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Comment la mafia opère en Corse, à l’abri des regards des touristes

Avec son littoral accidenté et sa beauté naturelle intacte, la Corse est un joyau de la mer Méditerranée.

L’île française, située à quelques encablures au nord de la Sardaigne italienne, attire chaque année des millions de touristes, mais très peu d’entre eux se rendent compte que la mafia tient la Corse dans son emprise de fer.

Pour les habitants, les menaces, les paiements secrets et les travaux de construction truqués font partie de la réalité quotidienne. Il n’est pas rare non plus que des personnes soient tuées par la mafia.

Souvent surnommée « l’île de beauté », la Corse est la région de France, hors outre-mer, où le taux de meurtres par rapport au nombre d’habitants est le plus élevé.

L’année dernière, l’île a enregistré 3,7 décès pour 100 000 habitants, dont de nombreux meurtres perpétrés par la mafia, selon le ministère de l’Intérieur.

« Le pire, c’est que ces affaires ne sont pas résolues parce qu’il n’y a pas de témoignages », déclare la militante antimafia Josette Dall’Ava-Santucci. Elle attribue ce phénomène à « l’omert », une loi du silence également imposée par les gangs mafieux du sud de l’Italie qui exige la non-coopération avec les autorités.

On s’est longtemps demandé s’il existait réellement une mafia opérant sur l’île méditerranéenne. Selon le procureur Nicolas Bessone, chargé du crime organisé en Corse, cette question n’est plus d’actualité. « Je pense qu’il faut être clair », a-t-il récemment déclaré à la chaîne France Bleu : des organisations mafieuses existent en Corse.

Selon un rapport interne d’une unité antimafia de la police et de la gendarmerie, cité par les médias français, 25 bandes criminelles sont actives sur l’île.

La mafia est devenue active en Corse dans les années 1980, explique Dall’Ava-Santucci, lorsque des plans d’investissement étaient en cours d’élaboration pour cette île montagneuse.

Aujourd’hui, des bandes criminelles ont infiltré le lucratif secteur de la construction et le secteur immobilier et contrôlent le trafic de drogue, explique Dall’Ava-Santucci, un médecin de 82 ans qui a fondé l’organisation antimafia Maffia N avec d’autres militants en 2019.

Il est difficile de déterminer l’ampleur des gangs mafieux corses, car bon nombre de leurs activités se déroulent à l’abri des regards, dit-elle.

Dall’Ava-Santucci estime que chacun des vingt gangs pourrait compter une douzaine de membres. Même si cela ne paraît pas grand-chose, cela représente un chiffre non négligeable si l’on considère que la Corse ne compte que 350 000 habitants.

À cela s’ajoutent des membres du système judiciaire et fiscal, du système pénitentiaire et parfois même de la police qui ont été soudoyés par la mafia, dit-elle.

Le procureur Bessone soupçonne que la mafia a également des liens avec la politique.

Selon Jean-Jacques Fagni, avocat à la cour d’appel de Bastia, ville du nord du pays, les gangs n’opèrent pas sur des territoires distincts. Lui et Bessone affirment que différentes organisations criminelles coopèrent même parfois à travers l’île.

Dall’Ava-Santucci s’est entretenu avec de nombreuses victimes de la mafia corse. Dans certains cas, les criminels ont envahi les portes des gens qui n’avaient pas payé leur loyer à temps. Dans d’autres cas, ils ont tenté de s’emparer de la totalité de leur maison. Des entrepôts et des équipements de travail appartenant à des sociétés concurrentes ont explosé et des permis de construire ont été extorqués. Les gangs parviennent également à faire baisser les prix de l’immobilier.

« Toute une génération connaît la mafia en tant qu’employés ou chefs d’entreprise », dit-elle.

Les gangs font grimper les coûts des travaux publics, les réalisent de manière négligente et gèrent parfois des entreprises sans en avoir la capacité, ajoute-t-elle.

Pendant ce temps, les quelque 3 millions de touristes qui visitent la Corse chaque année ne remarquent rien, selon Dall’Ava-Santucci.

Au contraire, l’île est très sûre et il y a rarement des vols ou d’autres raisons d’avoir peur de se promener seule la nuit, dit-elle.

Un touriste ne remarquerait pas si sa location de vacances ou son bar appartient à la mafia. Le seul signe visible des structures criminelles clandestines qui tourmentent l’île sont des graffitis appelant à « Mafia dehors » dans certaines rues de Bastia.

Dans la lutte contre les gangs, Dall’Ava-Santucci cherche à mobiliser les habitants, les législateurs et les autorités. Elle demande notamment davantage de policiers, l’introduction d’une infraction pénale distincte pour les délits liés à la mafia et le remplacement des juges non professionnels du tribunal des jurés par des professionnels qualifiés. Elle affirme également que les biens soupçonnés d’être contrôlés par des gangs devraient être confisqués immédiatement et que toute interdiction visant les personnes qui ne devraient pas être autorisées à gérer des entreprises devrait être étendue.

En revanche, des peines de prison plus sévères ne contribueront pas à améliorer la situation, estime-t-elle. « La prison, c’est le lieu où la mafia s’organise. En prison, ils font ce qu’ils veulent. »

Une vue sur la promenade de la ville côtière corse.  La beauté naturelle de l'île française attire de nombreux touristes du monde entier qui connaissent peu ses problèmes avec les structures criminelles.  Rachel Bossmeyer/dpaUne vue sur la promenade de la ville côtière corse.  La beauté naturelle de l'île française attire de nombreux touristes du monde entier qui connaissent peu ses problèmes avec les structures criminelles.  Rachel Bossmeyer/dpa

Une vue sur la promenade de la ville côtière corse. La beauté naturelle de l’île française attire de nombreux touristes du monde entier qui connaissent peu ses problèmes avec les structures criminelles. Rachel Bomeyer/dpa

« Mafia dehors ! » » griffonné en corse sur le mur d’une maison de cette destination de vacances populaire également en proie à la mafia et au crime organisé. Rachel Bomeyer/dpa

Un café de la place Saint Nicolas en Corse, célèbre pour sa beauté et aussi comme étant la région de France, hors DOM-TOM, avec le taux de meurtres le plus élevé par rapport au nombre d'habitants.  Rachel Bossmeyer/dpaUn café de la place Saint Nicolas en Corse, célèbre pour sa beauté et aussi comme étant la région de France, hors DOM-TOM, avec le taux de meurtres le plus élevé par rapport au nombre d'habitants.  Rachel Bossmeyer/dpa

Un café de la place Saint Nicolas en Corse, célèbre pour sa beauté et aussi comme étant la région de France, hors DOM-TOM, avec le taux de meurtres le plus élevé par rapport au nombre d’habitants. Rachel Bomeyer/dpa

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