ANALYSE – Algérie et France : le nouveau rapprochement est-il durable ?
Alger, Algérie
L’Algérie a commémoré mardi le 68e anniversaire du déclenchement de sa guerre d’indépendance, qui a mis fin à 130 ans de domination coloniale française.
Contrairement à 2021, où les relations diplomatiques entre les deux pays s’étaient sérieusement détériorées, l’événement de cette année s’est déroulé dans une atmosphère très différente.
Les deux pays ont inauguré une nouvelle ère, notamment depuis la visite du président français Emmanuel Macron en Algérie en août.
En signant leur accord de « partenariat renouvelé », les dirigeants des deux pays ont montré leur volonté de travailler ensemble et de mettre de côté leur douloureux passé.
Lors de la visite de Macron, les dirigeants ont décidé de créer un comité mixte d’historiens chargés de régler leurs différends et de confronter le passé.
Ce faisant, Macron et le président algérien Abdelmadjid Tebboune ont manifesté leur volonté de donner une chance à leur nouveau rapprochement.
Pourtant, il reste discutable si la stratégie sera payante, ou si la nouvelle relation dynamique durera, ou si elle sera simplement de courte durée comme les précédentes.
Lors d’entretiens avec l’Agence Anadolu, des experts et des observateurs en Algérie et en France ont exprimé des opinions divergentes. Alors que certains ont dit qu’ils voyaient une lune de miel de courte durée entre les deux pays, d’autres ont dit qu’ils pensaient que le changement était là pour rester.
Rachid Tlemcani, politologue algérien, estime que les relations entre son pays et la France évoluent en fonction de la personnalité des présidents.
« En raison de la nature compliquée et complexe des relations entre les deux pays, le rapprochement récent, comme les précédents, n’est pas destiné à durer. Les relations entre les deux pays ont toujours évolué en montagnes russes. Le différend historique n’est pas complètement résolu et ne le sera pas de si tôt », a déclaré Tlemcani à l’agence Anadolu.
Tlemcani a fait valoir que la question de la mémoire coloniale a été utilisée comme un « instrument de chantage » par les deux parties.
« L’accès aux archives n’est pas entièrement gratuit. Les deux gouvernements ont décidé de mettre en place, lors de la visite du président Macron, un comité composé d' »historiens de la maison », donc ils ne seront pas indépendants », a-t-il déclaré, ajoutant que le conflit historique compliquera toujours la normalisation des relations entre les deux pays.
Il a ajouté que si une jeune génération de la période postcoloniale est aux commandes en France, ce n’est pas le cas en Algérie, même si les intérêts commerciaux peuvent prendre le pas sur les préoccupations idéologiques et le passé colonial.
Sérieux cette fois ?
Pour sa part, Mohamed Hennad, professeur de science politique à l’Université d’Alger, pense que les derniers engagements entre hauts responsables des deux pays laissent penser que le changement est cette fois vraiment sérieux.
« Mais cela ne garantit pas que la relation entre les deux partenaires ne sera pas toujours problématique », a-t-il déclaré à l’agence Anadolu.
Il a également fait valoir qu’en dépit des différences historiques, le lien demeure entre les deux sociétés en raison d’une forte présence d’immigrés algériens en France, dont beaucoup en situation irrégulière.
Selon Hennad, la relation entre l’Algérie et la France est unique car elle va au-delà des gouvernements vers les peuples qui la renforcent.
« La France est le premier pays étranger visité par les Algériens, dont beaucoup ont la double nationalité. Les Algériens constituent également la majorité des étrangers en France », a-t-il déclaré.
Hasni Abidi, politologue algéro-suisse spécialisé dans le monde arabe, a également déclaré qu’il pensait que la nouvelle dynamique des relations pourrait durer.
Dans une déclaration à la presse française à la veille de la visite de Macron en Algérie, Abidi a expliqué que le chef de l’Etat français avait pris le temps de comprendre la nature des relations entre les deux pays.
« Cette première visite (en août) du second quinquennat de Macron est importante dans la politique française et représente une réelle opportunité, tant pour la France que pour l’Algérie. Macron avait pris le temps de faire le point et de tirer des leçons sur les limites de sa gestion du dossier algérien lors de son premier mandat. Ses déclarations malheureuses avaient suscité de profonds désaccords entre Alger et Paris », a-t-il déclaré.
Au cours des 20 dernières années, les relations bilatérales entre l’Algérie et la France ont été tièdes.
Au début des années 2000, les présidents Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika, deux hommes qui ont vécu la guerre d’Algérie, étaient sur le point de signer un accord de coopération.
Mais une loi louant les « bienfaits du colonialisme » adoptée par le Parlement français en 2004 a fait dérailler l’initiative.
Il a fallu François Hollande, qui a été président en 2012-2017, pour envisager un nouveau rapprochement. La crise a refait surface vers la fin du premier mandat de Macron, dont les propos d’octobre 2021 sur l’Algérie et le régime algérien ont suscité une vive colère à Alger.
Les Français ont occupé l’Algérie pendant 132 ans à partir de 1830, jusqu’à ce que l’Algérie obtienne son indépendance en 1962 après huit ans de guerre.
* Traduit par James Tasamba à Kigali, Rwanda
* Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de l’Agence Anadolu.
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