A quoi servent les colonies ? La France et l’Algérie, 1848

Le L’icône indique un accès gratuit à la recherche liée sur JSTOR.

En février 1848, lorsque Paris se révolta contre le monarque de Juillet du roi Louis-Philippe, les Français menaient une guerre brutale en Algérie depuis dix-huit ans. L’historienne Jennifer E. Sessions soutient qu’il n’y a aucun moyen de séparer les événements mémorables survenus en France cette année-là du colonialisme français. La colonie algérienne était, par essence, un terrain d’entraînement, un dépotoir et un symbole politique. La politique révolutionnaire était la politique coloniale, et vice versa, écrit Sessions.

Annonce d'adhésion quotidienne à JSTORAnnonce d'adhésion quotidienne à JSTOR

Pour commencer, les officiers et fantassins du colonialisme génocidaire guerre en Algérie, la tactique privilégiée était la enfumade, au cours de laquelle des civils algériens ont été fumés à mort dans des grottes, a dominé l’armée française. Le Africains, comme on les appelait, étaient désireux de transférer leur stratégie de guerre totale à Paris pour réprimer les troubles, mais Louis-Philippe les retint. Sa patience lui a coûté son règne.

Quelques mois plus tard, les rues se révoltaient à nouveau. Mais durant ces Journées de Juin, Louis-Philippe était en exil en Angleterre. C’est un gouvernement républicain qui a déclenché Africain le vétéran Louis-Eugène Cavaignac sur les insurgés de la classe ouvrière de Paris. Les barricades furent écrasées par les tirs de canon. Au moins 1 500 personnes ont été tuées et plusieurs milliers de personnes ont été faites prisonnières. Friedrich Engels n’était pas le seul à décrire la répression féroce comme un retour de la violence coloniale. Les modérés et les conservateurs, quant à eux, affirmaient que, tout comme il était nécessaire d’imposer la civilisation aux autochtones algériens à coups de fusil, il était nécessaire d’éradiquer la sauvagerie de la classe ouvrière en France par une force impitoyable.

Cavaignac fut récompensé du titre de chef du pouvoir exécutif, au moins pour quelques mois. Lors de l’élection présidentielle de décembre 1848, il fut battu par Louis Napoléon Bonaparte. George Sand a décrit la compétition comme un choix entre l’épée rouillée de l’Empire et le sabre sanglant de l’Algérie. (Le neveu rouillé de Napoléon Bonaparte organisera un coup d’État en 1852 et se déclarera Napoléon III.)

Mais l’Algérie n’est pas seulement le lieu où une machine militaire répressive a constitué ses os figurés et littéraux. Ce n’était pas seulement un endroit pour envoyer des exilés politiques. C’est également là que la Deuxième République française (1848-1852) souhaitait exporter les chômeurs et en faire des colons, neutralisant ainsi les dissidences dans la métropole.

La colonisation promettait de satisfaire simultanément les demandes d’emploi des travailleurs et d’allier ces inquiétudes (de la menace politique de la pauvreté et du chômage), écrit Sessions.

Les travailleurs eux-mêmes avaient proposé la colonisation comme solution à la crise de l’emploi, sur des bases socialistes. La nouvelle République a veillé à ce que toutes les colonies soient individualistes, fondées sur la famille et la foi. Cinquante millions de francs étaient prévus pour ce projet à la fin de 1848, mais l’ensemble tourna au fiasco, laissant les colons qui s’aventuraient à travers la Méditerranée au sec. Des centaines d’entre eux sont morts du choléra. Fin 1849, à peine la moitié d’entre eux étaient encore là.

L’Algérie a également fourni le vocabulaire même de la barbarie et de la civilisation que les deux camps l’année révolutionnaire s’est jetée les uns sur les autres. La mission civilisatrice coloniale a triomphé comme terme clé de la politique de 1848, tant à l’intérieur de la métropole qu’à l’étranger dans la colonie.

La Seconde République a mis fin à l’esclavage colonial français. Mais en même temps, cela a fatalement cimenté l’emprise française sur l’Algérie en faisant de la colonie une partie du territoire national français. La colonie était divisée en un trio de Départements de l’État. Malgré la débâcle de la colonisation, les Européens ont continué à s’y installer dans les années à venir. L’expansion du suffrage masculin (européens uniquement) et de la représentation à l’Assemblée nationale a contribué à établir une loyauté républicaine durable des colons.

La résultante Algrie franaise (Algérie française) durera plus d’un siècle. Les colons non français deviennent citoyens français ; en fait, de nombreux Algériens français, appelés pieds-noirs, pourraient retracer leur ascendance ailleurs qu’en France. Mais les autochtones, qui constituent la grande majorité de la population algérienne, restent des sujets coloniaux de seconde zone.

En 1962, après huit années de lutte violente, l’Algérie se déclare indépendante de la France. Près d’un million pieds-noirs ont fui leur lieu de naissance. La politique de 48, l’année des révolutions déjouées à travers l’Europe, a eu une longue traîne.


Soutenez JSTOR quotidiennement ! Rejoignez notre programme d’adhésion sur Patreon dès aujourd’hui.

Ressources

JSTOR est une bibliothèque numérique destinée aux universitaires, aux chercheurs et aux étudiants. Les lecteurs de JSTOR Daily peuvent accéder gratuitement aux recherches originales derrière nos articles sur JSTOR.

Par : Jennifer E. Sessions

Politique, culture et société françaises, Vol. 33, n° 1, NUMÉRO SPÉCIAL La politique de l’Empire dans la France post-révolutionnaire (printemps 2015), pp. 75100

Livres Berghahn

www.actusduweb.com
Suivez Actusduweb sur Google News


Ce site utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que cela vous convient, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite