Biotech en France : qu’est-ce qui freine le progrès et comment avancer ?
France Biotech publie chaque année le Panorama France Healthtech rapport qui évalue les progrès réalisés par la healthtech française et les domaines dans lesquels l’écosystème doit s’améliorer. Dans cet article, nous approfondissons le rapport pour faire le point sur la situation de l’industrie française.
Le secteur français des technologies de la santé constitue une partie notable du paysage biotechnologique européen, caractérisé par un éventail diversifié et croissant d’entreprises. Couvrant les biotechnologies, les technologies médicales et la santé numérique, ce secteur comprend plus de 2 600 entreprises dont 820 biotechs. Il soutient environ 60 000 emplois, illustrant son importance non seulement pour l’innovation mais aussi pour l’économie française dans son ensemble. Au sein de cet écosystème, la France s’est taillé une place de leader dans le domaine des maladies rares en Europe.
Cependant, l’écosystème biotechnologique français est confronté à un certain nombre de défis. Si la position de la France donne un aperçu du potentiel de solutions révolutionnaires en matière de santé, elle ouvre également des discussions sur les obstacles réglementaires et financiers qui doivent être surmontés pour que le secteur puisse continuer à prospérer. En explorant le secteur français des technologies de la santé, nous examinerons à la fois ses réalisations et les obstacles auxquels il est confronté.
L’état actuel de la biotech française
Le secteur français des biotechnologies a toujours été un acteur central dans le paysage européen des sciences de la vie. Alors que nous naviguons dans les complexités de la médecine moderne et des exigences en matière de soins de santé, l’industrie biotechnologique française continue d’évoluer, marquée par une croissance significative de la santé numérique et un engagement soutenu dans la lutte contre les maladies rares.
Le rapport Panorama dénombre 20 entreprises de biotechnologie de plus en 2023 qu’en 2022, pour un total de 820 entreprises. Parmi ces entreprises, une sur quatre travaille en oncologie, et 21 % des solutions développées par les biotechs françaises s’adressent aux maladies rares. La croissance la plus notable du nombre d’entreprises dans le secteur des technologies de la santé concerne la santé numérique, avec 50 entreprises supplémentaires en 2023. Près de la moitié des entreprises du secteur sont des start-ups et un tiers existent depuis plus de 10 ans. L’industrie gagne en maturité mais les entreprises plus jeunes, comme dans d’autres pays, pourraient avoir des difficultés à trouver du financement.
La répartition des stades de développement des produits biotechnologiques français est également importante à noter. Alors que 10 % des solutions produites par les entreprises françaises de biotechnologie sont commercialisées, plus de la moitié du total des produits français sont en phase de recherche et de preuve de concept (27 %), ou en phase préclinique (32 %). Le reste est réparti de manière relativement égale entre les essais cliniques de phase 1 à 3 avec seulement 6 % en phase 3 et 5 % en phase 2b. Avec 59 % des produits biotechnologiques français aux premiers stades de développement, la part des solutions en phases avancées ne progresse quasiment pas.
Répartition des produits par stade de développement
Le leadership de la France dans les maladies rares
L’importance de la France dans le domaine des maladies rares souligne sa capacité de recherche scientifique approfondie et d’innovation thérapeutique. Grâce à un solide réseau d’institutions de recherche et d’entreprises de biotechnologie dédiées à la découverte de traitements pour ces maladies souvent négligées, la France s’efforce de s’imposer comme un leader dans ce domaine critique.
Un exemple du dynamisme de la France dans ce domaine réside dans la société de biotechnologie Amolyt Pharma, spécialisée dans les maladies rares. La semaine dernière, la société a annoncé son acquisition par AstraZeneca avec un paiement initial de 800 millions de dollars et des paiements d’étape potentiels de 250 millions de dollars pour une transaction d’une valeur potentielle totale de 1,05 milliard de dollars. Cette décision permet à AstraZeneca d’accéder à l’énéboparatide, un traitement prometteur contre l’hypoparathyroïdie en phase 3 conçu pour normaliser les niveaux de calcium tout en évitant les maladies rénales et une supplémentation excessive en calcium.
Sanofi, le géant français de la biotechnologie est également impliqué dans les maladies rares et a annoncé en janvier l’acquisition d’Inhibrx pour environ 1,7 milliard de dollars, dans le but d’élargir son portefeuille avec INBRX-101, un traitement prometteur pour le déficit en alpha-1 antitrypsine (AATD), une maladie rare. maladie des poumons et du foie. INBRX-101, actuellement en phase 2, est une protéine de fusion AAT-Fc humaine recombinante qui a montré son potentiel dans les premiers essais pour normaliser les taux sériques d’AAT avec une administration mensuelle, offrant potentiellement des améliorations significatives dans les options de traitement et la qualité de vie des patients AATD. Cette acquisition s’inscrit dans la stratégie de Sanofi visant à renforcer son portefeuille de maladies rares, la transaction devant être finalisée au deuxième trimestre 2024.
La biotech française face à des défis
Les nouvelles startups en France rencontrent des difficultés de financement, en partie à cause de la nature sélective des investisseurs. Le rapport Panorama souligne l’importance d’un paysage d’investissement favorable, en particulier pour les entreprises naissantes qui sont cruciales pour l’innovation et la croissance du secteur.
Le rapport montre que la préoccupation numéro un des entreprises françaises de biotechnologie est de trouver des sources de financement et de lever des fonds, 67 % des entités interrogées plaçant cela comme leur principal défi. Non seulement c’est la plus grande préoccupation, mais c’est aussi une préoccupation croissante puisque ce chiffre a connu une augmentation de 4 pour cent depuis l’enquête de l’année dernière.
Inquiétudes des entreprises françaises de healthtech selon une enquête France Biotech
Un autre élément du rapport Panorama est conforme aux tendances mondiales en matière de fusions et acquisitions (M&A) dans le domaine de la biotechnologie. Lorsqu’on a interrogé les biotechs françaises sur la stratégie de sortie qu’elles envisageaient le plus, 47 % ont répondu M&A et seulement 34 % ont répondu aller jusqu’au bout du chemin vers l’accès au marché. Il s’agit d’une tendance mondiale et, avec la domination américaine dans l’industrie biotechnologique, les actifs prometteurs français pourraient devenir la propriété des géants biotechnologiques de demain. Cette tendance offre aux jeunes entreprises des perspectives supplémentaires pour commercialiser leurs solutions à une époque où les sources de financement sont davantage axées sur les produits avancés.
Alors que la société française Sanofi a dépassé une capitalisation boursière de 100 milliards de dollars, la liste des sociétés de ce club exclusif est largement dominée par les États-Unis. Cela suggère que la France pourrait améliorer sa position sur la scène biotechnologique mondiale en tirant parti de ses atouts dans des domaines de niche, tels que comme maladies rares.
La stratégie du gouvernement français pour accélérer l’industrie
Le Plan Sant 2030 du gouvernement français, qui fait partie de l’initiative plus large France 2030, représente un engagement important pour revitaliser et propulser la position de la nation en tant que leader de l’innovation en matière de soins de santé en Europe. Avec un budget global de 7,5 milliards alloué spécifiquement au secteur de la santé, le plan vise à favoriser les avancées dans divers domaines, notamment les biothérapies, la santé numérique et les maladies infectieuses émergentes. Les principales facettes de cette initiative consistent à rationaliser les procédures administratives pour faciliter la recherche clinique, à soutenir la croissance de startups prometteuses et à garantir que la France puisse attirer et former les talents nécessaires aux avancées médicales de demain.
Un aspect notable de la stratégie du gouvernement est la répartition des fonds entre plusieurs domaines cruciaux. Cela comprend des investissements substantiels dans les infrastructures de recherche et développement, les essais cliniques et l’accélération des biothérapies et des solutions de santé numérique. De plus, une part importante du budget est consacrée au soutien aux investissements industriels ainsi qu’à la croissance et à l’industrialisation des startups de la santé via Bpifrance, la Banque publique d’investissement française.
Le plan souligne également la nécessité pour la France de se préparer aux futures pandémies, en allouant des fonds pour renforcer la préparation du pays contre les maladies infectieuses émergentes. Cette initiative vise non seulement à relever les défis immédiats en matière de santé, mais aussi à garantir une préparation à long terme contre d’éventuelles crises sanitaires.
Ce plan reflète l’ambition du gouvernement français de soutenir l’innovation nationale en apportant un soutien financier, en simplifiant l’accès au marché des nouveaux traitements et en favorisant un dialogue plus intégré entre les différentes parties prenantes de l’industrie des sciences de la vie.
Comment faire passer la biotech française au niveau supérieur ?
Pour aller de l’avant et relever les défis auxquels le secteur français des biotechnologies est confronté, le rapport Panorama a identifié des axes stratégiques d’amélioration dans trois domaines clés :
Paysage d’investissement
La création d’un paysage d’investissement plus favorable est cruciale pour favoriser l’innovation et la croissance au sein de l’industrie biotechnologique française. Les incitations gouvernementales, telles que les allégements fiscaux pour les investissements dans la R&D et les startups de biotechnologie, pourraient jouer un rôle crucial. De plus, les partenariats public-privé (PPP) peuvent mobiliser les investissements privés tout en atténuant les risques grâce au soutien du gouvernement. Renforcer la visibilité et l’attractivité des entreprises françaises de biotechnologie auprès des investisseurs étrangers est également essentiel. Cela pourrait impliquer l’organisation de forums internationaux sur les biotechnologies en France, présentant le potentiel d’innovation et les réussites du pays à un public mondial.
Simplification de la réglementation
La rationalisation des processus réglementaires est essentielle pour accélérer l’innovation. Les recommandations du rapport Panorama incluent la création d’un cadre réglementaire plus agile qui permet des processus d’examen et d’approbation accélérés pour les innovations biotechnologiques, en particulier celles répondant à des besoins médicaux non satisfaits. L’adoption d’une approche « bac à sable », dans laquelle les nouvelles technologies peuvent être testées dans un environnement contrôlé sous surveillance réglementaire, peut encourager l’innovation tout en garantissant la sécurité et l’efficacité. En outre, l’amélioration de la communication et de la collaboration entre les sociétés de biotechnologie et les organismes de réglementation pourrait contribuer à clarifier les attentes et à accélérer le processus d’approbation.
Partenariats internationaux et réindustrialisation
La collaboration mondiale est fondamentale pour la croissance du secteur, offrant un accès à de nouveaux marchés, technologies et expertises. La France pourrait se concentrer sur l’établissement de partenariats stratégiques avec des régions biotechnologiques de premier plan, telles que la Silicon Valley et la région de Boston aux États-Unis, ainsi qu’avec des pôles biotechnologiques en Asie et en Europe. Ces partenariats pourraient impliquer des projets collaboratifs de R&D, des programmes d’échange pour scientifiques et entrepreneurs et des coentreprises. La réindustrialisation, en mettant l’accent sur les capacités de biofabrication en France, peut réduire la dépendance à l’égard des chaînes de production et d’approvisionnement étrangères. Il sera essentiel d’investir dans des installations de biofabrication de pointe et d’adopter des technologies de fabrication avancées, telles que la fabrication continue et l’automatisation, pour renforcer la résilience et l’autosuffisance du secteur.
Dans l’ensemble, la France est un acteur biotechnologique important dans le paysage européen et présente un potentiel d’amélioration, surtout si elle parvient à tirer parti de ses compétences dans des niches telles que les maladies rares. Cependant, l’Europe est encore loin du dynamisme américain et les start-up françaises sont confrontées à un grand défi de financement à l’heure où les investisseurs cherchent à atténuer le caractère à haut risque des investissements biotechnologiques en se concentrant sur les entreprises présentant des candidats en phase de stade avancé, qui sont encore trop rares en France.
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