Aperçu : droit et politique des investissements étrangers en France

Droit et politique

Politiques et pratiques

Quelles sont, en termes généraux, les politiques et pratiques de votre gouvernement concernant la surveillance et l’examen des investissements étrangers ?

En principe, les investissements étrangers sont libres en France. Cependant, le ministère français de l’Économie (MOE) examine certains types d’investissements étrangers impliquant les intérêts nationaux de la France. A cet égard, certaines opérations projetées par des investisseurs étrangers (c’est-à-dire des investisseurs UE et EEE ainsi que des investisseurs hors UE et EEE) dans des entités françaises actives dans des « activités sensibles » doivent obtenir l’approbation préalable du MOE.

Principales lois

Quelles sont les principales lois qui réglementent directement ou indirectement les acquisitions et les investissements par des ressortissants et investisseurs étrangers sur la base de l’intérêt national ?

Depuis 1966, en application de la loi n° 66-1088 du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l’étranger, les investissements étrangers susceptibles de porter atteinte aux intérêts nationaux de la France sont soumis à une déclaration ou à un agrément préalable du MOE. Cette loi a ensuite été complétée par la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004, qui a habilité le MOE à réglementer davantage les investissements étrangers, notamment par voie d’injonction.

La France a récemment renforcé le contrôle des investissements étrangers par l’adoption de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 pour le développement et la transformation des entreprises (la loi PACTE). Cette loi a renforcé les pouvoirs du ministère de l’Éducation en cas de violation des exigences d’autorisation préalable.

Par ailleurs, le décret n° 2019-1590 du 31 décembre 2019 (le décret de 2019) et l’arrêté ministériel du 31 décembre 2019 relatif aux investissements étrangers ont réformé le régime français de contrôle des investissements étrangers. Cette réforme a mis en œuvre les modifications législatives introduites par la loi PACTE et adapté le cadre juridique français au régime de coordination instauré par le règlement UE 2019/452 du 19 mars 2019 établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’UE, entré en vigueur le 10 avril 2019 et est entrée en vigueur le 11 octobre 2020. L’objectif principal de la réforme était d’inclure de nouveaux secteurs stratégiques, d’affiner certains concepts et de fournir un cadre de révision plus clair pour les investisseurs étrangers.

Enfin, le décret n° 2020-1729 du 28 décembre 2020 modifiant le décret n° 2020-892 du 22 juillet 2020 a réduit temporairement le seuil déclenchant l’examen par le MOE des investissements hors UE ou EEE lorsqu’ils ciblent des sociétés cotées françaises dans le cadre de la pandémie de covid19. Les investissements étrangers relevant de ces nouvelles dispositions doivent être notifiés selon une procédure accélérée. Le gouvernement français a prolongé ce seuil abaissé jusqu’au 31 décembre 2022.

Les dispositions concernées sont actuellement codifiées aux articles L151-1 à L151-7 et R151-1 à R151-17 du Code monétaire et financier (CMF).

Le 9 septembre 2022, le MOE a publié des lignes directrices pour clarifier l’application des règles françaises en matière d’IDE.

Champ d’application

Décrivez le champ d’application de ces lois, y compris les types d’investissements ou de transactions concernés. Les intérêts minoritaires sont-ils pris ? Existe-t-il des secteurs spécifiques sur lesquels les autorités ont le pouvoir de surveiller et d’empêcher les investissements étrangers ou des secteurs qui font l’objet d’un contrôle particulier ?

La portée de l’examen du MEO comprend les types d’investissements étrangers suivants :

  • les prises de contrôle directes ou indirectes par des investisseurs étrangers d’une entité française, y compris en cas de prise de contrôle conjoint ;
  • les acquisitions par des investisseurs étrangers de tout ou partie d’une branche d’activité d’une entité française qui couvriraient des cessions d’actifs ; et
  • pour les investisseurs hors UE et EEE uniquement, l’acquisition de plus de 25 % des droits de vote d’une entité française, qu’elle soit réalisée, directement ou indirectement, par un investisseur unique ou par plusieurs investisseurs agissant de concert ; compte tenu de la pandémie de covid-19, le décret n° 2020-892 du 22 juillet 2020 a abaissé ce seuil des droits de vote à 10 % pour les participations dans les sociétés cotées (cette mesure est temporaire et a été prorogée jusqu’au 31 décembre 2022).

Les acquisitions de contrôle conjoint peuvent également être saisies.

Le MOE n’examine que les investissements étrangers dans les activités sensibles énumérées dans le MFC. Auparavant, la portée de l’examen différait selon l’origine de l’investisseur. Le décret de décembre 2019 a abandonné cette distinction.

Par conséquent, tant pour les investisseurs de l’UE et de l’EEE que pour les investisseurs hors de l’UE et de l’EEE, la liste des secteurs stratégiques comprend les éléments suivants :

  • un premier bloc d’activités liées à la défense et à la sécurité :
    • relatives aux armes, munitions, poudres et substances explosives destinées à des fins militaires ou aux matériels de guerre et assimilés ;
    • relatives aux biens et technologies à double usage, ou d’entreprises détentrices du secret de la défense nationale ou ayant conclu un contrat ou un contrat de sous-traitance au profit du ministère français de la Défense ; et
    • relatives à l’interception ou à la détection de correspondances ou de conversations, à la capture de données informatiques, à la sécurité des systèmes d’information et des systèmes électroniques utilisés dans les missions de sécurité publique, au traitement, au stockage et à la transmission de données sensibles ;
  • un deuxième bloc d’activités relatives aux infrastructures, biens ou services essentiels pour garantir : l’approvisionnement en énergie, l’approvisionnement en eau, les réseaux de transport, les réseaux de télécommunications, les opérations spatiales, la sécurité publique, la santé publique et les infrastructures vitales ; et
  • un troisième « bloc » de technologies critiques : activités de recherche et développement en cybersécurité, intelligence artificielle, robotique, fabrication additive, semi-conducteurs, certains biens et technologies à double usage, stockage de données sensibles, stockage d’énergie, technologies quantiques et biotechnologies. Plus récemment, un arrêté ministériel du 10 septembre 2021 a ajouté à cette liste les technologies participant à la production d’énergie renouvelable. Ces technologies critiques doivent être liées aux activités énumérées dans les premier et deuxième blocs ci-dessus.

Depuis le décret de 2019, sous l’influence du droit de l’UE, les obligations de filtrage couvrent également l’édition, l’impression et la distribution de la presse politique imprimée et numérique ainsi que les activités liées à la production, la transformation ou la distribution des produits agricoles énumérés à l’annexe I du le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne lorsqu’ils contribuent aux objectifs de sécurité alimentaire (c’est-à-dire assurer l’accès à une alimentation sûre, saine et diversifiée, protéger et développer les terres agricoles et favoriser l’indépendance alimentaire de la France).

Les lignes directrices sur les IDE encouragent les entreprises à faire une demande préalable de lettre de confort au MOE lorsqu’elles ne sont pas certaines que l’activité de la cible figure dans la liste capturée.

Définitions

Comment un investisseur étranger ou un investissement étranger est-il défini dans la loi applicable ?

Un « investisseur étranger » est défini comme :

  • toute personne physique de nationalité étrangère ;
  • toute personne physique de nationalité française non domiciliée en France (à l’exception de Monaco) ;
  • toute entité étrangère ; ou alors
  • toute entité de droit français contrôlée par une ou plusieurs personnes ou entités mentionnées ci-dessus.

Toutes les entités contrôlant l’investisseur direct sont considérées comme des investisseurs. Ainsi, en pratique, un investisseur sera considéré comme un « investisseur étranger » dans la mesure où sa chaîne de contrôle comprend un investisseur non français, qu’il soit intermédiaire ou ultime.

La notion de « contrôle » doit être interprétée par référence à l’article L233-3 du Code de commerce. Cela couvre les situations, entre autres, où l’investisseur détient la majorité des droits de vote dans une société, où il peut seul déterminer les décisions des assemblées générales ou où l’investisseur détient le pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres du conseil d’administration, organes de direction ou de surveillance d’une entreprise.

La notion de « contrôle » peut également être interprétée à la lumière des règles de contrôle des concentrations prévues à l’article L430-1 du Code de commerce. Cela inclut les droits, contrats ou autres moyens conférant la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise (c’est-à-dire les droits de propriété ou d’usage sur les actifs de l’entreprise, les droits ou contrats conférant une influence déterminante sur la composition, la délibération ou décision des organes de l’entreprise).

Enfin, il est précisé que la définition d’« investisseur UE ou EEE » couvre :

  • toute personne morale dont la chaîne de contrôle ne comprend que des entités constituées en vertu des lois d’un État membre de l’UE ou de l’EEE ou des entités ressortissantes et domiciliées dans cet État ; ou alors
  • toute personne physique ressortissante d’un État membre de l’UE ou de l’EEE et ayant son domicile dans cet État.

Tout investisseur qui ne relève pas de cette définition doit être considéré comme un investisseur hors UE et EEE.

Règles spéciales pour les entreprises publiques et les fonds souverains

Existe-t-il des règles spéciales pour les investissements effectués par des entreprises publiques étrangères (EP) et des fonds souverains (SWF) ? Comment une SOE ou un SWF est-il défini ?

Il n’y a pas de règles spécifiques concernant les investissements effectués par des entreprises publiques et des fonds souverains étrangers. Cependant, le MEO peut prendre en considération dans son examen la relation de l’investisseur avec des gouvernements étrangers ou des entités publiques étrangères, éventuellement pour opposer son veto à l’investissement.

Autorités compétentes

Quels fonctionnaires ou organes sont les autorités compétentes pour examiner les fusions ou acquisitions pour des raisons d’intérêt national ?

L’autorité compétente pour examiner les investissements étrangers pour des raisons d’intérêt national est le ministère de l’Éducation. Le Bureau Multicom 4 au sein de la Direction du Trésor du MOE est formellement chargé de l’examen. Un examen des investissements étrangers directs peut également impliquer la consultation d’autres ministères ou organismes publics, selon les secteurs concernés par l’investissement. Depuis janvier 2016, un commissaire à l’information stratégique et à la sécurité économique (rattaché au MOE) assiste également le Trésor dans la coordination des concertations interministérielles. Le ministère de l’Éducation peut également solliciter la coopération d’autres autorités nationales. Elle peut également recourir à la coopération internationale pour s’assurer de l’exactitude des informations fournies par les investisseurs étrangers.

Par ailleurs, le MOE notifie à la Commission européenne et aux autres États membres tout investissement étranger réalisé en France entrant dans le champ d’application du règlement UE 2019/452. Lorsque la Commission européenne ou tout État membre estime qu’il existe un risque d’atteinte à la sécurité ou à l’ordre public, le MOE doit prendre ces commentaires en considération.

Nonobstant les lois et politiques susmentionnées, quel pouvoir discrétionnaire les autorités ont-elles pour approuver ou rejeter des transactions pour des motifs d’intérêt national ?

Le ministère de l’Éducation doit vérifier que l’investissement étranger ne contreviendra pas à l’ordre public, à la sécurité publique ou à la défense nationale de la France.

Le MEO n’est pas tenu de fournir un raisonnement détaillé lorsqu’il approuve un investissement étranger ou lorsqu’il considère que l’investissement étranger n’est pas visé par l’examen.

Le MEO devrait fournir son raisonnement lorsqu’il refuse d’autoriser un investissement étranger. Le ministère de l’Éducation dispose d’un pouvoir discrétionnaire assez large pour décider si un investissement est contraire aux intérêts nationaux de la France. Le décret de 2019 a précisé que le MOE peut prendre en considération les liens entre l’investisseur étranger et un gouvernement étranger ou une entité publique étrangère. En outre, le MOE peut refuser d’accorder l’autorisation s’il existe une « présomption sérieuse » que l’investisseur est susceptible de commettre ou a été sanctionné pour avoir commis certaines infractions énumérées (par exemple, trafic de drogue, proxénétisme, blanchiment d’argent, financement du terrorisme, corruption ou trafic d’influence). Le MOE peut également tenir compte des antécédents de l’investisseur en matière de violation des exigences d’autorisation préalable ou de non-respect des injonctions et des mesures provisoires du MOE.

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