Est-il temps pour l’Australie de réévaluer sa position sur le rôle de la France en Nouvelle-Calédonie ?
Dimanche après-midi, les citoyens australiens bloqués en Nouvelle-Calédonie ont été convoqués à un rendez-vous dans l’un des grands hôtels de la capitale, Nouméa.
La réunion a été organisée à la hâte et aurait dû être organisée depuis longtemps aux yeux de beaucoup de ceux qui sont restés coincés ici (y compris moi-même) au milieu des violents troubles qui ont secoué le territoire français. Même si la communication entre le haut-commissariat australien et les citoyens australiens n’a pas été idéale, la réunion a clairement montré que les responsables locaux travaillaient au mieux de leurs capacités pour développer des stratégies de rapatriement.
Leurs récits de ces stratégies suggèrent cependant que non seulement la situation est dangereuse et complexe sur le plan logistique, mais qu’un autre point de friction réside dans l’administration française.
Nous avons été informés qu’il était prévu d’utiliser des avions militaires pour évacuer les Australiens de l’aéroport national de Nouméas. Cette zone a été un point chaud de la crise actuelle, mais les autorités australiennes pensaient qu’elle était plus facilement accessible que l’aéroport international. Celui-ci reste fermé jusqu’à ce que la route nationale passant au nord de la ville puisse être débarrassée de ses débris et sécurisée.
Le personnel du Haut-commissariat australien nous a dit qu’il avait un programme de vol en place et que l’avion de la RAAF avait fait le plein et était sur le tarmac, prêt à décoller. Il y avait des bus prêts à transférer les Australiens depuis leurs hôtels.
Pourtant, les plans ont été abandonnés à la onzième heure dimanche lorsque l’autorisation d’atterrir à l’aéroport national n’a pas été donnée. Il n’était pas clair s’il s’agissait d’une décision prise par les responsables français en Nouvelle-Calédonie ou en France elle-même.
La pression monte sur le gouvernement français
Environ 300 Australiens ont demandé leur rapatriement auprès du ministère des Affaires étrangères et du Commerce après que des violences ont éclaté la semaine dernière à propos des nouvelles règles de vote demandées par les autorités françaises à Paris.
Les forces françaises ont commencé à arriver en Nouvelle-Calédonie ces derniers jours et ont lancé dimanche une vaste opération pour reprendre le contrôle de la route principale menant à l’aéroport international.
D’une part, une logique stratégique explique la réticence du gouvernement français à laisser atterrir un avion militaire australien. L’optique d’une opération militaire étrangère visant à évacuer les voyageurs pourrait soulever des questions sur le contrôle des autorités françaises sur la situation et diminuer la position de la France dans la région.
Les États voisins du Pacifique considèrent depuis longtemps la France comme un allié stratégique précieux, capable de contrebalancer l’importance croissante de la Chine dans la région. L’arrivée d’un avion militaire australien attirerait cependant l’attention internationale sur la nature compromise de la sécurité française dans le Pacifique.
Sur le plan intérieur, cela jouerait également mal pour le président Emmanuel Macron, qui subit la pression des deux côtés de la politique en raison de la crise qui a fait la une des journaux en Nouvelle-Calédonie et que son gouvernement a lui-même largement déclenchée.

Nicolas Job/AP
À gauche, des personnalités telles que John-Luc Mlenchon, qui a défié Macron à l’élection présidentielle de 2022, ont critiqué les dommages causés aux principes de l’accord de paix de Nouméa par l’insistance de Macron sur le vote sur des modifications constitutionnelles visant à élargir le rôle électoral du territoire. procéder la semaine dernière. Cela s’est produit alors même que les tensions augmentaient visiblement le Caillou (comme la Nouvelle-Calédonie est également connue en France).
Les changements pourraient donner le droit de vote à des dizaines de milliers de résidents non autochtones de Nouvelle-Calédonie, ce qui, selon la population autochtone kanak, diluerait la force de leur vote aux élections.
Ces derniers jours, même ceux de droite se sont joints à ces critiques, prenant leurs distances par rapport à une relation auparavant étroite avec les éléments politiques loyalistes de Nouvelle-Calédonie opposés à l’indépendance.
La chef de l’opposition Marine le Pen a proposé la nécessité d’un solution globale cela va au-delà de la focalisation plus étroite sur le statut de vote des résidents et aborde les inégalités économiques et sociales chroniques entre les populations kanak et non autochtones.
Elle a également suggéré qu’il y ait désormais un quatrième référendum d’autodétermination, un objectif de longue date de nombreux Kanaks. Les factions anti-indépendantistes du territoire s’opposent cependant à une telle démarche, estimant que la question de l’indépendance a été réglée avec l’échec de trois référendums ces dernières années.

Mohammed Badra/EPA
Pourquoi la position de l’Australie devrait changer
La violence en Nouvelle-Calédonie est effrayante, incontrôlée et dévastatrice pour le pays. J’ai écrit que, pour beaucoup, cette violence est l’expression du sentiment de désespoir de la jeunesse kanak face aux profondes inégalités du territoire.
Certains observateurs estiment qu’il est temps de se poser des questions critiques sur la légitimité d’un système de gouvernement colonial en Nouvelle-Calédonie qui permet à ces inégalités de perdurer.

Ludovic Marin/AFP/Pool/EPA
Alors que la Nouvelle-Calédonie était confrontée à un précédent soulèvement indépendantiste connu sous le nom de les vnements Dans les années 1980, le gouvernement australien s’est rangé aux côtés d’autres pays du Pacifique au sein du Groupe mélanésien du fer de lance et a soutenu une démarche visant à inscrire la Nouvelle-Calédonie sur la liste des territoires non autonomes de l’Assemblée générale des Nations Unies. Cette décision a obligé les autorités françaises à établir des formes appropriées d’autonomie gouvernementale pour le territoire.
Le haut-commissaire australien de l’époque a ainsi été expulsé du territoire. Les États insulaires du Pacifique, les dirigeants politiques australiens de l’époque et même de nombreux membres du public considéraient cette position comme la bonne.
Lire la suite : Pourquoi la Nouvelle-Calédonie est-elle en feu ? Selon les femmes locales, les émeutes meurtrières ne concernent pas seulement le droit de vote
Alors que les négociations progressaient sur l’accord de paix de Matignon de 1988, qui mit un terme à la violence, la politique australienne à l’égard de la Nouvelle-Calédonie devint plus conciliante envers la France et moins centrée sur la question de la décolonisation.
Ces derniers jours, le problème de cette position a été clairement exposé. L’ampleur des émeutes et des ravages à Nouméa démontre une fois de plus l’incapacité de la France à répondre correctement aux sentiments de mécontentement de la population kanak et aux profondes inégalités qui existent en Nouvelle-Calédonie.
Il est temps pour l’Australie de remédier à l’injustice de cette situation à nos portes et de revoir sa politique du milieu des années 80.
Les appels se multiplient sur tout le territoire et dans la région Pacifique pour qu’un nouveau dialogue élargi entre toutes les communautés calédoniennes ait lieu sur le territoire, plutôt qu’à Paris comme le propose Macron.
Ceci est considéré par les dirigeants politiques et de la société civile locaux et régionaux comme étant essentiel à l’instauration de la paix. Pour des dirigeants tels que Mark Brown, président sortant du Forum des îles du Pacifique et Premier ministre des Îles Cook, raviver la perspective d’une pleine souveraineté territoriale ne peut que renforcer cette cause.
En tant que nation qui défend les principes démocratiques au niveau international et qui déclare publiquement son affinité avec la famille du Pacifique, l’Australie ne devrait plus rester silencieuse sur cette question. Cette semaine montre pourquoi elle doit réorienter sa politique étrangère pour soutenir de toute urgence la décolonisation de la Nouvelle-Calédonie.