Climat de travail tendu, soupçons d’évasion fiscale : Disney France pris dans la tempête
Les salariés français de Disney basés à Paris parlent souvent de « Burbank », le surnom donné au siège de la multinationale pour laquelle ils travaillent, situé dans le comté de Los Angeles. Burbank intervient dans presque tout, du contenu des blockbusters produits et distribués dans le monde entier à l’organisation interne de chaque filiale, en passant par les licenciements. Près de 30 des 250 salariés vont perdre leur emploi au sein de la branche française du géant du divertissement The Walt Disney Company France, dans le cadre d’un vaste plan mondial de suppression de 7 000 postes imposé il y a un an par le PDG Bob Iger.
C’est la troisième vague de licenciements en France après ceux de 2019 et 2021, qui ont déjà conduit au licenciement de près de 80 salariés. La méthode américaine irrite non seulement les salariés, mais aussi les services administratifs français. Des doutes très sérieux existent sur la réalité des difficultés économiques de Disney en France et donc sur la légitimité de ces plans sociaux.
Filiale distincte de Disneyland Paris, The Walt Disney Company France se consacre en grande partie au cinéma, notamment à la distribution de contenus Disney en salles et à la télévision, au doublage, à la promotion et à la création de productions originales pour la plateforme de streaming Disney+. Ces secteurs sont en difficulté partout dans le monde, au point que la multinationale a besoin de se restructurer pour rester compétitive, selon Burbank.
« L’entreprise se porte bien »
En France, le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) annoncé en juin 2023 a prévu la suppression de 28 postes, dont 14 au sein du service divertissement à domicile, que la direction envisage d’externaliser. « La taille actuelle du marché du DVD en France permet d’envisager de déplacer cette activité sous licence, ce qui nous apporterait à peu près la même marge opérationnelle sans avoir les risques et les coûts associés », explique la société dans un document interne. Pour accompagner la réorientation stratégique du groupe, Disney France prévoit également de modifier le périmètre de neuf postes et de recruter 20 collaborateurs digitaux.
Difficile de se faire une idée précise de la santé économique de l’entreprise, qui ne publie pas ses comptes et refuse de répondre. Le Mondeles questions. Mais pour les salariés, c’est une évidence : la raison économique du PSE ne tient pas la route, la situation économique française ne pouvant se confondre avec les tendances mondiales. Le succès de blockbusters comme Avatar 2 et Panthère noire 2qui a enregistré d’excellents résultats dans les salles françaises en 2022, accentue leurs méfiances.
Les dernières réunions du comité social et économique (CSE) ont donné l’occasion aux représentants du personnel de s’impliquer. En octobre, ils ont critiqué un plan de restructuration « lié davantage à une décision financière stratégique qu’à de réelles difficultés économiques en France », selon un procès-verbal consulté par Le Monde. S’appuyant sur un récent audit financier réalisé dans le cadre du PSE, les élus affirment que « l’entreprise se porte bien » et que « les revenus de ses activités restent rentables ». Ils ont même affirmé que le bénéfice net de « 16 millions » généré par The Walt Disney Company France en 2023 est « largement sous-estimé » par des astuces comptables.
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