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Favoriser les dialogues de design entre l’Inde et la France

CHENNAI : Années de formation entre les diverses régions de Provence et du Tamil Nadu, ce sont des frontières floues pour Victoire de Brantes. Aujourd’hui designer française multidisciplinaire, Victoire était récemment à Chennai, dans le cadre de la Villa Swagatam, un réseau de partenaires locaux répartis dans deux pays, qui vise à renforcer le dialogue entre la France et l’Inde dans les domaines de la littérature, des arts du spectacle et de l’artisanat.

À l’occasion de sa résidence au Vastrakala, un atelier de broderie fondé en 1993 par l’entrepreneur français Jean-François Lesage, elle a redéfini le rôle de l’ornementation en mêlant héritage et matériaux innovants.

Ici, elle raconte son voyage dans le domaine du design et comment l’héritage indien a façonné sa compréhension du pays dans son ensemble, qu’elle a mis en valeur dans ses œuvres d’art d’une facture exquise.

Q.Pourriez-vous nous parler un peu de votre parcours dans le domaine du design ?

UNAprès avoir terminé mes études préparatoires aux Ateliers de Svres à Paris, j’ai poursuivi mes études à la Design Academy Eindhoven (DAE) aux Pays-Bas, en me concentrant sur la recherche et le développement de matériaux qui ont abouti à la conception de produits. Au DAE, mon programme mettait l’accent sur l’exploration de facteurs contextuels tels que les matériaux et la couleur, informant sur la forme et l’esthétique de nos produits grâce à un processus de conception inversée. Cette approche encourage une compréhension plus approfondie de la manière dont notre comportement interagit avec les produits que nous créons. Lors d’un programme d’échange au Chelsea College de l’Université UAL, je me suis spécialisé dans la conception de motifs textiles.

Q. De quelle manière votre séjour, vos études en Inde et votre travail à Paris ont-ils façonné votre approche du design et votre perspective sur la collaboration interculturelle ?

UN.J’ai passé mon enfance jusqu’à l’âge de 11 ans, partagée entre le sud de l’Inde et le sud de la France. Par la suite, mes années d’adolescence se sont déroulées à Florence, en Italie, suivies du lycée à Paris. Dans le cadre de mes études, j’ai résidé aux Pays-Bas pendant cinq ans avant de retourner à Paris, qui sert désormais de base à ma pratique et à mes voyages actuels.

En grandissant, j’ai commencé à apprécier le caractère distinctif de chaque lieu, réalisant que parler d’un pays dans son ensemble était trop large. Au lieu de cela, j’aborde les lieux par région, une perspective que j’ai développée en observant les paysages, les traditions, l’artisanat et l’histoire variés de chacun.

Cette orientation régionale influence profondément mon processus de conception. Je mets l’accent sur le contexte et le territoire, en favorisant les relations de collaboration avec les artisans et les industries locales. En ancrant ma pratique dans les spécificités de chaque région, je vise à capturer et refléter leurs caractéristiques uniques dans mon travail.

Q. Quelle est votre vision du patrimoine culturel et de l’artisanat indien ?

UN.En me concentrant sur l’artisanat de la broderie lors de la résidence Villa Swagatam, j’ai été fascinée par la créativité impliquée dans chaque étape du processus. Il existe un sentiment d’improvisation, d’adaptation et d’utilisation des alternatives disponibles dans l’environnement. Mais ce qui m’a le plus frappé, c’est la régularité des mouvements des brodeuses, leur rythme régulier, même en période de stress, qui s’apparente presque à une forme de méditation qui donne naissance à des dessins minutieux et délicats. De plus, j’ai été captivé par la manipulation des matériaux, la combinaison de textures et de couleurs pour imiter la réalité, donnant vie à des fleurs, des personnages, des forêts, etc. En tant que créatif, ma perspective a été élargie par l’abondance des ressources locales en matériaux et sources primaires, favorisant un véritable dialogue entre l’artisan et son contexte.

Q.Pourriez-vous nous en dire plus sur votre expérience de designer multidisciplinaire, et comment elle vous a amené à participer à la résidence Villa Swagatam ?

UN.En tant que designer multidisciplinaire, la Villa Swagatam m’a donné l’opportunité d’explorer diverses de mes fascinations, me permettant de consacrer du temps et de l’espace au développement de matériaux et de me plonger dans un métier. Dans mon cas, je me suis plongé dans Vastrakala, un atelier de broderie reliant l’Inde et la France. J’ai intégré et connecté différents départements, tels que la mode, la couture et la broderie, pour créer des produits d’intérieur fusionnés.

De plus, la résidence m’a donné l’opportunité inestimable de collaborer étroitement avec les brodeuses de Vastrakala. Cette expérience pratique m’a permis de comprendre leurs techniques et leur expertise d’une manière approfondie, ce qui n’aurait pas été possible en tant que jeune designer indépendant.

Q. Quels ont été vos apprentissages grâce à cette expérience d’amalgame ?

UNCe que je retiens de cette expérience mixte, c’est qu’en matière de design, l’accent n’est pas mis sur la réinvention de la roue, mais plutôt sur la réinterprétation des concepts existants. C’était précisément mon approche, où nous encourageions les brodeurs à voir des matériaux familiers sous de nouvelles approches et lumières.

Nous avons créé deux exemples concrets de ce processus innovant : une chaise parfaitement intégrée à un tapis, utilisant diverses archives dans une interprétation organique, et des panneaux modulaires capables de former diverses compositions adaptées à un espace, incorporant des éléments de la mode et du design d’intérieur pour créer rideaux, séparateurs de pièces, paravents. Nous avons transformé des accessoires de mode traditionnels comme des boutons de manchette et des boutons surdimensionnés en embellissements de rideaux uniques, intégrant de manière transparente des éléments provenant de divers ateliers de Vastrakala.

Pour y parvenir, j’ai appliqué des techniques de moulage généralement utilisées pour les motifs floraux complexes afin de créer ces boutons non conventionnels. De plus, notre collaboration avec des brodeurs impliquait une réinterprétation rafraîchissante des techniques de broderie traditionnelles. Plutôt que de nous en tenir aux modèles conventionnels, nous avons expérimenté différents points, leur permettant de circuler librement et de former des compositions dynamiques. Cette approche a non seulement mis en valeur l’adaptabilité des artisans, mais a également souligné le potentiel de collaboration et d’échange d’idées entre différentes disciplines du design.

Q. Dans quelle mesure l’industrie française de l’art et du design est-elle différente de celle de l’Inde ?

UN.La différence réside dans les métaux utilisés, influencés par les contextes géographiques et climatiques de chaque pays. Ce qui est intéressant à observer, ce sont les différentes influences issues de l’histoire de chacun. J’ai pu identifier ces deux critères grâce aux artistes et designers que j’y ai rencontrés et qui m’inspirent énormément. J’espère retourner bientôt en Inde pour explorer davantage !

Q. Pour l’avenir, quels sont vos aspirations ou projets futurs dans le domaine du design que vous avez appris grâce à cet échange culturel ?

UN.Mes inspirations à venir après cette résidence à Vastrakala incluent l’approfondissement de mon identité et l’appropriation complète de mon univers collaboratif avec divers artisans. J’espère retourner en Inde pour développer d’autres produits ou collections en mélangeant différents métiers. J’ai également beaucoup apprécié l’échange quotidien avec d’autres créateurs et j’aspire à collaborer sur des projets avec d’autres designers indiens. De plus, je souhaite approfondir le lien en moi entre le sud de la France, où se situe l’origine de ma famille, et le sud de l’Inde. J’aspire à créer des mondes riches, narratifs, ludiques et tactiles.

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