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Solidarité ou rejet : migration albanaise vers l’Italie

Rome (AFP) Le 20 février 1991, des manifestants à Tirana démolirent l’immense statue du dictateur albanais Enver Hoxha, marquant la fin du régime communiste et déclenchant une vague d’émigration vers l’Italie.

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Trois décennies plus tard, le Premier ministre albanais Edi Rama affirme que la « solidarité » dont l’Italie a fait preuve à l’époque envers ses compatriotes est la raison pour laquelle il a signé un accord migratoire controversé avec Rome en novembre.

La communauté albanaise d’Italie est aujourd’hui nombreuse – la deuxième en importance dans un pays tiers – et bien intégrée.

Mais cela n’a pas toujours été le cas, et les critiques accusent Rama de réécrire l’histoire.

Hajri Kurti, qui a émigré en Italie pour échapper à la pauvreté, affirme que « l’intégration a été très difficile ».

« Vous étiez clandestin, vous n’aviez aucun droit, vous travailliez au noir. Parfois, je n’étais pas payé », raconte à l’AFP le quinquagénaire.

« Il fallait être invisible. J’ai eu peur quand j’ai vu un policier dans la rue », a-t-il déclaré.

Aujourd’hui associé dans une entreprise de maintenance, il a fallu des années à ce père de famille marié pour obtenir le droit de séjour.

« Il y a des préjugés, il y a du racisme » dans la société italienne, a-t-il déclaré.

Trahison

L’Italie, située à peine à 70 kilomètres (40 miles) de l’Albanie de l’autre côté de la mer Adriatique, était considérée comme un pays occidental riche en opportunités.

Des milliers d’Albanais arrivés en mars 1991 dans le port de Brindisi, dans le sud de l’Italie, ont été chaleureusement accueillis, a déclaré Edmond Godo, directeur de l’association culturelle albanaise Besa.

Cet homme de 57 ans se souvient que de nombreux habitants ont laissé de la nourriture aux nouveaux arrivants devant leur porte d’entrée, y compris une jeune femme qui lui a ouvert sa maison.

Le Premier ministre albanais Edi Rama (à gauche) a signé un accord controversé sur la migration avec la Première ministre italienne Giorgia Meloni en novembre 2023.
Le Premier ministre albanais Edi Rama (à gauche) a signé un accord controversé sur la migration avec la Première ministre italienne Giorgia Meloni en novembre 2023. Tiziana FABI / AFP/Fichier

« Elle m’a invité, moi et mes deux amis, à déjeuner, et après avoir entendu l’histoire de mon pays, elle et son mari nous ont invités à rester et dormir chez eux », a-t-il déclaré à l’AFP.

Mais quelque 20 000 autres Albanais arrivés en août de la même année à Bari, un port juste au nord de Brindisi, n’ont pas eu autant de chance.

Les migrants désespérés entassés sur leur bateau, le Vlora, ont fait la une des journaux et le gouvernement craignait que d’autres arrivées massives ne suivent.

Après avoir été détenus plusieurs jours dans un stade de la ville, la grande majorité d’entre eux ont été rapatriés.

Les Albanais avaient été informés qu’ils seraient envoyés dans une autre ville italienne et leur retour forcé a été perçu comme une trahison.

En 1997, l’Italie avait imposé un blocus naval à l’Albanie et des bateaux de la marine italienne patrouillaient dans ses eaux.

La même année, plus de 80 Albanais sont morts ou ont disparu après qu’un navire albanais transportant plus de 120 personnes est entré en collision avec un navire de la marine italienne.

« Un gadget publicitaire »

Ce ne sont pas des souvenirs sur lesquels la Première ministre italienne Giorgia Meloni ou Rama veulent s’attarder.

Meloni, d’extrême droite, élu en 2022 sur une liste anti-migrants, s’est engagé à réduire considérablement le nombre de bateaux de migrants arrivant en Italie et doit être visible pour s’attaquer au problème, même si ces jours-ci, les bateaux ne viennent plus d’Albanie mais principalement d’Afrique du Nord.

Rama souhaite que Rome aide à accélérer l’adhésion de l’Albanie à l’Union européenne.

Dans le cadre de cet accord, l’Italie ouvrira deux centres en Albanie pour traiter les personnes interceptées alors qu’elles tentaient de traverser la Méditerranée centrale.

Les centres ne pourront accueillir que 3 000 personnes à la fois pendant que leurs demandes d’asile sont évaluées – un processus souvent long.

Cela ne représente qu’une fraction des arrivées annuelles. En 2023, plus de 150 000 personnes ont traversé la frontière depuis l’Afrique du Nord vers l’Italie.

Le projet a également été critiqué par des organisations caritatives de sauvetage de migrants, car il est susceptible de violer le droit international.

Pour l’émigré albanais Kurti, l’accord n’est guère plus qu’un « gimmick publicitaire », destiné à « masquer l’incapacité du gouvernement italien » à gérer les flux migratoires.

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