En bref : l’exécution des accords verticaux en France
Mise en vigueur
Procédure de réclamation pour les particuliers
Existe-t-il une procédure permettant à des parties privées de porter plainte auprès de l’autorité chargée de l’application des lois antitrust concernant des restrictions verticales présumées illégales ?
Les parties privées telles que les entreprises ou les associations de consommateurs peuvent déposer une plainte auprès de l’Autorité de la concurrence. Un consommateur seul ne peut introduire une telle plainte.
La plainte doit mentionner les dispositions du droit français et, le cas échéant, du droit communautaire prétendument violées, la description de l’infraction et l’identification complète du plaignant. La plainte doit également indiquer, si possible, l’identité et l’adresse de l’entité responsable de l’infraction alléguée. Un plaignant n’est pas tenu d’apporter toutes les preuves, mais des éléments concrets établissant la probabilité de l’infraction doivent être apportés.
L’Autorité de la concurrence peut adopter des mesures d’injonction et des sanctions, accepter des engagements des parties et convenir d’une transaction. Elle peut également déclarer la plainte irrecevable pour défaut de qualité pour agir ou la rejeter pour insuffisance de preuves.
Il peut s’écouler plusieurs années avant d’obtenir une décision de sanction de l’Autorité de la concurrence.
Si le plaignant justifie d’une menace grave et immédiate pour la concurrence, des mesures provisoires d’urgence peuvent être ordonnées par l’Autorité de la concurrence. L’Autorité de la concurrence a ordonné en référé la suspension de l’accord octroyant à Canal Plus les droits exclusifs de diffusion du championnat de France de première division de rugby pendant cinq ans (Décision n°14-MC-01, confirmée par la Cour d’appel de Paris, Décision n°14-MC-01). 14/16759).
L’Autorité de la concurrence a imposé à Google, conformément à l’article L. 464-1 du Code de commerce, des mesures provisoires afin d’obtenir, entre autres, des éclaircissements sur les conditions de suspension des comptes Google Ads pour « contenu trompeur ou prohibé » (Décision n° 19-MC-01, confirmé par la Cour d’appel de Paris, n° 19/03274)
Application de la réglementation
À quelle fréquence la législation antitrust est-elle appliquée aux restrictions verticales par l’autorité responsable de l’application de la législation antitrust ? Quelles sont les principales priorités d’application concernant les restrictions verticales ?
Au cours des trois dernières années, l’Autorité de la concurrence s’est prononcée sur 80 décisions relatives à des pratiques anticoncurrentielles, dont 13 concernent des accords verticaux.
Quelles sont les conséquences d’une infraction au droit de la concurrence pour la validité ou l’opposabilité d’un contrat contenant des restrictions verticales interdites ?
En vertu de l’article L420-3 du Code de commerce, toute clause ou convention relative à une pratique anticoncurrentielle est nulle et non avenue. Le juge peut prononcer une nullité partielle d’un accord et seules les dispositions contractuelles restrictives sont nulles et non avenues et le reste du contrat ou de l’accord reste valable à moins que la clause contenant la restriction illégale ne soit une condition déterminante et critique du contrat.
L’autorité responsable de l’application des lois antitrust peut-elle imposer directement des sanctions ou doit-elle adresser une requête à une autre entité ? Quelles sanctions et réparations les autorités peuvent-elles imposer ? Quelles sanctions ou réparations notables ont été imposées ? Des tendances peuvent-elles être identifiées à cet égard ?
En vertu de l’article L464-2 du Code de commerce, selon les lignes directrices du 30 juillet 2021, l’Autorité de la concurrence peut infliger des amendes soit immédiatement, soit pour sanctionner la violation d’une injonction ou d’un engagement. Les amendes ne peuvent excéder 10 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise ou du groupe.
L’Autorité peut infliger une amende journalière pouvant aller jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires journalier moyen de l’entreprise pour la contraindre à mettre en œuvre une injonction ou des mesures provisoires.
Dans son rapport annuel pour 2021, l’Autorité de la concurrence a annoncé un montant annuel total d’amendes de 873,7 millions d’euros, (alors que le montant annuel moyen entre 2011 et 2020 était de 674 millions d’euros), dont 500 millions d’euros d’amende pour Google (Décision n° 21-D-17).
Pouvoirs d’enquête de l’autorité
De quels pouvoirs d’enquête dispose l’autorité chargée de l’application des lois antitrust lorsqu’elle applique l’interdiction des restrictions verticales ?
L’article L450-3 du Code de commerce prévoit des enquêtes de droit commun ne nécessitant pas d’autorisation judiciaire. Cet article permet aux agents administratifs de pénétrer dans les locaux professionnels et les moyens de transport professionnels, de demander la déclaration ou de faire copie de documents professionnels, d’interroger les salariés de l’entreprise et de recueillir des déclarations orales ou écrites.
L’« enquête judiciaire » prévue à l’article L450-4 du Code de commerce est soumise à l’autorisation d’un juge. Les agents administratifs peuvent effectuer des perquisitions à l’aube dans tous les locaux, demander des informations, saisir ou copier tout type de document (par exemple, des courriers électroniques), apposer des scellés et prendre des déclarations orales ou écrites.
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes peut également enquêter sur des secteurs spécifiques sur la base d’indices ou de soupçons de restrictions pour identifier des problèmes de concurrence après avoir alerté l’Autorité de la concurrence, qui peut décider de reprendre les enquêtes (article L450-5 du Code de commerce français). A l’issue de l’enquête, l’Autorité de la concurrence décide de l’ouverture d’un dossier.
Conformément à l’article L450-3-3 nouvellement introduit, en transposition partielle de la directive ECN+ (Directive n°2019/1 du 11 décembre 2018), l’Autorité de la concurrence dispose également d’un pouvoir étendu pour demander la communication d’une facture téléphonique détaillée. La poursuite de cette transposition par l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 donne accès à l’Autorité de la concurrence aux moyens de décryptage des données des entreprises mises en examen. Les plus grandes avancées concernant cette transposition sont la possibilité donnée à l’Autorité de rejeter une saisine par décision motivée lorsqu’elle estime qu’elle n’est pas prioritaire (L462-8) et de prendre des mesures conservatoires de sa propre initiative (L464-1).
Application privée
Dans quelle mesure l’exécution privée est-elle possible ? Les non-parties à des accords contenant des restrictions verticales peuvent-elles obtenir des jugements ou des injonctions déclaratoires et intenter des actions en dommages et intérêts ? Les parties aux accords peuvent-elles elles-mêmes intenter des actions en dommages-intérêts ? Quels sont les recours disponibles ? Combien de temps une entreprise doit-elle s’attendre à ce qu’une mesure d’exécution privée prenne ?
Les actions de gré à gré sont possibles en droit français, sur le fondement de l’article 1240 (anciennement article 1382) du Code civil, devant l’une des juridictions spécialisées : l’article L420-7 du Code de commerce prévoit que les tribunaux spécialisés de première instance (huit et huit juridictions civiles) et la Cour d’Appel de Paris, en vertu de l’article R420-5, sont seules compétentes pour connaître des litiges relatifs à l’application des lois de la concurrence (exécution privée).
La personne qui demande réparation doit apporter la preuve d’une faute et du préjudice corporel subi. De nouvelles règles sur les actions en dommages et intérêts relatives aux infractions au droit de la concurrence prévues aux articles L481-1 et suivants du Code de commerce, transposant la directive n° 2014/104, sont entrées en vigueur le 11 mars 2017 et s’appliquent aux procédures engagées après le 26 décembre 2014. Les nouvelles dispositions prévoient notamment une présomption irréfragable d’infraction fondée sur les décisions de l’Autorité de la concurrence ou de la Commission européenne et établissent un principe de responsabilité solidaire de toutes les parties à l’accord.
Une partie à un accord contenant des restrictions verticales peut intenter une action en réparation, à condition que le demandeur prouve qu’il n’était pas responsable de l’infraction et qu’il a été contraint de participer à l’accord (Cour d’appel de Paris, n° 07/05460).
Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 mars 2014, les associations agréées de protection des consommateurs sont autorisées à intenter des actions collectives de suivi devant un tribunal de première instance pour obtenir réparation du préjudice causé par des pratiques anticoncurrentielles. Les actions collectives ne sont ouvertes qu’aux associations de consommateurs par opposition aux associations commerciales et professionnelles.
Les mesures d’exécution privées peuvent prendre plusieurs années et peuvent être suspendues jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue dans l’affaire d’infraction à la concurrence.