Le Nouveau Front Populaire français a un plan pour gouverner
Le Nouveau Front Populaire est officiellement né. Jeudi soir, les quatre principales forces de gauche françaises ont finalisé une alliance de grande envergure visant à vaincre Marine Le Pens Rassemblement National lors des prochaines élections anticipées et à jeter les bases d’un autre type de gouvernement.
La France Insoumise, le Parti Socialiste, le Parti Communiste et Les Cologues présenteront un bloc commun de candidats dans les 577 circonscriptions françaises pour le premier tour, qui aura lieu le 30 juin. de portée aux élections européennes du 9 juin, que la liste Rassemblement National de Jordan Bardella a remportées avec une avance à deux chiffres sur tous ses rivaux. La victoire historique de l’extrême droite a poussé le président Emmanuel Macron à annoncer dimanche soir la dissolution surprise de l’Assemblée nationale.
Le 14 juin, les dirigeants des partis de gauche se sont réunis dans un centre de conférence près de l’Assemblée nationale pour présenter plus en détail le contrat législatif de 150 mesures qui constitue la plate-forme politique de l’alliance. Nous allons gouverner pour changer la vie des gens, a déclaré la présidente des Cologistes, Marine Tondelier, alors qu’elle et le reste des dirigeants des alliances de gauche échangeaient le micro. Ils ont exposé les grands axes d’un programme de gouvernement qui comprend une augmentation du salaire minimum, des investissements dans les services publics, l’abrogation de la réforme des retraites de Macron en 2023, un rétablissement des impôts sur les fortunes les plus riches et une évolution vers une planification écologique.
Avec la possibilité imminente d’un gouvernement d’extrême droite, le Nouveau Front Populaire est plus qu’un simple pacte de survie entre partis. Ses dirigeants promettent de travailler en étroite collaboration avec les mouvements sociaux et les associations pour construire une coalition durable contre l’extrême droite. Après les déclarations des hauts gradés du parti, un syndicaliste de la Confédération générale du travail (CGT) d’une usine automobile Stellantis récemment fermée en banlieue parisienne est monté sur le podium pour offrir son plein soutien à l’alliance. Il a été suivi par le directeur de Greenpeace France, qui a salué le programme des Fronts populaires comme étant à la hauteur du défi de la transformation de la société et s’est engagé à lui demander des comptes.
Les partis de gauche français, souvent conflictuels, ont dû surmonter de nombreux obstacles pour parvenir à cet accord. Le Nouveau Front Populaire est en grande partie une renaissance de l’alliance de la Nouvelle Union Populaire écologique et Sociale (NUPES) formée à l’approche des élections législatives de juin 2022, qui ont refusé à Macron la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Mais ce pacte toujours instable s’est définitivement rompu après les attaques menées par le Hamas le 7 octobre et l’invasion israélienne de la bande de Gaza. Le fait que ces forces aient pu se réunir en moins d’une semaine après s’être affrontées aux élections européennes en a surpris beaucoup, probablement même Macron, dont l’appel à des élections anticipées a été programmé pour exploiter une gauche française fracturée.
Les élections de dimanche dans l’Union européenne (UE) ont menacé d’envenimer davantage la confrontation entre le Parti Socialiste de centre-gauche et la France Insoumise, parti dominant au sein de l’alliance NUPES et la plus grande force de gauche au parlement sortant. Un Parti Socialiste redynamisé attendait avec impatience de souligner son succès relatif lors du vote de dimanche dernier (en hausse de 6 à 14 %) pour justifier la marginalisation de la France Insoumise (qui a obtenu un score de 10 % de moins qu’en 2022, bien qu’en hausse par rapport aux précédentes élections européennes de 2019). . Il y a eu un nouvel équilibre des pouvoirs, a déclaré Raphal Glucksmann, candidat principal du Parti socialiste aux élections européennes, dans une interview télévisée enflammée lundi soir, au moment même où les dirigeants de gauche se réunissaient pour élaborer le cadre initial d’un pacte.
Les négociations de l’alliance ont été brièvement suspendues jeudi matin, principalement en raison de la division des circonscriptions parlementaires, mais également en raison de différends sur les éléments substantiels du programme de l’alliance. Au premier tour du 30 juin, les candidats de la France Insoumise se présenteront dans 229 sièges, suivis de 175 candidatures pour le Parti Socialiste, 92 pour les Cologistes et 50 pour le Parti Communiste. Cette répartition reflète un léger décalage par rapport à la France Insoumise, principalement en faveur du Parti Socialiste.
Parmi les autres points de tension figurent la référence des plateformes au Hamas en tant qu’organisation terroriste et à la guerre en Ukraine. La réponse de la France Insoumise au 7 octobre, que le parti a refusé de qualifier d’attentat terroriste, a été le déclencheur immédiat de l’abandon par le Parti Socialiste de l’alliance NUPES l’automne dernier.
Mais ces divisions n’ont fait que masquer une évidence : sans unité, les partis de gauche français n’auraient aucune chance lors de ces élections anticipées, augmentant selon toute vraisemblance les chances de victoire du Rassemblement National. À Paris et dans d’autres villes, des milliers de personnes ont organisé des rassemblements plusieurs soirs cette semaine pour réclamer l’unité de la gauche. Le samedi 15 juin, des centaines de milliers de personnes devraient à nouveau descendre dans la rue pour la première journée d’action nationale contre le Rassemblement National. Et ils ont désormais un programme politique derrière lequel se rallier.
Bien qu’il contienne quelques changements par rapport à la plateforme NUPES 2022, le contrat législatif proposé par le Nouveau Front Populaire présente un vaste programme de réformes démocratiques. Le plan des gauches est divisé en trois phases. Les quinze premiers jours du gouvernement de gauche devraient voir une série de mesures d’urgence, notamment une augmentation immédiate du salaire minimum après impôt à 1 600 par mois, un gel des prix des produits de première nécessité et des factures d’énergie, des investissements dans le logement social et un le rejet des règles européennes en matière de dépenses déficitaires, mais sans réaffirmer le mantra précédent de la France Insoumise, à savoir la désobéissance aux traités européens.
Ensuite, les cent premiers jours jetteraient les bases des changements de cap proposés à travers cinq paquets législatifs couvrant le pouvoir d’achat, l’éducation, le système de santé, la planification écologique et l’abolition des privilèges des milliardaires. Les mois au-delà des transformations intitulées verront le renforcement durable des services publics, le droit au logement, la réindustrialisation verte, les réformes de la police et du système de justice pénale, ainsi que des changements constitutionnels conduisant à la fondation d’une Sixième République pour remplacer l’actuelle quasi-monarchique. présidence.
Le contrat législatif des gauches marquerait une rupture nette avec le leitmotiv des années Macron : attaques contre les protections de l’État-providence et érosion des services publics au profit d’un transfert du pouvoir économique vers les plus riches. Un nouveau gouvernement de gauche annulerait le durcissement du système d’assurance chômage décidé par Macron, dont la dernière édition devrait entrer en vigueur cet été. Le plan prévoit des augmentations de salaire pour les travailleurs du secteur public et des déjeuners gratuits à la cantine scolaire à partir de septembre prochain. Dans les quinze premiers jours, le relèvement de l’âge de la retraite de soixante-deux à soixante-quatre ans prévu par Macron en 2022 serait abrogé. Cependant, le programme semble avoir renoncé à la promesse de la France Insoumise de ramener l’âge de la retraite à soixante ans.
En mettant fin aux aumônes de l’ère Macron accordées aux riches et au grand capital, le plan de la gauche propose de restaurer plusieurs anciens régimes fiscaux. L’alliance appelle à la réactivation d’un impôt sur la fortune des grandes fortunes, qui a été remplacé au début de la présidence Macron par un impôt plus réduit et moins progressif sur la richesse immobilière. De même, il demande le rétablissement d’une taxe de sortie supprimée sur le retrait des richesses du pays, ainsi que le renforcement d’un nouvel impôt forfaitaire sur les plus-values. Alors que des sociétés comme la major pétrolière française Total engrangent des bénéfices exceptionnels depuis la crise énergétique post-pandémique, l’alliance appelle également à une nouvelle taxe sur les superprofits.
S’il est élu, le Front populaire adopterait le plus grand changement de politique d’une puissance occidentale dans le conflit israélo-palestinien depuis le 7 octobre. L’accord appelle à un cessez-le-feu immédiat dans la guerre israélienne à Gaza, parallèlement à la libération de tous les otages israéliens dans la bande de Gaza. Bande de Gaza et prisonniers politiques palestiniens détenus dans les prisons israéliennes. Pour faire pression sur Israël, il réclame un embargo sur les armes et la suspension de l’accord d’association de l’UE avec l’Etat israélien. Tout en définissant les attentats du Hamass du 7 octobre comme terroristes, un gouvernement d’alliance de gauche chercherait à obtenir des sanctions contre le gouvernement de Benjamin Netanyahu et s’efforcerait de faire appliquer d’éventuels mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale contre des responsables israéliens, y compris l’actuel chef du gouvernement israélien. Travaillant dans le cadre d’une solution à deux États au conflit israélo-palestinien, l’alliance de gauche appelle à la reconnaissance immédiate de l’État palestinien.
Toujours en matière de politique internationale, l’accord d’alliance affirme qu’il soutient inconditionnellement la souveraineté et la liberté du peuple ukrainien ainsi que l’intégrité de ses frontières. Elle poursuivra ses livraisons d’armes, l’annulation de la dette extérieure ukrainienne et la saisie des actifs en France appartenant aux oligarques russes.
Dans les semaines à venir, le Nouveau Front Populaire et son contrat législatif seront sûrement la cible d’innombrables dénigrements. Les alliés et experts de Macron raconteront des histoires d’horreur sur une sortie de facto de la France de l’Union européenne ou une crise financière imminente. Concernant le conflit israélo-palestinien, d’autres diront que l’antisémitisme est sur le point de devenir une politique officielle de l’État. Les centristes déploreront une alliance de gauche toujours sous le joug de la France Insoumise et construiront des arguments moraux élaborés sur les raisons pour lesquelles voter pour elle est aussi dangereux que voter pour Le Pen.
En fait, il est loin d’être inconcevable que le Front populaire puisse émerger comme le principal concurrent du Rassemblement National. Les sondages suggèrent que cela est plausible, voire probable. Mais plus qu’une simple réponse à Le Pen, il présente un plan détaillé et de grande envergure pour un autre type de gouvernement.