Des superviseurs pénitencier attaqués à la prison de Condé-sur-Sarthe racontent leurs conséquences

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Quelques matins, Yannick réveille sa joue gauche un peu engourdi. Olivier apprivagne toujours les conséquences gravées sur son bras aujourd’hui. En mars 2019, ces deux agents pénitencier ont été attaqués par Michaël Chiolo et son partenaire, Hanane Aboulhana, décédé dans l’assaut du raid, À Condé-sur-Sarthe Prison. Six ans plus tard, les deux hommes ont informé cette attaque contre le tribunal spécial de Paris, ce jeudi 12 juin, lors du procès de la prison de Condé-sur-Sarthe.

Le 5 mars 2019, les deux agents ont pris leur service à 6 h 45, Yannick et Olivier dirigent un café pour lancer leur journée, puis se rendent à l’unité de vie familiale (UVF), un appartement sécurisé dans lequel les détenus peuvent accueillir leur famille.

Michaël Chiolo, incarcéré pour des actes de common law, est là avec son partenaire, Hanane Aboulhana. « Ils nous ont donné un panneau par la fenêtre », a déclaré Yannick, dans la vidéoconférence, à la cour. « Il nous a dit qu’il voulait faire une sortie précoce parce que sa femme était enceinte et ne se sentait pas bien. »

« Je pensais qu’il voulait se perdre »

Les deux agents lancent la procédure. La sortie précoce est acceptée et la femme de Michaël Chiolo est autorisée à sortir. Yannick et Olivier les accompagnent pour faire le point sur l’appartement.

« Nous étions sur le patio. Lorsque nous avons ouvert la porte, je faisais face à la personne détenue », a rapporté Yannick ce jeudi. Michaël Chiolo lui dit qu’un câble fait défaut dans la console de jeu UVF. Olivier entend les informations et est surpris, la conversation est interrompue.

« Je regarde sa femme, je le regarde et là, avec un geste extrêmement rapide, je vois une lame arriver au niveau du visage de Yannick. J’essaie de venir et je ressens un coup. Je me suis dit » vous aussi le prendre «  », a rapporté la victime au tribunal.

De la porte de l’unité de vie de famille, Yannick reçoit « un coup au niveau du crâne », tombe au sol et se met sur le ventre. « C’était pour me protéger », a-t-il déclaré ce jeudi. L’agent pénitentiaire ne comprend pas immédiatement que Michaël Chiolo l’a poignardé. Il n’a jamais eu d’histoire avec lui. Bonjour, au revoir, pas plus, pas moins.

« Il a crié beaucoup de choses. J’ai tourné ma tête vers mon collègue, Olivier. Je l’ai vu à genoux. Il a été maltraité par cette femme, et c’est là que je me suis dit que quelque chose se passait. »

Olivier est sur le terrain. « Heureusement ou pas, je finis par prendre le relais, je me retrouve au-dessus d’elle. Je l’étrangle, elle perd son souffle, et dans ses dernières respirations, elle appelle Chiolo », a-t-il expliqué. « Par la suite, je ressens un poids et une douleur au crâne. Je comprends que j’ai les deux sur moi. » Olivier sent alors une main le tire de l’arrière.

Cette main est celle de Yannick. Sur le terrain, l’agent pénitentiaire se débattait contre Michaël Chiolo. « J’ai donné des coups de pied, il s’est replié, j’ai rampé et j’ai ramassé le couteau en céramique », a-t-il déclaré. « Quand j’ai vu le couteau, un instinct de survie est venu en moi. Je me suis dit qu’il voulait se perdre. »

Il est allé armé au chevet de son collègue. Michaël Chiolo et son partenaire se réfugient dans les UVF. Yannick et Olivier, eux, parviennent à se sortir et à appeler du renforcement. « C’était très très violent, en moins de cinq minutes. Cela s’est déroulé très rapidement. » Michaël Chiolo et son partenaire resteront 10 heures intronisés dans les UVF avant l’intervention des raids. Ce dernier sera tué lors de l’assaut.

Physical et psychologique après-effet

Ce jeudi 12 juin, Yannick et Olivier ont dit à leur vie après. « J’ai traversé différentes phases très compliquées », a déclaré Yannick, évoquant des nuits blanches, son désir de ne pas trop dire aux parents beaucoup trop loin géographiquement. Après de longues années d’arrêt, il a trouvé la prison de Condé-sur-Sarthe en 2023. « C’était mon testament, je viens du nord. J’ai tout sacrifié pour venir ici », a-t-il expliqué. « C’est mieux. J’ai donné mes pieds dedans, j’ai hâte de fermer le livre. »

Aujourd’hui, il conserve des conséquences physiques, la lame du couteau en céramique utilisée par l’accusé est toujours en lui, hébergée dans sa lame d’épaule gauche. Et les conséquences psychologiques. S’il voulait être présent pour déposer devant le tribunal spécial de Paris, l’agent pénitencier a finalement décidé de s’exprimer à distance de la prison de Condé-sur-Sarthe. « Pour moi, ici, je suis en sécurité », a assuré l’agent pénitentiaire qui, cinq ans plus tôt, a été poignardé dans cette même structure.

Pour sa part, Olivier, marqué physiquement et psychologiquement, a également repris son activité professionnelle dans la prison de Condé-sur-Sarthe. Il a suivi une formation dans l’administration. L’annonce du procès lui a ramené des souvenirs douloureux: flashs, voix. « Nous ne nous attendions pas (sur cette attaque, note de l’éditeur) (…) La surprise et la violence des coups … », a déclaré Olivier.

Au moment des premiers soins fournis par ses collègues, il entend l’un d’eux dire: « Il ne survivra pas ». Une phrase qui continue de le marquer aujourd’hui, tout comme un autre souvenir: « Les médecins m’ont dit, c’est ma corpulence qui m’a sauvé ».

Olivier et Yannick conviennent qu’ils n’avaient jamais rencontré de problèmes avec les détenus avant cette attaque. « Ce n’était pas moi qui a été ciblé. C’était l’uniforme. Cela aurait pu être n’importe qui ce matin-là », a conclu Yannick.

Article original publié sur bfmtv.com

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