Compte Twitter consacré à l’architecture la plus laide de France sous le feu
Un compte Twitter avec près de 80 000 abonnés interroge l’esthétique de l’architecture moderne en France en mettant en lumière certains des exemples les plus laids de tout le pays.
La France Moche (France moche) poste des photos de bâtiments bizarres, délabrés ou mal conçus.
Nous en avons beaucoup, lit-on dans la description du compte, encourageant les abonnés à envoyer leurs propres horreurs locales pour le plaisir de tous.
Cependant, il a été critiqué pour avoir promu une image biaisée des bâtiments modernes et avoir été trop rapide pour annuler les styles architecturaux sans les comprendre pleinement.
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L’urbanisme nous dit qui nous sommes
Le compte emprunte son nom à un article marquant publié en 2010 dans Tlrama, l’hebdomadaire culturel et télévisuel français.
Le long métrage a plongé profondément dans les facteurs historiques, politiques et économiques qui ont transformé certaines parties de la France en ce qu’il a appelé des métastases suburbaines.
Il a tracé la lente érosion du paysage naturel de la France pour développer des villes à l’emporte-pièce, des centres commerciaux et d’affaires tentaculaires dans les zones suburbaines, des autoroutes, des bâtiments en béton et des panneaux d’affichage géants.
L’urbanisme nous dit qui nous sommes, disait-il. Le Moyen-Âge avait ses bastides et ses cathédrales, le XIXe siècle ses boulevards. Nous avons nos hangars commerciaux et nos projets de logements.
Il a également dénoncé les tunnels publicitaires dans les centres commerciaux, insistant sur le fait que nos pare-brise agissent comme des écrans de télévision.
Les panneaux publicitaires sont un harcèlement dans l’espace public
Il existe même aujourd’hui un Prix de la France Moche, mis en place par une association luttant contre la diffusion de ces panneaux publicitaires.
Paysages de France a tenté de décerner des prix aux communes qui ont fait d’importants efforts pour se débarrasser de la publicité illégale mais ont eu du mal à en trouver, ont expliqué aux associations Jean-Marie Delalande. La Connexion en 2021.
De la fin des années 1980 au début des années 2000, certaines villes disposaient de kilomètres de panneaux publicitaires le long des routes principales menant aux agglomérations, même si une loi prévoyant des contrôles stricts était en vigueur depuis 1979.
Créée en 1993, l’association s’est d’abord intéressée à diverses problématiques liées à la protection de l’environnement visuel français avant de s’orienter vers les panneaux publicitaires.
Paysages de France a été actif dans le Grenelle de l’Environnement en 2007 et a réussi à faire durcir davantage les lois.
Bien qu’il y ait eu une certaine amélioration depuis lors, il indique que les règles sont toujours bafouées et que l’application est laissée aux maires et aux préfets.
La publicité est devenue très agressive et intrusive dans notre vie quotidienne, dit
Olivier Saladin, porte-parole de Paysages de France. Son harcèlement dans l’espace public.
Les immeubles de grande hauteur dominaient l’architecture urbaine des années 1950
Villard-de-Lans (Isre), l’Avenue des Loisirs à Moussac (Gard), le centre commercial des Aubires (Puy-de-Dme) et la Chausse Royale à Saint-Paul (La Réunion) sont les derniers lauréats du prix France Moche en 2022.
Bien sûr, la question de l’attrait esthétique (ou de son absence) en architecture n’est pas nouvelle.
Au début du XXe siècle, par exemple, l’écrivain français Jean Giraudoux a qualifié la situation de l’urbanisme de la banlieue parisienne d’horrible zone de misère.
Il était également cinglant à propos des programmes de logement qui ont décollé à la fin des années 1930, coïncidant avec l’explosion des voitures.
Dans les années 1950, l’architecture urbaine était dominée par le grand ensemble du lotissement de grande hauteur.
L’architecte Charles-douard Jeanneret-Gris dit Le Corbusier incarne cette période en France, notamment avec La Cit Radieuse à Marseille.
Ce béton unité d’habitation (îlot d’habitation) a été construit pour accueillir 1 600 habitants, avec une école, une piscine, des commerces et même un centre culturel, et est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.
Tous les exemples de cette période ne sont pas aussi célèbres.
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Émission de télévision des années 1970 sur des projets de construction controversés
Beaucoup de bâtiments et de tours érigés à l’époque des grands ensembles ont souffert des coupes budgétaires de l’État, laissant la porte ouverte à la standardisation et à l’esthétique douteuse.
C’est du moins la théorie énoncée par M. de Jarcy dans son livre de 2019 Les abandonnes, qui insiste sur le fait que les erreurs d’urbanisme et de ségrégation sociale que nous constatons aujourd’hui trouvent leur racine dans cette période.
La France défiguréeune émission télévisée populaire des années 1970, s’est également intéressée à interroger la pollution visuelle causée par la publicité et les bâtiments, ses animateurs visitant régulièrement des chantiers ou des aménagements faisant l’objet de controverses.
Le vrai problème du compte Twitter de France Moche
Le problème qui dérange les architectes avec le compte Twitter de France Moche, cependant, est le manque de contexte et de curation.
Caroline Mazel, maître de conférences à l’école d’architecture Ensap Bordeaux, déclare : L’esprit critique demande un peu de culture et d’éducation.
Elle dit que les publications sont un méli-mélo de contenu qui regroupe des structures disparates allant des ronds-points aux centres commerciaux, certaines nouvelles, d’autres dans divers états d’abandon sous le même parapluie.
Tout est débattu, mais rien n’est comparable, dit-elle, ajoutant que placer tout dans le même contexte architectural et historique crée de la confusion.
M. de Jarcy convient que qualifier les messages serait utile, admettant qu’il ne pense pas que toutes les photos présentées sur le compte méritent d’être là.
Beaucoup de gens détestaient la Tour Eiffel
Le Dr Mazel souligne que certains des bâtiments qui ont été présentés sont des architectes dont les œuvres ont été désignées comme monuments historiques.
La tour Eiffel a été décrite par un critique après sa construction comme un suppositoire criblé de trous et c’est maintenant le symbole national de la France, dit-elle, expliquant pourquoi certains bâtiments doivent être appréciés pour leur importance sociale, politique ou historique.

Photo : La Tour Eiffel domine l’horizon de Paris et n’était pas populaire auprès de tout le monde une fois achevée en 1889 ; Crédit: saiko3p / Shutterstock
La politique du grand ensemble, poursuit-elle, visait à fournir des logements abordables dans les zones à forte densité aux familles de la classe ouvrière, et cela devrait être pris en compte lors de la mesure de sa valeur.
En tant qu’expert des bâtiments du XXe siècle et auteur d’un livre sur l’attitude des Français à l’égard de l’architecture, le Dr Mazel souhaite une meilleure éducation pour aider les gens à comprendre, apprécier et habiter les bâtiments.
Pour M. de Jarcy, cependant, cet argument est un aveu de faiblesse.
Il insiste sur le fait que l’architecture devrait être conceptualisée pour les futurs résidents plutôt que pour satisfaire l’ego d’un architecte.
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Les architectes continuent de se tromper
Comme Francis Rambel, de la Cité de l’architecture et du patrimoine de Paris, l’a dit au 20 minutes podcast : L’architecture est tout sauf la performance. Il parle d’espace, d’usage et d’urbanité. L’habitat est-il habitable ? L’utilisation est-elle agréable ? Est-ce que ça crée du lien et du vivre-ensemble ?
Pour l’instant, l’architecture laide est quelque chose avec laquelle il va falloir continuer à vivre, dit M. de Jarcy.
Il cite le réaménagement en cours de la Porte de la Chapelle à Paris comme un excellent exemple d’architectes qui continuent de se tromper, comparant les bâtiments là-bas à des boîtes à chaussures dans leur uniformité rectangulaire aux tons gris.
Quand on les voit, on ne peut s’empêcher de se demander si les architectes veulent que les habitants se suicident en sautant par les fenêtres.
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