Cannes One To Watch: Banel & Adama scénariste-réalisatrice Ramata-Toulaye Sy sur la représentation de son héritage dans son premier film

Daniele Venturelli/Getty Images
La réalisatrice sénégalaise et française Ramata-Toulaye Sy n’est que la deuxième femme noire à entrer en Compétition à Cannes. Son premier long métrage, Banel & Adamaqui a fait ses débuts samedi, suit les traces de Mati Diops 2019 Atlantiques.
Sy s’inspire de ses racines dans la culture Fulani, ou Peul, de la région de Futa, dans le nord du Sénégal, pour son film magique et réaliste sur un jeune couple dont la passion sème le chaos dans leur communauté rurale reculée. Les habitants de Futa ont la réputation d’être très dignes et attachés à leur communauté, dit Sy, qui est né et a grandi en France. J’ai été élevé dans la tradition peule à la maison et dans la culture française à l’extérieur.
Inspiration pour Banel & Adama est né d’un désir de créer une héroïne africaine tragique à l’égal de Pierre Corneilles Mde ou Jean Racines Phré. Nous n’avons pas vraiment ces personnages mythiques et tragiques, ou nous en avons, mais très peu, dit Sy, qui a écrit le scénario dans le cadre de son travail de fin d’études à l’école de cinéma française La Fmis, où elle a étudié l’écriture de scénario.
Je ne voulais pas diriger. La littérature et l’écriture sont ma passion, dit-elle, citant ses auteurs préférés comme Toni Morrison, Maya Angelou, Chimamanda Ngozi Adichie et Jesmyn Ward, ainsi que William Faulkner. Mais la tragédie a poussé Sy au fauteuil de réalisateur après que le producteur français ric Nv, qui avait acquis le scénario et tentait de faire décoller le projet, est décédé subitement en 2019. Il était mon parrain dans le monde du cinéma. Sa femme, Maud Leclair, a dit : Tu dois faire ça pour Eric, et je l’ai donc fait pour lui en hommage.
Frances National Cinema Center a encouragé Sy à faire d’abord un court métrage avant de se lancer dans un long métrage, ce qui en fait une condition de financement du long métrage.
Elle a écrit le scénario du court métrage Astel en trois semaines sur le verrouillage de Covid et l’a tourné en novembre 2021. Il a ensuite remporté des prix à Toronto et à Clermont-Ferrand.
Je n’ai pas eu le temps d’aller en festivals parce que j’ai été transférée directement sur le long métrage, dit-elle. Je dois remercier le CNC pour cela car pendant que j’étais sur des plateaux, je n’en avais jamais fait tourner. Cela m’a aidé à survivre à la fonctionnalité et à construire mon équipage.
Quatre-vingts pour cent de l’équipe du long métrage sont sénégalais, rejoints par le directeur de la photographie marocain Amine Berrada, le reste venant principalement de France. Il était important qu’au moins les trois quarts de mon équipage soient sénégalais, dit Sy.
Mélangeant les influences littéraires du XVIIe siècle avec les traditions sénégalaises de la narration, Sy décrit son film comme un patchwork représentant différentes parties de son identité. Oui, je suis né en France, et je suis français de culture, mais je suis avant tout africain car je suis noir et mes parents viennent du Sénégal. Je me considère aussi comme un cinéaste français.
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Sy note qu’elle suit le sillage de trois autres cinéastes d’origine franco-sénégalaise qui se sont imposées ces dernières années : Mati Diop, Mamouna Doucour et Alice Diop. Je sais qu’ils vont nous comparer même si nos histoires et les genres dans lesquels nous les racontons sont complètement différents, dit Sy.
Là où ils convergent, dit-elle, c’est dans leur création de personnages féminins noirs forts. Pendant longtemps, nous avons été invisibles ou mal vus ou méprisés ou rejetés jusque dans nos propres communautés. Aujourd’hui, on n’a pas peur de parler du pouvoir féminin noir. Il nous manquait ces femmes noires fortes en France, ces personnages que l’on retrouve chez Toni Morrison et Maya Angelou, dit-elle.
Mais au-delà des questions d’origine et d’identité, le plus grand espoir de Sys pour le film est qu’il aura un attrait universel. Je veux que toutes les femmes se reconnaissent dans le personnage de Banel, pas seulement les femmes noires mais les femmes blanches, les femmes afghanes, les femmes iraniennes et les femmes américaines, de la même manière, il y a des films universels tournés aux États-Unis, dans lesquels je reconnais moi même si ce sont des personnages américains, dit-elle. Nous devons faire la même chose en Afrique. Ce n’est pas parce qu’un film est africain avec des personnages noirs que les spectateurs blancs ne peuvent pas se reconnaître dans ces films, de la même manière, nous nous reconnaissons dans les films où les personnages sont majoritairement blancs.