L’appel de Macron à des élections en France ajoute aux craintes de problèmes financiers
Les investisseurs ont clairement exprimé mardi l’ampleur de leurs inquiétudes face au pari du président Emmanuel Macron de convoquer de nouvelles élections en France, faisant grimper les coûts d’emprunt du pays, faisant baisser les cours des actions et incitant l’agence de notation Moodys à avertir qu’elle pourrait dégrader la note de la dette souveraine française comme risque. de l’instabilité politique.
La dissolution de la Chambre basse du Parlement par M. Macron dimanche après que son parti ait été battu par le parti d’extrême droite de Marine Le Pen lors des élections au Parlement européen a fait naître des craintes selon lesquelles le gouvernement pourrait se retrouver dans une impasse. La crise a attiré l’attention sur la fragilité des finances françaises et sur la perspective d’une impasse législative qui pourrait compromettre la capacité du gouvernement à y remédier.
Cette décision n’atténuera pas les défis économiques auxquels le pays est confronté, a écrit Philippe Ledent, économiste principal à la banque ING, dans une note aux clients. Les finances publiques et les performances de l’économie française seront au cœur de la campagne électorale, a-t-il ajouté.
Alors que le chef du parti conservateur français a appelé mardi à une alliance avec l’extrême droite pour repousser M. Macron avant les deux tours de scrutin nationaux qui débuteront le 30 juin, les investisseurs ont puni les actions françaises, faisant chuter la Bourse de Paris de 1,33 pour cent. après une forte baisse lundi.
Le rendement des obligations d’État françaises à 10 ans a fortement augmenté pour la deuxième journée, dans un contexte d’inquiétude des investisseurs quant à la capacité de la France à gérer ses finances. Les rendements obligataires sont révélateurs des coûts d’emprunt du gouvernement, et des niveaux élevés rendraient plus difficile la stimulation de l’économie et la gestion de la dette du pays.
La France se retrouve soudainement face à un territoire inexploré. La perspective que le parti de Le Pens, le Rassemblement National, puisse triompher lors d’élections législatives convoquées à la hâte, ce qui pourrait affaiblir l’emprise de M. Macron sur le pouvoir et éventuellement le forcer à gouverner avec un Premier ministre issu de son opposition politique, risque d’entraîner des ravages économiques au sommet du pays. bilan politique.
Les politiques budgétaires et économiques intérieures sont définies par le gouvernement, qui a besoin d’une majorité au Parlement pour adopter sa législation, a déclaré Holger Schmieding, économiste en chef à la Berenberg Bank à Londres. Pour une France en difficulté budgétaire, les nouvelles élections législatives ajoutent un niveau d’incertitude.
Ces troubles surviennent alors que l’économie française traverse une période difficile, alors que les guerres en Ukraine et à Gaza, les ralentissements économiques en Allemagne et en Chine et les taux d’intérêt record pèsent plus que prévu sur la croissance. Le gouvernement de M. Macron a récemment averti que la croissance serait plus faible que prévu cette année, et son ministre des Finances, Bruno Le Maire, a été chargé de trouver rapidement plus de 20 milliards d’euros d’économies alors que les finances du pays se détériorent.
Après que le gouvernement ait dépensé sans compter pendant la pandémie pour soutenir l’économie et protéger les consommateurs des prix élevés de l’énergie, la dette française a grimpé à 3 000 milliards, soit 110,6 % du produit intérieur brut. Le déficit public pour 2023 s’élève à 154 milliards, soit 5,5 % du produit intérieur brut, l’une des pires performances de la zone euro.
La France risque désormais d’enfreindre les règles budgétaires de l’Union européenne qui restreignent les emprunts publics et devrait faire face la semaine prochaine à des sanctions de la part de la Commission européenne, le pouvoir exécutif de l’UE. Mardi, M. Le Maire a averti que la France pourrait être plongée dans une crise de la dette si le parti de Mme Le Pens accédait au pouvoir.
Paris s’inquiète de plus en plus de la dégradation de la note de la dette française par les agences de notation internationales, ce qui augmente les coûts d’emprunt. Le 31 mai, Standard & Poors a abaissé la note de la dette française, ébranlant le gouvernement, dont la crédibilité économique est l’un de ses principaux atouts politiques.
Mardi, Moodys a averti que la manœuvre de M. Macron pourrait aggraver les difficultés financières de la France en créant un environnement politique polarisé. En dissolvant l’Assemblée nationale, M. Macron a accru les risques que la France ne soit pas en mesure de remettre son budget en conformité, augmentant ainsi la perspective d’une nouvelle dégradation.
Il existe un risque élevé d’une plus grande instabilité politique à l’avenir, a indiqué l’agence, ajoutant que le Parlement pourrait être plongé dans une impasse politique pendant au moins un an, car il est peu probable que le vainqueur des élections obtienne la majorité absolue. Cela pourrait signifier que presque toutes les lois proposées par M. Macron seraient bloquées, y compris les mesures visant à réduire les dépenses publiques nécessaires pour éviter d’enfreindre les règles budgétaires de l’Union européenne.
Le danger est que la dette élevée de la France gonfle encore davantage, ce qui pourrait conduire à une augmentation plus rapide que prévu des paiements d’intérêts, a ajouté Moodys.
Mme Le Pen et son protégé, Jordan Bardella, ont soutenu une augmentation des dépenses publiques pour résoudre les problèmes qui ont poussé des vagues d’électeurs vers le parti du Rassemblement national, notamment la perte de pouvoir d’achat provoquée par l’inflation élevée, les coûts de l’énergie et la demande d’emploi. création dans des régions qui ont été dévastées par les pertes industrielles dues à la mondialisation.
M. Macron a cherché à jouer le rôle d’un leader européen lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais le Rassemblement national courtise assidûment les électeurs, en particulier dans les zones rurales.
Le parti de Mme Le Pens a largement gagné ce week-end dans les régions qui ont perdu des emplois à cause de la désindustrialisation. Le Rassemblement national a conquis un public plus large grâce à ses promesses de renforcer le pouvoir d’achat, de créer des emplois grâce à un protectionnisme intelligent et de protéger la France des politiques européennes qui élargissent la mondialisation.
M. Macron tente de contrer la montée du Rassemblement national, qui a profité du ralentissement économique, des problèmes d’immigration et des exigences réglementaires imposées par l’Union européenne pour attirer des électeurs désenchantés.
Aujourd’hui au milieu de son deuxième mandat, M. Macron a cherché à montrer qu’il remettait la France aux affaires, redorant son image notamment auprès des investisseurs étrangers. Il a révisé le code du travail rigide de la France pour faciliter l’embauche et le licenciement des entreprises et rationalise le généreux système de chômage français.
Il supervise également un énorme programme d’industrialisation subventionnée qui a attiré des centaines de milliards d’euros d’engagements de la part de sociétés multinationales. Il s’agit notamment de la création de quatre grandes usines de batteries pour voitures électriques dans le nord de la France et d’une industrie pharmaceutique renforcée avec de nouveaux investissements de Pfizer et Novo Nordisk, qui augmenteront la production de ses populaires médicaments amaigrissants Ozempic et Wegovy.
Le mois dernier, M. Macron a accueilli des centaines de dirigeants d’entreprise du monde entier au château de Versailles pour une conférence d’affaires annuelle qui a suscité de nouvelles promesses de dons importantes, notamment un investissement de 4 milliards de dollars de Microsoft pour un nouveau centre de données dans l’est de la France.
Malgré cela, le ralentissement économique de la France a été perceptible, en particulier chez les électeurs qui se sont tournés vers le parti de Mme Le Pens. Beaucoup estiment que les inégalités se sont creusées plutôt que réduites, comme M. Macron l’a promis, au cours des sept années qui ont suivi son entrée en fonction.