-même, Byron a pratiqué leur prosodie dans la vallée de la santé ; tandis que Paris a le Parc des Buttes-Chaumont, une fantaisie Belle époque sur la notion de campagne romantique.

Construit dans l’ancienne carrière qui fournissait le gypse dont était fait le plâtre utilisé pour recouvrir les façades de la quasi-totalité des bâtiments domestiques parisiens de l’époque médiévale à la fin du XIXe siècle (et qui leur confère la même uniformité d’aspect et d’ambiance que la brique rouge donne à Londres), le Parc est dominé par une série de fausses grottes et un immense affleurement de gypse qui supporte un belvédère, et qui est relié aux hautes terres herbeuses par des passerelles. Selon Aragon, on pourrait s’y promener plein de joies de vivre mais en voyant ces passerelles vertigineuses, se saisir d’un désir irrésistible d’en finir ; d’où leur surnom : Les Ponts des suicides.

Londres a son propre pont suicide : le tronçon de route traversant la coupe dans les hauteurs nord qui contient l’A1, tandis que Hampstead Heath a sa propre propension à l’auto-cannibalisme : les sables extraits du bien nommé Sandy Wood ont été ensachés pour protéger Whitehall bâtiments puis, après le blitz, leurs décombres ont été, à leur tour, utilisés pour combler les ravins résultants. Mais ici, la comparaison doit cesser et le contraste se réaffirmer avec le voyage de friction accompagnant une plus grande
contrôle des passeports (sinon aux frontières) depuis le Brexit.

Vous n’avez pas besoin d’être un Anglais à la peau fine avec un conjoint français (bien que cela aide sans aucun doute) pour remarquer que quels que soient les arrangements constitutionnels ou la géographie humaine et physique sous-jacente, l’antipathie britannique bien-pensante envers les Français reste une constante : semaine -in, week-out, je suis témoin de critiques clichées, à la fois dans les médias et dans la conversation ordinaire, sans aucun fondement en fait. Les Français sont tous des collaborateurs fascistes/
communistes purs et durs/crypto-catholiques/mondialisateurs sionistes supprimer le cas échéant, ou non. Pendant ce temps, malgré la perfidie britannique sur le protocole et le reniement des valeurs humanitaires fondamentales en matière de migration, les Français semblent plus perplexes que belliqueux. C’est presque comme s’ils pouvaient voir quelque chose que les Britanniques ne peuvent pas ou ne veulent pas : l’écart croissant entre les faits sur le terrain, qu’ils soient économiques ou géopolitiques, et une attitude délirante à leur égard. Psychogéographie, en effet.

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