La confrontation électorale à enjeux élevés en France
Dimanche, la France organisera des élections législatives anticipées annoncées par le président Emmanuel Macron après la défaite éclatante de son parti aux élections au Parlement européen. A l’heure où nous rédigeons ce blog, le 23 juin, à la seule exception du très soudé Rassemblement national, aucun parti politique ne semble prêt à conserver sa forme actuelle.
La droite gaulliste et conservatrice a été réduite en miettes, les socialistes ont conclu un pacte faustien avec le chaviste La gauche et son antisémitisme contextuel, son choix de mots pour décrire les actes de sauvagerie inspirés par Gaza contre les Juifs français. Ce qui reste du mouvement du président tente de garder Macron hors de vue et hors de l’esprit : il a perdu le respect et la loyauté de ses partisans, sous le choc.
Macron lui-même a été pris dans son propre pétard ou, dans un langage plus moderne, fragmenté par sa propre grenade. Le Monde dit qu’il a inventé dans un moment de joie supposée d’écolier. Cet esprit du temps a une conséquence pratique : la politique de la France en tant que membre de l’UE et de l’OTAN ne reposera plus entièrement entre ses mains. Désormais, la politique française en Europe ne sera pas une reprise des visions exposées à la Sorbonne ou dans les colonnes du Économiste.
L’éventail des résultats post-électoraux, allant du mauvais au pire, reste large à seulement une semaine du premier tour du scrutin, le 30 juin. Trois coalitions électorales de force inégale sont en lice. Le Rassemblement national et un groupe d’alliés sont crédités de plus d’un tiers des voix. Le Nouveau Front Populaire, de la gauche élargie, devrait gagner plus d’un quart, et le parti progouvernemental Ensemble! Le regroupement (ensemble) devrait atteindre environ un cinquième. Cette composition se reflète dans la plupart des sondages d’opinion.
Une forte mobilisation des électeurs est attendue, ce qui signifie que d’autres scrutins à trois, voire à quatre, pourraient être envisagés après le premier tour : une barre de 12,5 pour cent des électeurs inscrits doit être franchie pour qu’un candidat puisse passer du premier tour, ce qui est fondamentalement ouvert. , jusqu’au second tour dans chaque circonscription uninominale le 7 juillet. Jusqu’à un tiers ou plus des sièges peuvent figurer dans cette catégorie imprévisible.
Il existe donc trois scénarios postélectoraux très différents, chacun ayant son propre impact sur les questions européennes et transatlantiques.
A ce stade, l’issue la plus probable est un parlement sans majorité absolue reflétant la composition actuelle, avec le Rassemblement national arrivant en tête avec 260 sièges sur 577 dans les estimations les plus élevées, la Gauche en deuxième position et Ensemble ! loin en troisième position.
Dans cette situation, il n’y aurait pas d’accord rapide sur un nouveau Premier ministre et un nouveau gouvernement, voire aucun accord du tout. Le futur Premier ministre du Rassemblement national, Jordan Bardella, a également indiqué qu’il refuserait de briguer ses fonctions dans de telles conditions lors de la réunion du nouveau parlement le 18 juillet.
Si l’impasse persiste, le Parlement ne pourra pas être révoqué avant un an. Marine Le Pen, membre du Rassemblement national, a laissé entendre que la démission de Macron pourrait être la seule issue à une telle énigme. Dans ce scénario intrinsèquement instable, il faut s’attendre à une période prolongée de paralysie politique. Le résultat serait une absence totale de toute prise de décision européenne ou diplomatique, même si Macron reste et n’est pas remis en cause dans les prérogatives traditionnelles du président, qui n’incluent pas le pouvoir de la bourse.
Dans les milieux d’affaires, avec leur parti pris gagnant-gagnant, on espère qu’un gouvernement d’experts la Mario Monti en Italie pourrait être une alternative tout à fait moins douloureuse. Toutefois, compte tenu des traditions politiques françaises, cela semble peu probable.
Un scénario alternatif verrait le Rassemblement national et ses alliés obtenir une majorité de 289 voix ou plus au Parlement. Aucun institut de sondage ne l’envisage actuellement, mais l’objectif est à portée de main si le Rassemblement national continue à éviter de commettre de grosses erreurs et à profiter de celles des autres.
Dans ce cas, une certaine stabilité existera, mais avec un degré encore inconnu de conflit avec Macron en matière de défense et de diplomatie. Bardella suggère actuellement qu’il ne s’opposerait pas directement à la politique de Macron à l’égard de l’Ukraine, même sans instructeurs français en Ukraine et sans frappe de cibles en Russie avec des missiles à longue portée. À tout le moins, la France deviendrait un poids mort après avoir été un moteur de l’organisation de l’Europe contre l’impérialisme de Poutine.
Un gouvernement Bardella serait naturellement également responsable du budget de l’État, y compris de l’aide à l’Ukraine, permettant ainsi une politique furtive de type Orbn, ignorant l’opposition de Macron. L’extrême droite a une longue et modeste histoire de proximité avec le financement et l’influence russes. Un indicateur clé ici sera de savoir si les services de sécurité français seront capables ou non de poursuivre avec autant d’agressivité qu’aujourd’hui les opérations d’ingérence russe et de zone grise. Le Kremlin lui-même pourrait également trouver judicieux de ralentir le rythme de ces opérations, notamment avec l’avènement des Jeux olympiques fin juillet.
Sur les affaires européennes, Marine Le Pen n’est pas Giorgia Meloni. Le Frexit n’est peut-être plus à l’ordre du jour mais rien ne se passera sans heurts, y compris la forme de la représentation française au Conseil européen.
Dans un troisième scénario, une tentative serait faite par Ensemble ! construire un nouveau bloc gouvernemental modéré. Aujourd’hui, les sondages d’opinion attribuent à ce groupe le nombre dérisoire d’environ 120 sièges. Il lui faudrait obtenir un soutien massif de la part des socialistes traditionnels, ce qui nécessiterait à son tour de diviser le Nouveau Front Populaire. Cette dernière éventualité est en fait tout à fait probable, ne serait-ce qu’en raison de l’ampleur de l’antisémitisme contextuel.
Mais comme l’ultra-gauche de Jean-Luc Mlenchon dispose d’un premier choix en termes de circonscriptions gagnables, il est très peu probable que le nombre de parlementaires disponibles pour une nouvelle majorité modérée soit suffisant. Même si les restes de la droite conservatrice font mieux que prévu et acceptent de rejoindre la coalition, il faudrait une série de miracles pour atteindre le nombre magique de 289.
En tout état de cause, une telle coalition ne serait pas dominée par les partisans du président sortant. Ce résultat, dans le meilleur des cas, ne serait guère pertinent pour le type d’initiatives de sauvegarde que Macron a tendance à privilégier. Pourtant, un leadership inspiré et solide sera cruellement nécessaire alors que les incertitudes américaines deviennent de plus en plus grandes et que la coalition gouvernementale allemande est coincée dans une ornière jusqu’aux prochaines élections générales.
François Heisbourg est conseiller principal pour l’Europe à l’Institut international d’études stratégiques.