France : procès pour atrocités au Libéria
(Paris) Le procès en France de Kunti K. pour crimes contre l’humanité dans son rôle présumé d’ancien commandant d’un groupe armé libérien est une étape importante vers la justice pour les victimes de la première guerre civile du Libéria, ont déclaré aujourd’hui Human Rights Watch et la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH). Le procès doit s’ouvrir le 10 octobre 2022 à Paris et est un signe de l’engagement de la France à traduire en justice les responsables de crimes graves.
Kunti K. est accusé de crimes contre l’humanité commis pendant la première guerre civile libérienne, qui a dévasté le pays de 1989 à 1996. La première guerre civile libérienne a été marquée par crimes de guerre et des violations généralisées et systématiques des droits de l’homme, y compris des schémas de violence profonds et inquiétants contre les civils, alors que les factions belligérantes ont massacré et violé des civils, pillé et forcé des enfants à tuer et à se battre. Le nom complet de l’accusé a été retenu par les autorités françaises conformément aux lois nationales sur la protection de la vie privée.
Ce procès est une étape importante pour la justice pour les victimes alors que les autorités libériennes n’ont pas tenu pour responsables les responsables de crimes graves pendant les guerres civiles, a déclaré Elise Keppler, directrice adjointe de la justice internationale à Human Rights Watch. Les autorités libériennes doivent prendre note : ces crimes peuvent et doivent être poursuivis, et un tribunal pour crimes de guerre recommandé depuis longtemps doit être établi sans délai dans le pays.
L’organisation Civitas Maxima a déposé une plainte pénale en France contre Kunti K. en 2018, à la suite de quoi il a été arrêté à Paris pour suspicion de crimes contre l’humanité et torture. Avant le procès, Human Rights Watch et la FIDH ont publié un document de questions-réponses contenant des informations sur :
- l’accusé, Kunti K. ;
- les guerres civiles libériennes ;
- l’absence de responsabilité au Libéria pour les crimes graves commis et la nécessité pour le Libéria de créer un tribunal des crimes de guerre avec l’aide de ses partenaires internationaux et ;
- l’importance du procès et des contraintes légales en France liées à la poursuite des crimes graves commis à l’étranger.
Le procès de Kunti K en France est possible parce que les lois du pays reconnaissent la compétence universelle pour les crimes les plus graves au regard du droit international. La compétence universelle permet d’enquêter et de poursuivre ces crimes où qu’ils aient été commis et quelle que soit la nationalité des suspects ou des victimes. Cette affaire, ainsi que d’autres affaires relevant de la compétence universelle en Europe et aux États-Unis concernant des crimes libériens datant de l’époque des guerres civiles, ont jusqu’à présent été la seule chance pour les victimes libériennes de voir justice rendue.
L’utilisation de la compétence universelle en France est cependant limitée par de multiples barrières juridiques, ont déclaré les groupes. Une décision récente de la plus haute juridiction française dans une affaire de crime contre l’humanité syrien a annulé, sur la base de l’une de ces limitations, l’inculpation d’un ancien agent syrien présumé qui avait demandé l’asile en France, faisant craindre que le pays ne devienne un refuge pour les responsables de crimes graves.
Le procès de France pour les atrocités au Libéria renforce l’importance du principe de compétence universelle pour garantir que les pires crimes ne restent pas impunis, en particulier lorsque la responsabilité n’est pas engagée par d’autres voies, a déclaré Clmence Bectarte, avocate qui coordonne le groupe d’action contentieux de la FIDH. Les lois françaises ont besoin d’être réformées pour garantir que la justice puisse être une réalité pour davantage de victimes des pires crimes, et le pays n’est pas un refuge sûr pour les auteurs.