À l’intérieur des derniers jours cauchemardesques de Vichy France

Malgré la grève de Ptains et la fin évidente du pouvoir de Vichy, certains de ses dirigeants mettent en place une Commission gouvernementale dans le château, un régime français théorique en attente. Ce corps est passé par les mouvements futiles de gouverner. Un sujet qui a pris beaucoup de temps était le taux d’intérêt auquel ils rembourseraient un jour les Allemands pour leur générosité à mettre le château à disposition.

Personne n’était plus occupé que Jean Luchaire, un journaliste vénal aux goûts de luxe et aux cheveux Brylcreemed. Il était arrivé à Sigmaringen avec une suite considérable, comprenant au moins deux maîtresses, sa femme et sa fille Corinne, comédienne populaire dans le Paris occupé. Chargé de la propagande, Luchaire crée une radio qui alterne bulletins d’information et opérettes légères, et un journal nommé France.

Pour donner une idée de son contenu, un article, le 5 novembre 1944, rendant compte de la condition des ouvriers français en Allemagne, s’intitulait Auschwitz, camp modèle. Pendant ce temps, la commission n’ayant aucune autorité réelle, les questions de protocole ont pris une importance considérable. Une mini-crise a éclaté, par exemple, quand quelqu’un a été repéré en train d’utiliser un escalier du château réservé aux membres de la commission.

Fin 1944, alors que les nouvelles de France se font plus alarmantes, les exilés de Sigmaringen se consolent brièvement avec des rumeurs selon lesquelles les Allemands sont sur le point de contre-attaquer. Les attaques à la roquette V2 sur Londres à l’automne ont suscité des espoirs, puis sont venues les nouvelles de la contre-offensive allemande à travers les Ardennes. La France continue d’offrir sa réalité alternative.

Le 23 février 1945, il proclame : La Libération a fait de la France un champ de ruines et de mort. Mais fin mars, le journal était passé d’une publication quotidienne à une publication hebdomadaire et il ne restait plus beaucoup de semaines. Malgré les gros titres explosifs, personne ne se faisait d’illusion sur la direction des guerres.

Cline fut parmi les premiers à quitter Sigmaringen, fin mars. Lui et Lucette ont finalement réussi à rejoindre le Danemark, où ils ont été rapidement internés. D’autres ont traversé le col du Brenner en Italie, pour être arrêtés par les Américains. Seul Ptain avait hâte de rentrer en France. Une fois qu’il a appris la nouvelle de la création du tribunal de grande instance de Paris, spécialement conçu pour juger les dirigeants de Vichy, il est déterminé à défendre sa réputation.

Le 5 avril, il adresse à Hitler une lettre demandant l’autorisation de retourner dans sa patrie : Il n’y a qu’en France que je peux rendre compte de mes actes A mon âge, on ne craint qu’une chose : ne pas avoir fait son devoir, et je veux faire le mien . Il n’a reçu aucune réponse.

Le 19 avril 1945, les forces alliées étaient à environ 25 milles de Sigmaringen. Le lendemain, des fonctionnaires allemands, prenant les choses en main, informent Pétain qu’ils le renverront en Suisse avec laquelle il a toujours entretenu de bonnes relations avec l’ambassadeur à Vichy pour éviter qu’il ne tombe aux mains des Alliés. À 4 heures du matin le 21 avril, ils sont partis. Quelques heures plus tard, les troupes de la Première Armée française atteignent le château. Le lit de Ptains était défait. A côté se trouvait une bouteille à moitié vide d’eau de Vichy.

Après un voyage de trois jours, le jour de son 89e anniversaire, l’entourage de Ptain atteint la frontière suisse. Une fois qu’ils ont reçu la confirmation que le gouvernement de Gaulle autoriserait Ptain à retourner en France, ils ont continué vers l’ouest jusqu’à la frontière franco-suisse.

Traversant la Suisse, ils atteignirent le 26 avril au soir le poste frontière français de Vallorbe. La voiture des Marchals fut la première à traverser. De l’autre côté, Ptain descend, recule sur le sol français et salue les gardes républicains qui bordent la route. Obéissant vraisemblablement aux ordres, ils l’ont ignoré. Lorsqu’un officier de police français a demandé à Ptain de donner son nom et son titre, il a répondu : Je pense que je suis toujours maréchal de France.

De retour à sa voiture, il trouva son chauffeur remplacé par un gendarme français, qui le conduisit à la gare la plus proche. Là, un service spécial attendait pour emmener Ptain à Paris et à un procès qui diviserait la France pour les décennies à venir.


France on Trial: The Case of Marshal Ptain de Julian Jackson paraîtra aux éditions Allen Lane le 15 juin

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